lundi 6 juin 2016

Chapitre 26

            Kratos évita les trombes d’eau en voltigeant. Puis il fracassa d’un poing rageur un énorme rocher qui fonçait sur lui. Raijin, encore au sol, essayait de rassembler ses forces. Devant lui, semblant faire un bouclier avec son corps, la silhouette fine d’Ondine semblait se confondre avec les gouttes de pluie. Elle agitait les mains comme une chef d’orchestre commandant à ses musiciens. Kratos, dans les airs, évitait les attaques d’Ondine avec grâce. Au loin, le regard embrumé de Raijin distingua Pierre. Il avait constitué sur lui la plus grosse armure rocheuse qu’il put, et il ressemblait à présent à un golem, qui lançait à Kratos les plus gros rochers qu’il pouvait matérialiser sur lui-même. Kratos s’abattit sur lui, et Pierre, qui devait bien peser une tonne dans son armure rocheuse, s’envola comme un fétu de paille. Le regard de Kratos se tourna vers lui et Ondine.
            « Raijin, tu devrais te barrer. On a perdu ce combat.
− Tu crois vraiment que je vais vous abandonner là ?
− Quand j’étais petite, quand j’ai découvert mes pouvoirs et que j’ai commencé à faire le mal avec…ma mère m’avait dit : C’est le rôle des méchants, de se faire battre par les bons, répondit Ondine avec un petit sourire.
− Ondine…
− Toi…Raijin, tu n’as rien d’un criminel ! Alors tu n’as pas à te faire battre ! » elle s’était retournée pour lui dire ces mots. Et il y avait une étrange tristesse dans son regard. A peine eut elle finit sa phrase que Kratos était déjà à deux pas d’elle. Raijin ouvrit de grands yeux quand il vit le super héros prendre le cou de la criminelle d’une main sûre.

            C’était il y a quatre ans au moins…Cyril Marvel l’avait vue pour la première fois il y a quatre ans. Il pleuvait ce jour-là, et il rentrait chez lui. Le ciel gris, l’odeur du bitume mouillé, tout ça lui revenait en mémoire. Il longeait la Seine ce jour-là, pour rentrer à pied dans son appartement quand il vit cette forme au milieu du fleuve. Entourée de brume, une silhouette se tenait debout sur les flots, comme une apparition surnaturelle. Il l’avait observé un moment. Elle semblait jouer avec les flots et lui donnait l’impression de danser en même temps que l’onde. Autour d’elle, l’eau était plus calme, là où partout ailleurs, elle était tourmentée par les gouttes de pluie. Puis, la jeune fille l’avait remarqué, et c’était comme si le charme avait été rompu. Elle disparut brusquement dans les eaux tourbillonnantes.
            Puis il l’avait affrontée une première fois alors qu’elle attaquait des touristes dans un bateau, en méditerranée. Et la jolie petite fée bleue des eaux s’était transformée en démone, sa danse aquatique était devenue un déferlement de colère et de rage meurtrière. Il était obsédé par elle. Raijin avait toujours voulu croire qu’il y avait du bon chez Ondine. Mais elle ne l’avait jamais montré. Il se disait qu’en fait, s’il voulait tant chercher la bonté chez elle, c’était parce qu’il l’aimait bien au fond. Peut-être n’y avait-il rien à sauver chez elle. Et l’affection qu’il éprouvait pour elle s’était transformé en obsession et en aversion. Il se détestait d’être tombé sous le charme d’une criminelle. Elle avait les mains tâchées de sang, et cela lui allait. Il avait pris la résolution de l’affronter tout le temps, jusqu’à ce qu’il trouve le courage de mettre un terme à ses agissements une bonne fois pour toutes…

            Kratos décolla, tenant toujours Ondine fermement par le cou. La jeune femme se débattait, elle semblait suffoquer. Raijin sentit une rage monter en lui. L’image qu’il avait sous les yeux avait quelque chose d’effrayant. Kratos montait toujours plus haut. Trop haut pour qu’Ondine puisse survivre à une chute. Celle-ci continuait à se débattre. Kratos l’observa attentivement, puis entortilla son doigt dans l’une de ses boucles bleues.
            « Tu es une jolie petite poulette. Pas étonnant que Pikachu soit aussi accro à toi. Mais tu es dangereuse.
− Lâche-moi !
− Si je te lâche, tu risques de mourir. Et je suis un héros, je ne tue pas. Par contre, je vais te briser. »
Pour toute réponse, Ondine fit apparaître une sphère autour de la tête de Kratos qui, surpris, relâcha son étreinte sur Ondine. La criminelle prit appui de ses jambes sur le torse musclé de Kratos et s’éjecta en arrière. Tombant en chute libre, elle se concentra pour faire apparaître un coussin aquatique pour amortir sa chute.
            Mais elle fut percutée par un choc stratosphérique. Kratos était descendu à toute vitesse et lui avait lancé un violent coup de poing au ventre. Ondine cracha du sang. Avec vivacité, elle utilisa son pouvoir pour manipuler son hémoglobine et l’envoya dans les yeux de Kratos pour l’aveugler. Il détourna la tête avec dégoût. Elle parvint à amortir sa chute grâce à son pouvoir. Une fois sur le plancher des vaches, elle voulut fuir, mais Kratos avait repris ses esprits, et l’attrapa par la jambe. Il la fit tourner et l’envoya valser contre un immeuble de brique non loin. Sonnée, Ondine vit Kratos avancer sur elle, menaçant.
            Mais alors, un éclair fondit sur lui et projeta Kratos quelques mètres plus loin. Ondine poussa un soupir de dépit. « Je t’avais pourtant dit de te barrer ! » lança-t-elle à l’encontre de Raijin qui lui tournait le dos. Elle le regarda un moment. C’était la première fois que quelqu’un venait lui sauver la vie. Elle eut un petit sourire malgré la douleur qui lui brûlait le corps. « Mon héros… » murmura-t-elle. Kratos s’était relevé et observa Raijin avec froideur.

            Pascal constata qu’il était de plus en plus proche de l’endroit qui avait été frappé par la foudre de Raijin. Le trajet lui avait paru horriblement long.
            « Pascal quand on y sera, il faudra que tu immobilises Raijin. A ce moment-là, je lui confectionnerai une camisole intégrale en matériel isolant. On pourra le mettre dans le van, et Mike nous éloignera. » Michael acquiesça. Le plan de Textil lui paraissait solide, mais il avait tout de même un très mauvais pressentiment. Pascal restait impassible, concentré sur la route. Il gardait le silence, semblant ruminer dans son esprit le combat qui l’attendait contre son frère. Finalement, il prononça des mots qui parurent bien mystérieux à Textil. « Mike, c’est peut-être aujourd’hui que tu devras régler ta dette.
− J’espère qu’on en n’aura pas besoin. » répondit Michael avec un air sombre. Pascal semblait être d’accord.

            Raijin avait beau avoir mal partout, il parvenait à éviter les coups violents de Kratos. Mais sans l’orage, sa foudre n’était plus assez forte pour affecter son adversaire. Il se rendit alors compte que Kratos n’avait pas usurpé son titre de plus puissant super-héros de la planète. Il était imprenable. Kratos s’apprêtait à le frapper, mais à ce moment-là, un golem de pierre vint faire barrage au coup. L’armure de pierre vola en éclat. Mais il parvenait à faire apparaître des rochers sur son corps plus rapidement que Kratos le frappait.
            « Je vais…pas tenir…longtemps…faites quelque chose… » grogna en hoquetant Pierre. Ondine concentra toute l’eau de pluie qu’elle pouvait et la lança sur Kratos qui fut trempé. « Hé Raijin ! C’est le moment de tenter quelque chose ! ». Raijin comprit. L’eau conduisait l’électricité. Peut-être que Kratos allait la sentir passer, sa prochaine décharge. Il se concentra au maximum et de ses doigts jaillirent des étincelles électriques. Le corps trempé de Kratos fut secoué de spasmes et il poussa un cri de surprise. Raijin et Ondine s’échangèrent un regard. Ils avaient réussi à l’atteindre. Ce n’était pas aussi puissant que lorsque l’orage frappait, mais il était devenu prenable.
            « Ah…on peut dire que vous vous êtes bien trouvés…tous les deux avec vos pouvoirs complémentaires…c’en serait presque mignon. » les railla Kratos. De la fumée sortait de sa bouche et de ses oreilles. Cependant, malgré cette bravade, Kratos était inquiet. Il était très difficile d’affronter trois supers tels que Raijin, Ondine et Pierre. S’il faisait l’erreur de les sous-estimer, alors c’en serait fini de lui. Il observa ses adversaires un long moment. Ceux-ci étaient tous exténués. Lui avait encore de la ressource. Ondine était la plus dangereuse des trois. Sans elle, les éclairs de Raijin n’auraient plus le même impact. Il porta son regard sur Pierre. Celui-ci était une gêne car il permettait à ses deux comparses de gagner du temps. Il aurait bien aimé avoir le soutien d’un autre membre de la conjuration des étoiles. Il trouva d’ailleurs étrange qu’aucun d’eux ne se soit présenté, ils n’auraient pourtant pas hésité à en profiter pour briller auprès du public. Kratos savait que Gravitas était une femme calculatrice et froide. Elle devait probablement juger plus prudent de ne pas se lancer dans un combat avec un héros comme Raijin. « Plus de gloire pour moi, j’imagine…souffla Kratos avant de reprendre : OK donc Kratos affronte l’équipe des Pokémon, c’est parti. » Sur ces mots il se précipita sur Pierre qui reprenait son souffle.
            Pierre s’envola au loin, il avait l’impression d’avoir été percuté par un TGV. Kratos le souleva et le planta au sol comme un clou. Pierre n’avait eu que le temps de créer son armure en pierre pour éviter d’être réduit en bouillie. Kratos sentit qu’on aspergeait son dos. Puis juste après, un choc électrique vint le frapper. Il hurla, puis se précipita vers Ondine. Il lui colla une gifle, puis d’un coup de poing il l’envoya contre un immeuble. La jeune fille s’écrasa dans l’un des appartements, éclatant la fenêtre sur son passage.
            Raijin, ayant vu ses amis se faire tant malmener, poussa un hurlement de colère. Il s’élança contre Kratos, ses poings luisaient à la lumière de sa foudre. Il donna des coups de poings à Kratos. Sa colère rendait sa foudre plus puissante. Kratos ressentit la violence des coups. Raijin, qui utilisait ses pouvoirs au-delà des limites physiques de son corps, souffrait à chaque fois que ses éclairs touchaient Kratos. Mais pour rien au monde, il n’aurait abandonné son combat.

            « Tu es bien plus puissant que je ne l’avais cru. Je crois que je t’ai toujours sous-estimé, Pika…non…Raijin. Tu sais, en toute honnêteté, je crois que ta naïveté fait que tu seras toujours le meilleur super-héros du monde. Ne répète à personne que j’ai dit ça, hein…le monde a changé et nous autres, les super-héros aussi.
− A…alors tu vas arrêter tes conneries ? demanda Raijin.
− Non. Le monde a changé, les super-héros aussi. Soit tu prends le train en marche, soit on t’oublie. Et moi, vois-tu Raijin, je ne tiens pas à devenir un souvenir lointain. » répondit Kratos.
            Raijin mit un petit moment à digérer la réponse de Kratos. Puis après avoir pris une profonde inspiration, et ayant choisi ses mots avec attention, il lui dit :
            « Dans ce cas…adieu mon ami.
− Ouais. Adieu mon pote. »

            « Hé, toi, tu es bien ce mec électrique, non ? Ton nom c’est…Electroman ?
− C’est Raijin ! Raijin ! Comme le dieu japonais de la foudre !
− Oh…c’est ce que tu dis aux filles que tu dragues à la Japan Expo ? Bon peu importe. Enchanté, je m’appelle Kratos !
− Kratos ? Soit t’es un Super, soit tes parents te détestaient…
− Ha ha ! Les deux. Raijin ! Je sais que tu as vu ce qui est arrivé aux Wonder 13. Et je sais que tu ne peux pas rester sans rien faire en voyant un mec aussi dangereux que Gepetto mener la barque !
− Ouais. Mais il est bien trop puissant pour moi.
− Et je pense qu’il est trop fort pour moi aussi. Mais est-ce qu’il aurait une chance contre nous ?
− Quoi tu veux qu’on s’allie toi et moi ?
− Et d’autres aussi, qui seront assez forts ! Il a peut-être tué les Wonder 13, mais on va montrer à Gepetto qu’il y aura toujours des gens prêts à s’allier pour lui faire barrage !
− Et si on se fait tuer ?
− D’autres prendront notre place ! Raijin, j’ai besoin de toi ! »
            C’était sur cette poignée de main qu’ils avaient scellé leur alliance, les prémices de la Conjuration des Etoiles. Cette poignée de main, c’était la leur, ce n’était pas celle qui avait fait le tour des journaux dans le monde entier. C’était la poignée de main de deux hommes qui se forgeaient une nouvelle amitié, une amitié qu’ils espéraient durable.

            C’était le dernier assaut, la dernière passe d’armes. Kratos volait à toute vitesse vers Raijin qui, enveloppé dans sa foudre se précipitait vers Kratos. Les deux adversaires hurlaient le nom de l’autre.
« JOEL !
− CYRIL ! »
            Puis vint l’impact. Brutal. Un éclair titanesque qui, du sol, montait au ciel, comme la réponse de la terre à l’orage qu’elle venait de subir. Un nuage de poussière, le fracas d’un sol retourné, une secousse sismique et un bruit titanesque.

            On se serait cru sur une zone de guerre. Pascal était finalement arrivé à destination. Il sortit du van presque en marche. Protégeant ses yeux de la poussière, il tenta de distinguer les silhouettes de son frère et celle de Kratos, mais la poussière était trop dense. Il appela son frère, avec une pointe de désespoir dans la voix. Puis, par instinct, il leva les yeux. Il vit une silhouette lévitant dans les airs.
            Le rideau de poussière s’éclaircit, et dévoila Kratos. Il lévitait, et regardait, d’un air triste vers le sol. Puis, il détourna le regard et s’envola dans la nuit. Pascal porta ses yeux vers l’endroit que Kratos semblait scruter. Il poussa un cri en reconnaissant Raijin, gisant au sol. Il courut à sa rencontre, en l’appelant. Raijin ne lui répondait pas. Il parvint à le rejoindre après avoir couru, ignorant les appels de Textil et Michael. Il prit dans ses bras son frère. Pascal sentit les larmes lui monter aux yeux. Raijin ne respirait plus. Il prit son pouls, rien. Son cœur semblait ne plus battre.
            « Cyril…non non non ! Ne me fais pas ça frangin ! Réveille-toi allez ! Pitié…murmurait-il avec la voix d’un enfant apeuré. Puis, d’une voix forte il appela : Mike ! Mike ! Viens ici tout de suite ! » Textil, de loin, ne comprit pas pourquoi Pascal avait un tel besoin de voir Mike. L’expression de Michael Perséphone s’assombrit. « Va voir s’il y a des blessés, Textil. » déclara-t-il avant de rejoindre Pascal.
            Elle décida de patrouiller dans la zone, et ouvrit de grands yeux quand elle reconnut Pierre, planté dans le sol. D’une main hésitante, elle le hissa, et l’allongea sur le sol. Il semblait simplement être évanoui. Il avait peut-être bien quelques os cassés, mais rien de bien grave. Il commençait déjà à émerger. « Quelle journée de merde… » déclara-t-il, comme si chaque mot lui provoquait une douleur insupportable. Sortant d’un immeuble, avec une démarche titubante, Ondine apparut, elle avait l’œil hagard. Elle porta ses yeux vers Pierre, qui lui lança une grimace qui voulait à tout prix être un sourire. Elle hocha la tête, puis elle vit au loin Pascal et Mike qui entouraient Raijin. Elle ouvrit de grands yeux et essaya de courir vers le groupe. Elle ne pouvait cependant que trotter. Pierre lui, faisait tous les efforts possibles pour se relever lui aussi, répétant le nom de Raijin. Textil en fut étonnée. Ondine et Pierre, c’étaient des monstres à ses yeux. Ils s’étaient battus, et avaient voulu les tuer. Les voir aussi inquiets pour Raijin, ça les rendait presque humains.

            Ondine se précipitait vers Raijin. Il était dans les bras de son frère et un autre homme se tenait là, et semblait écouter les battements de son cœur. Elle eut un mauvais pressentiment. Elle ne connaissait pas très bien Pascal. Tout ce qu’elle savait, c’était qu’il était le frère de Raijin, mais elle s’en était toujours fait l’idée d’un homme dur et fort. Le voir pleurer devant le corps inanimé de son frère avait quelque chose d’inquiétant. Elle eut un mauvais pressentiment, et elle se disait qu’elle ne voulait pas que Raijin meure. La pluie avait cessé, mais des gouttes roulaient le long de ses joues. Elle se mit à courir, ignorant la douleur.
            Quand elle les rejoint enfin, Pascal serrait encore plus fort Raijin contre lui et pleurait à chaudes larmes. L’autre homme avait cessé d’examiner le corps. Elle en fut bouleversée.
            « Cyril, ne me refais plus jamais un truc comme ça…
− Frangin ? Tu…tu me fais mal…répondit d’une voix faible Raijin.
− Raijin…souffla dans un sourire Ondine.
− Merci…merci… » répétait Pascal dans les larmes.


            Ondine examina l’homme qui examinait Raijin. Il avait poussé un soupir de soulagement, mais peu à peu, son expression s’était assombrie, et il avait à présent un air plein de gravité.

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