Kratos
évita les trombes d’eau en voltigeant. Puis il fracassa d’un poing rageur un
énorme rocher qui fonçait sur lui. Raijin, encore au sol, essayait de
rassembler ses forces. Devant lui, semblant faire un bouclier avec son corps,
la silhouette fine d’Ondine semblait se confondre avec les gouttes de pluie.
Elle agitait les mains comme une chef d’orchestre commandant à ses musiciens.
Kratos, dans les airs, évitait les attaques d’Ondine avec grâce. Au loin, le
regard embrumé de Raijin distingua Pierre. Il avait constitué sur lui la plus
grosse armure rocheuse qu’il put, et il ressemblait à présent à un golem, qui
lançait à Kratos les plus gros rochers qu’il pouvait matérialiser sur lui-même.
Kratos s’abattit sur lui, et Pierre, qui devait bien peser une tonne dans son
armure rocheuse, s’envola comme un fétu de paille. Le regard de Kratos se
tourna vers lui et Ondine.
« Raijin,
tu devrais te barrer. On a perdu ce combat.
− Tu crois vraiment que je vais vous
abandonner là ?
− Quand j’étais petite, quand j’ai
découvert mes pouvoirs et que j’ai commencé à faire le mal avec…ma mère m’avait
dit : C’est le rôle des méchants, de se faire battre par les bons,
répondit Ondine avec un petit sourire.
− Ondine…
− Toi…Raijin, tu n’as rien d’un
criminel ! Alors tu n’as pas à te faire battre ! » elle s’était
retournée pour lui dire ces mots. Et il y avait une étrange tristesse dans son
regard. A peine eut elle finit sa phrase que Kratos était déjà à deux pas
d’elle. Raijin ouvrit de grands yeux quand il vit le super héros prendre le cou
de la criminelle d’une main sûre.
C’était
il y a quatre ans au moins…Cyril Marvel l’avait vue pour la première fois il y
a quatre ans. Il pleuvait ce jour-là, et il rentrait chez lui. Le ciel gris,
l’odeur du bitume mouillé, tout ça lui revenait en mémoire. Il longeait la
Seine ce jour-là, pour rentrer à pied dans son appartement quand il vit cette
forme au milieu du fleuve. Entourée de brume, une silhouette se tenait debout
sur les flots, comme une apparition surnaturelle. Il l’avait observé un moment.
Elle semblait jouer avec les flots et lui donnait l’impression de danser en
même temps que l’onde. Autour d’elle, l’eau était plus calme, là où partout
ailleurs, elle était tourmentée par les gouttes de pluie. Puis, la jeune fille
l’avait remarqué, et c’était comme si le charme avait été rompu. Elle disparut
brusquement dans les eaux tourbillonnantes.
Puis il
l’avait affrontée une première fois alors qu’elle attaquait des touristes dans
un bateau, en méditerranée. Et la jolie petite fée bleue des eaux s’était
transformée en démone, sa danse aquatique était devenue un déferlement de
colère et de rage meurtrière. Il était obsédé par elle. Raijin avait toujours
voulu croire qu’il y avait du bon chez Ondine. Mais elle ne l’avait jamais
montré. Il se disait qu’en fait, s’il voulait tant chercher la bonté chez elle,
c’était parce qu’il l’aimait bien au fond. Peut-être n’y avait-il rien à sauver
chez elle. Et l’affection qu’il éprouvait pour elle s’était transformé en
obsession et en aversion. Il se détestait d’être tombé sous le charme d’une
criminelle. Elle avait les mains tâchées de sang, et cela lui allait. Il avait
pris la résolution de l’affronter tout le temps, jusqu’à ce qu’il trouve le
courage de mettre un terme à ses agissements une bonne fois pour toutes…
Kratos
décolla, tenant toujours Ondine fermement par le cou. La jeune femme se
débattait, elle semblait suffoquer. Raijin sentit une rage monter en lui.
L’image qu’il avait sous les yeux avait quelque chose d’effrayant. Kratos
montait toujours plus haut. Trop haut pour qu’Ondine puisse survivre à une
chute. Celle-ci continuait à se débattre. Kratos l’observa attentivement, puis
entortilla son doigt dans l’une de ses boucles bleues.
« Tu
es une jolie petite poulette. Pas étonnant que Pikachu soit aussi accro à toi.
Mais tu es dangereuse.
− Lâche-moi !
− Si je te lâche, tu risques de mourir.
Et je suis un héros, je ne tue pas. Par contre, je vais te briser. »
Pour toute réponse, Ondine fit apparaître une sphère
autour de la tête de Kratos qui, surpris, relâcha son étreinte sur Ondine. La
criminelle prit appui de ses jambes sur le torse musclé de Kratos et s’éjecta
en arrière. Tombant en chute libre, elle se concentra pour faire apparaître un
coussin aquatique pour amortir sa chute.
Mais
elle fut percutée par un choc stratosphérique. Kratos était descendu à toute
vitesse et lui avait lancé un violent coup de poing au ventre. Ondine cracha du
sang. Avec vivacité, elle utilisa son pouvoir pour manipuler son hémoglobine et
l’envoya dans les yeux de Kratos pour l’aveugler. Il détourna la tête avec
dégoût. Elle parvint à amortir sa chute grâce à son pouvoir. Une fois sur le
plancher des vaches, elle voulut fuir, mais Kratos avait repris ses esprits, et
l’attrapa par la jambe. Il la fit tourner et l’envoya valser contre un immeuble
de brique non loin. Sonnée, Ondine vit Kratos avancer sur elle, menaçant.
Mais
alors, un éclair fondit sur lui et projeta Kratos quelques mètres plus loin.
Ondine poussa un soupir de dépit. « Je t’avais pourtant dit de te
barrer ! » lança-t-elle à l’encontre de Raijin qui lui tournait le
dos. Elle le regarda un moment. C’était la première fois que quelqu’un venait
lui sauver la vie. Elle eut un petit sourire malgré la douleur qui lui brûlait
le corps. « Mon héros… » murmura-t-elle. Kratos s’était relevé et
observa Raijin avec froideur.
Pascal
constata qu’il était de plus en plus proche de l’endroit qui avait été frappé
par la foudre de Raijin. Le trajet lui avait paru horriblement long.
« Pascal
quand on y sera, il faudra que tu immobilises Raijin. A ce moment-là, je lui
confectionnerai une camisole intégrale en matériel isolant. On pourra le mettre
dans le van, et Mike nous éloignera. » Michael acquiesça. Le plan de
Textil lui paraissait solide, mais il avait tout de même un très mauvais
pressentiment. Pascal restait impassible, concentré sur la route. Il
gardait le silence, semblant ruminer dans son esprit le combat qui l’attendait
contre son frère. Finalement, il prononça des mots qui parurent bien mystérieux
à Textil. « Mike, c’est peut-être aujourd’hui que tu devras régler ta
dette.
− J’espère qu’on en n’aura pas
besoin. » répondit Michael avec un air sombre. Pascal semblait être
d’accord.
Raijin avait
beau avoir mal partout, il parvenait à éviter les coups violents de Kratos.
Mais sans l’orage, sa foudre n’était plus assez forte pour affecter son
adversaire. Il se rendit alors compte que Kratos n’avait pas usurpé son titre
de plus puissant super-héros de la planète. Il était imprenable. Kratos
s’apprêtait à le frapper, mais à ce moment-là, un golem de pierre vint faire
barrage au coup. L’armure de pierre vola en éclat. Mais il parvenait à faire
apparaître des rochers sur son corps plus rapidement que Kratos le frappait.
« Je
vais…pas tenir…longtemps…faites quelque chose… » grogna en hoquetant
Pierre. Ondine concentra toute l’eau de pluie qu’elle pouvait et la lança sur
Kratos qui fut trempé. « Hé Raijin ! C’est le moment de tenter quelque
chose ! ». Raijin comprit. L’eau conduisait l’électricité. Peut-être
que Kratos allait la sentir passer, sa prochaine décharge. Il se concentra au
maximum et de ses doigts jaillirent des étincelles électriques. Le corps trempé
de Kratos fut secoué de spasmes et il poussa un cri de surprise. Raijin et
Ondine s’échangèrent un regard. Ils avaient réussi à l’atteindre. Ce n’était
pas aussi puissant que lorsque l’orage frappait, mais il était devenu prenable.
« Ah…on
peut dire que vous vous êtes bien trouvés…tous les deux avec vos pouvoirs
complémentaires…c’en serait presque mignon. » les railla Kratos. De la
fumée sortait de sa bouche et de ses oreilles. Cependant, malgré cette bravade,
Kratos était inquiet. Il était très difficile d’affronter trois supers tels que
Raijin, Ondine et Pierre. S’il faisait l’erreur de les sous-estimer, alors c’en
serait fini de lui. Il observa ses adversaires un long moment. Ceux-ci étaient
tous exténués. Lui avait encore de la ressource. Ondine était la plus
dangereuse des trois. Sans elle, les éclairs de Raijin n’auraient plus le même
impact. Il porta son regard sur Pierre. Celui-ci était une gêne car il
permettait à ses deux comparses de gagner du temps. Il aurait bien aimé avoir
le soutien d’un autre membre de la conjuration des étoiles. Il trouva
d’ailleurs étrange qu’aucun d’eux ne se soit présenté, ils n’auraient pourtant
pas hésité à en profiter pour briller auprès du public. Kratos savait que
Gravitas était une femme calculatrice et froide. Elle devait probablement juger
plus prudent de ne pas se lancer dans un combat avec un héros comme Raijin.
« Plus de gloire pour moi, j’imagine…souffla Kratos avant de
reprendre : OK donc Kratos affronte l’équipe des Pokémon, c’est
parti. » Sur ces mots il se précipita sur Pierre qui reprenait son
souffle.
Pierre
s’envola au loin, il avait l’impression d’avoir été percuté par un TGV. Kratos
le souleva et le planta au sol comme un clou. Pierre n’avait eu que le temps de
créer son armure en pierre pour éviter d’être réduit en bouillie. Kratos sentit
qu’on aspergeait son dos. Puis juste après, un choc électrique vint le frapper.
Il hurla, puis se précipita vers Ondine. Il lui colla une gifle, puis d’un coup
de poing il l’envoya contre un immeuble. La jeune fille s’écrasa dans l’un des
appartements, éclatant la fenêtre sur son passage.
Raijin,
ayant vu ses amis se faire tant malmener, poussa un hurlement de colère. Il
s’élança contre Kratos, ses poings luisaient à la lumière de sa foudre. Il
donna des coups de poings à Kratos. Sa colère rendait sa foudre plus puissante.
Kratos ressentit la violence des coups. Raijin, qui utilisait ses pouvoirs
au-delà des limites physiques de son corps, souffrait à chaque fois que ses
éclairs touchaient Kratos. Mais pour rien au monde, il n’aurait abandonné son
combat.
« Tu
es bien plus puissant que je ne l’avais cru. Je crois que je t’ai toujours
sous-estimé, Pika…non…Raijin. Tu sais, en toute honnêteté, je crois que ta
naïveté fait que tu seras toujours le meilleur super-héros du monde. Ne répète
à personne que j’ai dit ça, hein…le monde a changé et nous autres, les
super-héros aussi.
− A…alors tu vas arrêter tes
conneries ? demanda Raijin.
− Non. Le monde a changé, les
super-héros aussi. Soit tu prends le train en marche, soit on t’oublie. Et moi,
vois-tu Raijin, je ne tiens pas à devenir un souvenir lointain. » répondit
Kratos.
Raijin
mit un petit moment à digérer la réponse de Kratos. Puis après avoir pris une
profonde inspiration, et ayant choisi ses mots avec attention, il lui
dit :
« Dans
ce cas…adieu mon ami.
− Ouais. Adieu mon pote. »
« Hé,
toi, tu es bien ce mec électrique, non ? Ton nom c’est…Electroman ?
− C’est Raijin ! Raijin !
Comme le dieu japonais de la foudre !
− Oh…c’est ce que tu dis aux filles que
tu dragues à la Japan Expo ? Bon peu importe. Enchanté, je m’appelle
Kratos !
− Kratos ? Soit t’es un Super,
soit tes parents te détestaient…
− Ha ha ! Les deux. Raijin !
Je sais que tu as vu ce qui est arrivé aux Wonder 13. Et je sais que tu ne peux
pas rester sans rien faire en voyant un mec aussi dangereux que Gepetto mener
la barque !
− Ouais. Mais il est bien trop puissant
pour moi.
− Et je pense qu’il est trop fort pour
moi aussi. Mais est-ce qu’il aurait une chance contre nous ?
− Quoi tu veux qu’on s’allie toi et
moi ?
− Et d’autres aussi, qui seront assez
forts ! Il a peut-être tué les Wonder 13, mais on va montrer à Gepetto
qu’il y aura toujours des gens prêts à s’allier pour lui faire barrage !
− Et si on se fait tuer ?
− D’autres prendront notre place !
Raijin, j’ai besoin de toi ! »
C’était
sur cette poignée de main qu’ils avaient scellé leur alliance, les prémices de
la Conjuration des Etoiles. Cette poignée de main, c’était la leur, ce n’était
pas celle qui avait fait le tour des journaux dans le monde entier. C’était la
poignée de main de deux hommes qui se forgeaient une nouvelle amitié, une
amitié qu’ils espéraient durable.
C’était
le dernier assaut, la dernière passe d’armes. Kratos volait à toute vitesse
vers Raijin qui, enveloppé dans sa foudre se précipitait vers Kratos. Les deux
adversaires hurlaient le nom de l’autre.
« JOEL !
− CYRIL ! »
Puis
vint l’impact. Brutal. Un éclair titanesque qui, du sol, montait au ciel, comme
la réponse de la terre à l’orage qu’elle venait de subir. Un nuage de
poussière, le fracas d’un sol retourné, une secousse sismique et un bruit
titanesque.
On se
serait cru sur une zone de guerre. Pascal était finalement arrivé à
destination. Il sortit du van presque en marche. Protégeant ses yeux de la
poussière, il tenta de distinguer les silhouettes de son frère et celle de
Kratos, mais la poussière était trop dense. Il appela son frère, avec une
pointe de désespoir dans la voix. Puis, par instinct, il leva les yeux. Il vit
une silhouette lévitant dans les airs.
Le
rideau de poussière s’éclaircit, et dévoila Kratos. Il lévitait, et regardait,
d’un air triste vers le sol. Puis, il détourna le regard et s’envola dans la
nuit. Pascal porta ses yeux vers l’endroit que Kratos semblait scruter. Il
poussa un cri en reconnaissant Raijin, gisant au sol. Il courut à sa rencontre,
en l’appelant. Raijin ne lui répondait pas. Il parvint à le rejoindre après
avoir couru, ignorant les appels de Textil et Michael. Il prit dans ses bras
son frère. Pascal sentit les larmes lui monter aux yeux. Raijin ne respirait
plus. Il prit son pouls, rien. Son cœur semblait ne plus battre.
« Cyril…non
non non ! Ne me fais pas ça frangin ! Réveille-toi allez !
Pitié…murmurait-il avec la voix d’un enfant apeuré. Puis, d’une voix forte il
appela : Mike ! Mike ! Viens ici tout de suite ! »
Textil, de loin, ne comprit pas pourquoi Pascal avait un tel besoin de voir
Mike. L’expression de Michael Perséphone s’assombrit. « Va voir s’il y a
des blessés, Textil. » déclara-t-il avant de rejoindre Pascal.
Elle
décida de patrouiller dans la zone, et ouvrit de grands yeux quand elle
reconnut Pierre, planté dans le sol. D’une main hésitante, elle le hissa, et
l’allongea sur le sol. Il semblait simplement être évanoui. Il avait peut-être
bien quelques os cassés, mais rien de bien grave. Il commençait déjà à émerger.
« Quelle journée de merde… » déclara-t-il, comme si chaque mot lui
provoquait une douleur insupportable. Sortant d’un immeuble, avec une démarche
titubante, Ondine apparut, elle avait l’œil hagard. Elle porta ses yeux vers
Pierre, qui lui lança une grimace qui voulait à tout prix être un sourire. Elle
hocha la tête, puis elle vit au loin Pascal et Mike qui entouraient Raijin.
Elle ouvrit de grands yeux et essaya de courir vers le groupe. Elle ne pouvait
cependant que trotter. Pierre lui, faisait tous les efforts possibles pour se
relever lui aussi, répétant le nom de Raijin. Textil en fut étonnée. Ondine et
Pierre, c’étaient des monstres à ses yeux. Ils s’étaient battus, et avaient
voulu les tuer. Les voir aussi inquiets pour Raijin, ça les rendait presque
humains.
Ondine
se précipitait vers Raijin. Il était dans les bras de son frère et un autre
homme se tenait là, et semblait écouter les battements de son cœur. Elle eut un
mauvais pressentiment. Elle ne connaissait pas très bien Pascal. Tout ce qu’elle
savait, c’était qu’il était le frère de Raijin, mais elle s’en était toujours
fait l’idée d’un homme dur et fort. Le voir pleurer devant le corps inanimé de
son frère avait quelque chose d’inquiétant. Elle eut un mauvais pressentiment,
et elle se disait qu’elle ne voulait pas que Raijin meure. La pluie avait
cessé, mais des gouttes roulaient le long de ses joues. Elle se mit à courir,
ignorant la douleur.
Quand
elle les rejoint enfin, Pascal serrait encore plus fort Raijin contre lui et
pleurait à chaudes larmes. L’autre homme avait cessé d’examiner le corps. Elle
en fut bouleversée.
« Cyril,
ne me refais plus jamais un truc comme ça…
− Frangin ? Tu…tu me fais
mal…répondit d’une voix faible Raijin.
− Raijin…souffla dans un sourire
Ondine.
− Merci…merci… » répétait Pascal
dans les larmes.
Ondine
examina l’homme qui examinait Raijin. Il avait poussé un soupir de soulagement,
mais peu à peu, son expression s’était assombrie, et il avait à présent un air
plein de gravité.
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