Raijin esquiva de peu le coup de poing de son frère. Il
reculait à mesure que Pascal cognait. Il s’en doutait, là il en avait la
confirmation : son frère était toujours aussi puissant, et peut-être
l’était-il même plus qu’avant. Des deux, c’était Raijin qui avait bénéficié des
pouvoirs, mais malgré cela, Pascal avait toujours été le plus fort. Tout petit
déjà, Raijin l’admirait. Pascal était du genre à prendre la défense des plus
faibles contre les plus forts que lui. Si Raijin était l’homme qu’il était
devenu, c’était grâce à celui contre lequel il se battait à ce moment-là.
Pascal
ne retenait pas ses coups. Il savait que Cyril était solide. Pascal avait
toujours été fier de Raijin, qui avait toujours représenté un idéal absolu. Le
voir se perdre ainsi lui était donc trop douloureux. Pascal espérait le ramener
à la raison, même si ce devait être à coups de poings.
« Tu
es décidément monstre, frangin ! souffla Raijin après s’être éloigné de
Pascal.
− Ne me dis pas que tu es impressionné
par ça ! Je n’ai même pas commencé à m’échauffer !
− Je le sais…crois-moi je le sais trop
bien. Dans ce cas, tu vas me permettre d’utiliser mes pouvoirs ? »
sur ces mots, un courant électrique parcourut le corps de Raijin.
Pascal
n’en parût pas le moins du monde impressionné et fondit vers son frère poings
en avant. C’est au moment où Pascal lui écrasa son coup dans les côtes que
Raijin se rendit compte que son frère avait enfilé avec vivacité des gants en
caoutchouc qui isolaient son électricité. C’étaient des gants qu’il s’était
confectionné lui-même pour pouvoir être sûr de mater son frère en combat.
Raijin
se mit à lancer des arcs électriques que Pascal esquivait aisément, au grand
détriment du mobilier de l’appartement. Pascal savait qu’il serait trop
dangereux de coller Raijin. Il se débrouillait donc pour être très mobile. Il
courait autant que possible puis parfois, lançait un raid pour frapper son
adversaire. Raijin était lui aussi très rapide, ce qui rendait cette stratégie
difficile à tenir, car il était très mobile lui aussi.
« Tu
es infatigable, Pascal !
− Je ne fais que commencer. Si tu ne
suis pas, tu vas finir avec la gueule de travers !
− Désolé frangin, mais je ne peux pas
me permettre de perdre ce combat. »
Les deux
hommes se mirent à redoubler d’efforts. Mais à présent, Raijin parvenait à
avoir du répondant. Il tentait bien de donner des coups de poings, mais Pascal
parvenait sans difficulté à les parer, et à rendre au centuple les attaques qui
parvenaient à le toucher. Raijin en prenait plein la figure, au point qu’il en
eut le tournis. Pascal frappait encore, destiné à le mettre à terre.
Décidément, son frère était un mur infranchissable.
« Cyril
tu vas maintenant revenir à la raison ! Quel que soit ton projet, tu vas
laisser tomber !
− Désolé Pascal…mais je ne peux pas,
répondit Raijin en se relevant.
− Tu n’es pas fait pour être un
criminel !
− Je le sais bien, mais il faut que je
le fasse ! Personne ne m’en empêchera, et certainement pas
toi ! »
Raijin
mit ses poings sous tension. Puis, il se précipita sur Pascal qui l’envoya
balader avec une clé de bras. Mais Raijin se réceptionna vite et lança sur
Pascal son poing gauche. Ce dernier le bloqua avec force, mais alors, Raijin
posa le plat de sa main contre son torse. Pascal retint sa respiration. Il
savait qu’il venait de perdre le combat.
« Frangin,
c’est quelque chose que je dois faire à tout prix…je ne sais pas, peut-être que
plus tard, tu comprendras…peut-être que tu me pardonneras…
− Cyril… » Pascal n’eut pas le
temps de finir sa phrase. De la main de Raijin partit une décharge électrique
qui secoua le corps de Pascal. Celui-ci resta un moment debout. Bien qu’il ait
perdu connaissance, il refusait de s’écrouler. Raijin le regarda
tristement, puis le dépassa, afin de rejoindre la porte. Il dut faire tous les
efforts du monde pour ne pas se retourner quand il entendit le corps de son
frère s’affaler au sol.
« On
dirait que Pascal t’a fait passer un sale quart d’heure, observa Ondine quand
il l’eut rejointe devant l’immeuble.
− C’est le cas, répondit-il sèchement.
− Ondine et moi on va aller faire un
peu de grabuge dans la ville, histoire de rappeler que tu es toujours là.
− Souvenez-vous bien que je ne veux pas
de victimes, c’est compris ? »
Sur ces mots, Raijin disparut dans un éclair laissant là
ses deux comparses perplexes.
Mehdi y
mettait beaucoup d’application. Il ne pouvait pas perdre face à elle.
Sarramauca pourtant, était en train de le rattraper, petit à petit. Il avait
beau aller aussi vite que possible, rien ne semblait pouvoir ralentir
Sarramauca qui gagnait du terrain, inexorablement. Mais ce ne serait pas
suffisant ! Il voyait la ligne d’arrivée, et déjà, il souriait à la
victoire. Mais alors, la voix de Sarramauca tonna : « Carapace
bleue ! » et à ces mots, Mehdi lança vers elle un regard effaré. Il
le savait, elle venait de renverser la situation. Et alors, c’était comme si le
temps avait ralenti sa course. La carapace fila à toute berzingue et explosa
contre le kart de Donkey Kong, sous les cris d’effroi de Mehdi. Le malheureux
gorille tournoya sur lui-même et se déporta sur le côté, laissant tout le
loisir au kart de Yoshi, dirigé par Sarramauca de le dépasser, pour filer à la
ligne d’arrivée, en première position.
Sarramauca
poussa un cri de joie ! Elle souriait pour de vrai. Cela faisait plusieurs
nuits que Sarramauca allait chez Mehdi et elle s’était rendue compte que plus
elle parlait avec lui, moins son pouvoir avait d’emprise sur lui. Elle avait
l’impression qu’il était possible qu’elle ne fasse plus peur, pour peu qu’on
l’accepte. Et elle avait l’impression que c’était ce qu’avait fait Mehdi. Elle
ressentait une douce chaleur dans sa poitrine, mais avec étaient venues des
questions qu’elle se posait sur le mal qu’elle avait fait autour d’elle. Elle
avait tué des gens, aussi se demandait-elle si elle avait vraiment le droit
d’être assise là, à jouer aux jeux vidéo avec son seul ami, après qu’elle ait
détruit tant de vies.
« C’est
moi qui devrais faire cette tête, je te rappelle que tu as gagné ! »
s’exclama Mehdi en lui tendant un sachet de bonbons. Sarramauca le dévisagea,
puis elle regarda le paquet de bonbons. Elle y plongea la main et porta l’une
des sucreries à la bouche. C’était un de ses préférés, un bonbon acidulé.
C’était bon. Elle sentit ses yeux lui piquer, elle était tellement heureuse
qu’elle avait l’impression qu’elle allait pleurer comme une madeleine.
Quand
Sarramauca fut repartie, Mehdi se retrouva seul avec ses doutes. Il se
demandait ce qu’il devait faire, en tant que Super-héros. Après tout,
Sarramauca était une super-criminelle, elle avait du sang sur les mains. Mais
elle lui avait raconté sa vie, et il ne pouvait s’empêcher de la voir comme une
victime. En fait, il ne voulait pas qu’elle se retrouve en prison. Il savait,
que c’était complètement égoïste de sa part. Elle ne représentait plus du tout
une menace pour lui, mais pour le reste du monde, en revanche…Son père,
Cimeterre, était l’image même de la droiture, et il n’aurait pas hésité à
combattre sa famille si elle avait été maléfique. Quand il voyait le problème
sous cet angle, il s’en voulait d’être si faible de caractère. A coup sûr, le
fait de se poser ces questions aurait suffi à décevoir son père. Tant pis. Il
savait que les gens à qui Sarramauca avait fait du mal n’auraient pas droit à
la justice, mais il décida qu’il la couvrirait. Il ne parlerait pas même d’elle
à ses amis de la Ligue des Inutiles. Ils ne comprendraient pas. Et puis,
maintenant que Sarramauca n’était plus seule, elle ne risquait pas de faire de
mal à qui que ce soit…
« Mais
je te dis qu’elle veut vous rencontrer pour vous convaincre que vous pouvez
croire en elle ! s’écria Greg tout en faisant éternuer le malfrat dont le
visage heurta le poing d’Arcimboldo.
− Mais je m’en contrefous
Atchoum-man ! Je n’ai pas envie de lui parler, à Cassandre ! rétorqua
Textil en faisant apparaître des moufles aux mains d’un autre bandit qui ne put
continuer à tenir son arme et la fit choir avant que Cuistot ne l’assomme avec
un maillet en inox à la place de la main.
− On n’est pas obligé
d’écouter ce qu’elle a à nous dire ! Plus j’y pense plus je me dis que
c’est quand même bizarre que Sarramauca t’attaque juste après que tu reprennes
contact avec Cassandre, s’exclama Tear tout en frappant dans le visage un
malandrin dont les yeux étaient baignés de larmes.
− Non, mais toi, t’es
toujours d’accord avec Textil ! Surtout quand c’est pour me
contredire !
− Atchoum-man, je t’avoue
que je n’ai pas non plus envie de la rencontrer, Cassandre. Je te rappelle
qu’elle n’a même pas voulu vous aider à me retrouver ! » conclut
Arcimboldo tout en écrasant une pastèque contre le visage d’un autre voyou.
Cet argument fit mouche chez Greg, qui devait bien avouer
que Fiona n’avait pas spécialement fait une bonne première impression auprès de
la Ligue des Inutiles. Il pouvait parfaitement comprendre qu’ils ne lui
accordent ni confiance, ni crédit. Mais au fond de lui, il restait le jeune
adolescent amoureux de sa copine, et il voulait que ses amis la voient tel
qu’il la voyait. Il en ressentait une étrange frustration et une profonde
amertume. Par ailleurs, Fiona lui avait demandé de l’aide, et il s’était avéré
incapable de faire le moindre progrès.
Alors qu’elle conduisait, après le combat, Textil
s’aperçut qu’Atchoum-man gardait le silence. Quelque part, elle voulait être
plus compréhensive, mais quelque chose chez Cassandre ne lui plaisait pas. Elle
n’aurait cependant pas su dire quoi. Elle trouvait juste étrange le revirement soudain
de l’oracle vis-à-vis d’eux, elle qui avait été si claire lorsqu’ils s’étaient
rencontrés. Au fond, elle regrettait de passer son temps à se disputer avec
Greg, elle l’aimait bien, il était difficile à vivre, mais très sympathique.
Mais elle ne pouvait accepter de le voir se laisser mener par le bout du nez
par Cassandre sous prétexte qu’ils avaient un vécu.
Quand la Ligue des Inutiles arriva chez Mike, celui-ci
était dans un état de panique qui était très rare chez lui. Il ne prit même pas
la peine de les saluer, il se précipitait vers le van. Etonnés, les Inutiles le
talonnèrent.
« Mike, t’es sûr que ça va, mec ? demanda
Cuistot.
− Pascal est à
l’hôpital ! Je vais lui rendre visite !
− Quoi ? Mais qu’est
ce qui lui est arrivé ? demanda Tear.
− On
t’accompagne ! » trancha Greg.
Pascal était allongé sur son lit. L’infirmière était en
train de lui passer un savon quand ses amis entrèrent dans la chambre. Elle lui
reprochait d’avoir encore une fois tenté de s’évader de l’hôpital. Mike et les
Inutiles regardèrent la scène en silence, puis une fois que l’infirmière se fut
éloignée, ils se mirent en arc de cercle devant le convalescent.
« Vous en tirez des tronches. Je vous rassure, ça
baigne, déclara Pascal d’un ton rassurant.
− Qu’est ce qui t’es arrivé ?
demanda Michael.
− Disons que j’ai cherché
la bagarre contre celui qu’il ne fallait pas.
− Quoi tu veux dire qu’un
mec t’a battu ? Je ne savais même pas que c’était possible !
s’exclama Greg.
− Disons que je ne pouvais
pas me battre à pleine puissance contre lui.
− Ne me dis pas que tu t’es
battu contre ton frère ! s’écria Michael.
− Dans le mille. Je voulais
le convaincre d’arrêter ses conneries. Mais au final, il a l’air bien
déterminé. Je n’aurais jamais cru qu’il pourrait me battre malgré ses pouvoirs.
J’ai peut-être été trop sûr de moi.
− C’est qui ton
frère ? demanda Textil.
− Je suppose que je peux
vous le dire…c’est Raijin. Quand je l’ai vu déclarer la guerre au monde entier,
j’ai voulu lui faire entendre raison, mais je n’ai pas été au top, c’est le
moins qu’on puisse dire.
− Attends, Raijin ?
Comme le Raijin qui fait de l’électricité avec ses doigts ? s’exclama avec
étonnement Claire.
− J’ai du mal à croire
qu’il ait pu devenir un super-criminel. Ce n’est pas possible qu’il ait pu te faire
du mal, dit Cédric qui se sentait mal. Il avait une dette envers Raijin qui
l’avait sauvé.
− Il y a quelque chose qui
me tracasse dans tout ça. Cyril n’a jamais eu ce qu’il fallait pour être un
criminel. Je ne sais pas pourquoi, mais je pense qu’il se donne un genre.
− Tu as l’air bien sûr de
toi Pascal…répondit Michael.
− C’est mon frère, et je
sais quand il ment. Et les coups qu’il m’a donnés, ce sont des coups de
menteur. »
Quand ils sortirent de l’hôpital, tous les Inutiles
paraissaient être secoués. Tear avait l’impression que le monde allait trop
vite pour lui. Peu importait ce que pouvait dire Pascal, il était évident à ses
yeux que Raijin était un adversaire potentiel. Lorsque leurs chemins se
croiseront de nouveau, ils devront probablement s’affronter. Et c’était une
perspective inquiétante. Il se méfiait aussi de Cassandre, car comme Textil, il
pensait que c’était elle qui avait mis Sarramauca sur la piste de Greg, bien
qu’il n’aurait su expliquer pourquoi elle ferait une chose pareille. Avant de
rejoindre la Ligue des Inutiles, il ne se serait jamais imaginé que son
quotidien serait semé de combats contre des criminels de tous poils et qu’il
aurait à se méfier de super-héros notoires. Il en avait fait du chemin
depuis…décidément, le monde allait bien trop vite.
« Comment ça tu es face à une impasse ? s’écria
Kratos avec colère.
− Je…Greg m’a dit que les
Inutiles ne me font pas confiance, ils ne veulent pas me voir ! Et
lui-même refuse de m’amener dans leur repaire…se plaignit Cassandre.
− C’est que tu n’en as pas
fait assez ! Si tu le torturais, torture-le plus, si tu le baisais,
baise-le plus ! Je veux des putains de résultats Cassandre !
− M…mais Kratos !
Comment veux-tu que je le force à me dire où sont ses camarades ? la voix
de Cassandre était rendue tremblante par la peur et la tristesse.
− Ce n’est pourtant pas
compliqué de faire cracher la vérité à un gars, merde ! On ne croirait pas
que tu fais de ton mieux ! – Kratos marqua une pause puis reprit d’une
voix plus calme – Dis-moi ma petite Fiona…tu fais bien de ton mieux, non ?
Ou bien est-ce que tu es en train de me baiser, moi ?
− Qu’est-ce que tu racontes
Joël ?
− Ton Atchoum-man, là, il
ne serait pas en train de faire de la magie dans ta culotte ? Ne me dis
pas que tu retombes amoureuse de ce gland ! Tu sais très bien quels sont
les enjeux…la Ligue des Inutiles DOIT crever ! Sinon, tout ce qu’on aura
bâti, toi, moi, et tous les autres, sera réduit en poussière ! »
Le mot « poussière » résonna dans l’esprit de
Fiona. Elle eut alors un black-out. Elle se retrouvait au milieu de la ville en
ruines. Le ciel était rouge, et au sommet d’un immeuble désolé se tenait debout
une silhouette qu’elle connaissait. C’était Kratos. Il semblait la regarder,
mais ses yeux n’avaient plus la moindre trace d’humanité. Cassandre ne pouvait
plus supporter ce regard, alors elle détourna le sien. Partout autour d’elle,
les bâtiments délabrés manquaient de s’effondrer. Alors elle comprit qui avait
dévasté la ville autour d’elle. Elle lança son regard de nouveau vers Kratos
qui la regardait toujours avec son œil vide. Pourtant, derrière lui, le ciel,
qui était jusque-là rouge, se mit à se teindre petit à petit de vert…
« Hey Fiona ! T’as fini de rêvasser ? Je
n’ai pas fini de t’engueuler ! s’exclama Kratos qui se trouvait en face
d’elle, dans sa salle de consultation.
− Kra…Kratos ?
− Tu as eu une vision. Je
me demande ce que c’était ? T’es toute pâle.
− Je ne me sens pas très
bien. Désolée… »
Kratos la dévisagea un moment, puis il posa sa main sur
le front de Cassandre. Ensuite, il examina son visage sous toutes les coutures
avant de prendre un mouchoir pour essuyer la sueur qui perlait sur le front de
la jeune femme. « Effectivement. Je vais te laisser te reposer. Mais on en
reparlera, de tout ça. » dit-il d’une voix plus douce. Il se leva et
s’envola par la fenêtre, laissant seule Fiona qui se demanda quel sens
pouvait-elle donner à la vision qu’elle venait d’avoir.
Ils faisaient les choux-gras de la presse, Ondine et
Pierre, avec leurs divers actes de vandalisme. Parfois, ils attaquaient la
police, parfois, ils détruisaient tel lieu, ou saccageaient telle installation.
Bien que leurs crimes étaient bien moins violents que par le passé, il n’en
restait pas moins qu’ils étaient potentiellement dangereux. Par ailleurs, de
nombreux super-héros avaient mordu la poussière face à ces deux-là, aussi, on
se demandait ce qu’attendait Kratos pour les mettre hors d’état de nuire, ainsi
que Raijin.
Un soir, Raijin, perché au sommet d’une tour, regardait
au loin les nuages sombres qui s’amoncelaient dans le ciel d’encre. Il savait
que ce serait pour bientôt. L’orage allait éclater, et celui-ci sonnerait le
début du combat de sa vie. Avec les premiers éclairs, viendraient les premiers
coups…
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