lundi 25 avril 2016

Chapitre 20

            Raptor se réveilla, blotti dans les draps immaculés du lit situé dans la chambre d’hôpital aseptisée dans laquelle il reposait en attendant son transfert en prison. Il eut la surprise, cependant, de voir deux silhouettes à son chevet. Un homme et une femme attendaient son réveil. L’homme, c’était son vieil ami Devreaux. Elle, lui rappelait quelque chose, mais il n’aurait su dire quoi. Il l’avait croisée, mais ses souvenirs étaient embrumés.
            « Marcello, c’est tellement triste de voir ce qu’ils ont fait de toi, débuta Devreaux de sa voix mielleuse avant de reprendre : Dans notre métier il y a de nombreuses choses plus importantes que la vie. On a un genre d’honneur qui fait que parfois, on se dit que la mort n’est pas si mal, tu vois, la discrétion aussi, est plus importante que la vie. Tu me comprends ? »
            Raptor acquiesça. Il savait parfaitement ce que voulait dire Devreaux. Celui-ci lui tapota amicalement l’épaule. « Je te présente Nyx. Cette femme peut tuer par simple contact physique. L’une des meilleures tueuses de tous les temps. Tu ne souffres pas, tu t’endors simplement…Je suis venu te faire une proposition, et sache-le, je te fais cette proposition car tu es mon ami, tu as saisi ? Très bien. Tes dents ne repousseront jamais. Tu es condamné à te nourrir de bouillie, tu ne serviras plus à rien dans le circuit. Tu es devenu inoffensif comme un chaton moche – Raptor eut un petit rire – alors voilà. Je serai toujours là, mon pote, tu le sais. Mais peut-être que tu n’as pas envie de vivre comme ça, en taule, la jambe droite broyée, les dents pétées…peut-être que t’endormir simplement, tu vois, ce n’est pas si mal ? » Raptor regarda intensément Nyx. C’était la fille de la ruelle. Celle qui lui avait causé la peur de sa vie. Mais là, elle ressemblait plus à une échappatoire. Il lui fit en silence un mouvement de tête. Elle le comprit, retira son gant gauche et caressa lentement le visage de Raptor. Tout devint noir… 

            « DECES INEXPLIQUE DU SUPER-CRIMINEL RAPTOR » titrait le journal qui trônait sur la réception de sa salle de consultation. Le titre sauta aux yeux de Fiona qui le prit, ignorant les paroles de sa secrétaire et se posa sur un des fauteuils de la salle d’attente, encore vide à cette heure-ci. Elle lut avidement l’article. Raptor, qui était hospitalisé a été retrouvé sans vie dans sa chambre d’hôpital. Les médecins qui s’occupaient de lui ne s’expliquaient pas ce décès soudain. Il avait reçu des dommages irréversibles à la jambe droite et perdu toutes ses dents, mais la plupart de ses traumas avaient été soignés avec succès. L’autopsie n’avait d’ailleurs révélé aucune cause du décès. C’était comme si d’un coup, il était passé de vie à trépas, juste comme ça. L’article bouleversa Fiona. Non pas que Raptor lui manquerait, il ne manquera d’ailleurs probablement à personne se disait-elle, mais les circonstances de sa mort la ramenaient à sa vision de cauchemar. Elle pressentait qu’il valait mieux se pencher sur ce qui avait tué Raptor, avant qu’il ne soit trop tard.
            La voix de Tai, sa secrétaire la tira de ses réflexions. Elle se retourna vers elle, avec l’intention de lui demander gentiment de la fermer quand elle se rendit compte que celle-ci était en pleine dispute avec Atchoum-man.
            « On vous a demandé de décarrer la dernière fois !
− C’est votre patronne qui m’a dit de venir la voir espèce de tarée hystérique !
− Je vous interdit de m’insulATCHAA ! ATCHOUM !
− Oh, pardon vous disiez ? Je ne comprends pas !
− Je…ATCHOUM ! Arrêtez ATCHOUM ! Sale…ATCHOUM ! 
− Ne t’en fais pas Tai, monsieur Atchoum-man dit la vérité, j’ai bien demandé à le voir, intervint Fiona.
− ATCHOUM ! Si vous…ATCHOUM ! si vous le dites. » geint la pauvre Tai. Atchoum-man déposa dédaigneusement un mouchoir sur le comptoir avant de suivre Fiona dans la salle de consultation. Tai se jeta avec précipitation sur le mouchoir en papier aussitôt après que sa patronne et son invité eurent fermé la porte.

            Atchoum-man et Cassandre étaient réunis. Ils passèrent un long moment à se regarder dans le blanc des yeux, en silence, semblant avoir du mal à réaliser qu’ils étaient l’un en face de l’autre. Elle était curieuse de savoir à quoi il ressemblait à présent.
            « Tu avais déjà ce pouvoir quand on sortait ensemble ? demanda-t-elle finalement.
− Ouais. Et toi ?
− Je crois. J’ai pu faire la différence avec de simples rêves en terminale par contre.
− Pourquoi tu voulais me voir ? demanda-t-il après un petit moment de silence.
− Peut-être que je me sentais nostalgique, que tu me manquais ? Va savoir, répondit-elle avec un sourire malicieux.
− Bon tu m’as vu. A plus. » rétorqua simplement Atchoum-man en se relevant. Elle fut prise au dépourvu. Elle ne savait pas comment amener Greg à tout lui révéler sur la Ligue des Inutiles. Elle s’était rendue compte qu’elle n’avait songé à aucun plan particulier, à aucun prétexte. Elle devait trouver une parade pour l’amener à lui faire confiance.
            « Il y a ces visions que j’ai ! s’écria-t-elle alors qu’il était sur le point d’ouvrir la porte.
− Des visions ?
− Je vois tous ces gens qui meurent, et je ne sais pas pourquoi. C’est une vision d’avenir, j’en ai peur, beaucoup de gens vont simplement arrêter de vivre. Et je ne sais pas ce qui va causer ce cataclysme.
− Et pourquoi tu m’en parles ?
− Et bien, c’est parce que tu es…un héros, non ?
− Tu devrais en parler à Kratos ou Raijin ou à un autre type du genre, se contenta-t-il de répondre.
− J’ai essayé d’en parler à Kratos, mais il pense que ce n’est qu’un rêve. Alors je me suis tourné vers toi, Greg parce que…tu es le seul en qui je peux me fier aujourd’hui, s’était-elle exclamée, tout en se sentant mal de le manipuler de la sorte.
− Je ne vois pas ce que je pourrais faire…
− Aide-moi Greg ! – supplia-t-elle en brandissant le journal annonçant le décès de Raptor. – si je ne trouve pas le fin mot de cette histoire, beaucoup de gens vont mourir. »
            Atchoum-man la regarda, à travers son masque, ses yeux trahissaient une profonde perplexité. Finalement, il poussa un soupir « Très bien, je ne promets rien, mais on verra ce que je peux faire. » Souriant avec une joie réelle, Fiona sauta dans les bras d’Atchoum-man. Celui-ci resta stoïque, mais elle ne s’en inquiéta pas. Après tout, il ne l’avait pas repoussée.

            « DECES INEXPLIQUE DU SUPER-CRIMINEL RAPTOR » titrait le journal que Michael Perséphone lisait, en affichant un air d’une profonde inquiétude. Pascal était de passage, et apportait du matériel de pointe à destination de la Ligue. Radars, radios miniatures, matériel de communication dernier cri…
            « Tu en fais une tête, Mike.
− C’est Raptor, il est mort.
− Vraiment ? De quoi ?
− On ne sait pas.
− Tu crois que…
− Il ne vaut mieux pas… » trancha Michael en secouant la tête, ne voulant pas que Pascal termine sa phrase. Il était sombre, il savait déjà que Sarramauca était en ville est que certains des Inutiles, grisés par leur précédent combat avec Raptor, voulaient en découdre avec elle. Si cela devait continuer, elle ne serait pas la plus grande menace qu’ils auraient sur les bras.

            Lionel Devreaux avait mis la main à la poche et avait pris en charge les obsèques de Marcello Tizzi, alias Raptor. Ils étaient aussi peu nombreux à assister à l’office qu’ils étaient recommandables. Des bandits, des voyous étaient là, et Devreaux, lunettes noires chaussées, affichait un air d’une dignité grave. Il déposa une gerbe de fleurs sur le cercueil d’ébène qui brillait au soleil automnal et partit avant la fin de l’office. Il chemina entre les tombes mornes, prenant la direction de sa voiture, quand il surprit, au loin, la silhouette de Nyx. Comme toujours, elle était vêtue de sa combinaison noire de motarde. Il se fit la remarque qu’elle ne dépareillait absolument pas dans le cimetière.
            « Vous pourriez attendre un peu Nyx, avant de me réclamer votre fric.
− Oh, c’est vrai, vous enterriez votre meilleur ami que vous m’avez demandé de tuer. Mon blé Devreaux.
− Vous devez être familière de ces endroits, non ? Les cimetières, je veux dire…observa-t-il alors qu’il tendait son enveloppe à la mortelle jeune femme.
− Non, je n’aime pas ces endroits, se contenta-t-elle de répondre en comptant les billets.
− Vous y avez pourtant envoyé votre part de personnes.
− C’est exact, et je vais probablement y envoyer encore plus de monde.
− Je me suis renseigné sur votre nom…Nyx. Ça vient du Grec Nux, ou du latin Nox. Et c’est la Nuit. C’est la déesse qui a donné naissance à Hypnos et Thanatos entre autres. C’est pour ça que vous avez choisi son nom ? Parce que vous donnez aussi naissance à la mort et au sommeil ?
− Vous êtes bien bavard aujourd’hui Devreaux.
− C’est que je viens d’enterrer mon ami, et j’ai besoin de parler…
− Si ça vous rend si triste, alors il suffisait de ne pas demander à une tueuse de l’éliminer. Allez-vous saouler la gueule pour oublier, écoutez des chansons tristes, regardez des photos de votre pote le monstre cannibale, faite tout ce que vous voudrez, mais évitez de vous épancher en ma présence.
− Vous n’êtes vraiment pas très commode…observa Devreaux avec un sourire en coin.
− Vous l’avez dit vous-même, je suis la Nuit, froide et obscure.
− Mais la nuit peut aussi être douce et chaude… » souffla Devreaux en posant ses mains sur les hanches de Nyx. Au toucher, celles-ci révélèrent un corps robuste mais délicat, à travers la combinaison on pouvait presque deviner à quel point la peau de la tueuse était satinée et douce. Il pencha sa tête vers la nuque de la belle, sentant le parfum de ses cheveux auburn qui cascadaient sur ses épaules.
            Nyx était restée parfaitement immobile, alors il crut à une invitation, il s’approcha de plus en plus du cou de la jeune femme. Mais alors que son souffle venait se heurter à la peau d’albâtre de la tueuse, celle-ci dit : « Je n’ai jamais dit qu’il n’y avait que mes mains qui étaient mortelles » déclara-t-elle simplement. Il se figea soudain, sorti de sa transe. Alors, Nyx enserra sa tête entre son bras et son épaule et d’un geste vif, le fit virevolter vers l’avant. Il décrivit un arc en l’air avant de s’écraser sur le dos face à Nyx. « Peu importe la raison, si vous me touchez une fois de plus, je vous tue, est-ce bien clair espèce de gros porc ? » puis, elle s’en alla, lui marchant négligemment dessus. Devreaux se releva, s’épousseta et se demanda ce qui lui avait pris d’avoir voulu toucher cette femme dangereuse.

            Sacha Alvez buvait tranquillement sa bière en ce jour gris. Il avait fui la capitale après avoir défoncé la porte du commissariat alors qu’on prenait sa déposition, après que la Ligue des Inutiles l’ait vaincu. Il faisait à présent profil bas, et se demandait s’il ne devait pas mettre les voiles pour de bon. Manifestement, le crime n’était pas fait pour lui, si une bande d’Inutiles était capable de le malmener de la sorte. Etonnement, il n’était pas en colère, il n’avait pas de désir de revanche. Il se disait juste que peut-être qu’il pourrait faire autre chose de sa vie. Mais pas aujourd’hui, aujourd’hui, c’est picole. Il s’apprêta à demander une autre tournée au patron, mais quelqu’un l’avait anticipé et avait posé une pinte sur la table face à lui. Il leva les yeux : c’était une jolie fille aux cheveux bleus qui lui souriait.
            « Tu vas être gentil, Sacha, finir ta bière et me rejoindre dehors.
− C’est bizarre de te voir habillée, Ondine. D’habitude tu traînes toujours en bikini.
− Finis ta bière, Pierre. Et rejoins-moi dehors. » conclut-elle avant de le laisser seul. Il se délecta de sa boisson, tranquillement, se demandant ce que pouvait bien lui vouloir cette psychopathe notoire.
            Quand il sortit du bar, il poussa un cri d’exclamation. Ondine était accompagnée de Raijin. Sa tenue rouge semblait luire et détonner dans le ciel gris. Ondine se tenait près de lui et les deux ne se foutant pas sur la tronche, il ne comprenait pas ce qu’il se passait.
            « Raijin ? Je te préviens, je n’ai pas l’intention de me rendre ! hurla Pierre en recouvrant ses poings de roches.
− J’espère bien que tu n’as pas l’intention de te rendre ! J’ai besoin de toi, répondit simplement Raijin.
− Besoin de moi ? Pierre était perplexe, les pierres de ses poings disparurent.
− Je monte une équipe avec Ondine, et on aurait bien besoin de toi. » Pierre était de plus en plus dubitatif. Ondine et Raijin étaient des ennemis mortels et le fait de les voir faire équipe était un événement. Il ne voyait pas non plus pourquoi Raijin était venu le chercher par ailleurs. Mais la curiosité l’empêcha d’hésiter trop longtemps.

            « Alors ce rendez-vous érotique avec madame Soleil ? demanda Textil à Greg une fois qu’il était revenu au QG.
− T’es allé voir Cassandre ? Salaud ! Je suis tellement fier de toi ! s’écria Mehdi en lui attrapant les épaules brutalement.
− Je…je rêve ou tu pleures ? demanda Greg.
− Qu’est-ce qu’elle voulait ? s’enquit Gilles.
− Je n’ai pas bien compris. Visiblement elle a des visions morbides mais personne ne semble les prendre au sérieux. Elle m’a demandé d’enquêter là-dessus.
− Pourquoi toi ? Et c’est quoi ces visions ?
− Elle voit des gens morts, mais elle ne sait pas pourquoi. Selon elle, ça promet d’être apocalyptique…
− Tu devrais laisser tomber Greg. Je ne vois pas ce qu’Atchoum-man pourrait faire…vaut mieux laisser ça à des pros comme Kratos ou les autres membres de la Conjuration des Etoiles, déclara Cédric.
− Oui, mais elle m’a demandé de…
− Arcimboldo à raison Greg. Ne te mêle pas de ça, ça te dépasse, et puis vous avez d’autres chats à fouetter ! » trancha la voix de Michael. Greg regarda tous ses camarades qui semblaient être d’accord avec lui. Il se disait qu’ils avaient probablement raison, effectivement, que pouvait-il faire ? Fiona elle-même n’avait pas la moindre piste à lui donner, il n’avait pas spécialement de moyens pour mener une enquête avec si peu d’éléments, et puis que pourrait faire un homme dont le pouvoir consiste à faire éternuer les gens…mais il ne pouvait pas se résoudre à revenir sur sa parole. Il avait dit à Fiona qu’il l’aiderait, il le ferait, seul s’il le fallait.

            Il faisait noir dans l’appartement de Gaëlle. Et malgré ça, elle portait des lunettes de soleil. Il y avait des moments ou la douleur était telle, qu’elle avait l’impression que son cerveau allait fondre. Quand un pouvoir se forme à l’enfance, la douleur est moins intense, car la période de croissance est propice aux changements qui sont les plus tolérables pour le corps humain. Mais dans les cas rarissimes d’évolution tardive, comme celui de Gaëlle, le cerveau doit définir de nouvelles fonctions et s’adapter. Et cela se faisait dans la douleur, parfois même, le corps mutait, comme celui de Raptor. Elle restait dans le noir, la lumière était trop vive, trop aveuglante pour ses yeux fragilisés. Il arrivait que la douleur soit telle qu’elle ne pouvait que se recroqueviller et pleurer. Par chance, sa sœur Laetitia venait lui rendre visite et lui administrer les calmants prescrits par les médecins.
            « Gaëlle tu te sens mieux ? demanda Laetitia en posant devant sa sœur une tasse de chocolat chaud.
− Merde c’est tellement horrible…j’ai l’impression que je vais crever…sa voix était faible
− Tiens bon Gaga. Tu vas surmonter ça, tu surmontes toujours tout. Tu te rappelles quand tu as découvert ton pouvoir ? On était tous très mal pour toi, avec papa et maman. On s’est dit que tu allais tomber dans la dépression, parce que tu étais une Inutile, mais à la place, tu t’es mise à rire…
− Je ris beaucoup moins, là Letty…
− Tu es du genre à ne pas te laisser abattre petite sœur, « ce qui ne me tue pas me rend plus fort » tu es la personnification de cette phrase. Alors tiens bon et dépêche-toi de devenir plus forte. J’ai besoin de toi pour protéger le monde ! »
            Elle ne voyait que sa silhouette, mais malgré ça, Gaëlle pouvait deviner le sourire de Laetitia, elle la voyait dans son cœur, sa jolie grande sœur, qui avait hérité ses yeux de jade de leur mère, quasiment la seule différence entre les deux jeunes femmes qui autrement se ressemblaient énormément. Gaëlle tendit sa main vers sa sœur qui la saisit, et elle eut l’impression que la douleur était bien plus supportable.

            Sarramauca était dissimulée ce soir-là dans la cave d’une bâtisse délabrée. Elle restait prostrée au sol, grelottant de froid, et fredonnait une mélodie inquiétante pour réchauffer son cœur. C’est alors qu’elle entendit un bruit fracassant, l’air froid nocturne s’engouffra dans son abri avec force. Lorsqu’elle leva la tête, elle fut surprise de voir Kratos se tenir devant elle.
            « Salut mocheté, j’espère que je te réveille…prends cette feuille. Tu vois, c’est l’adresse d’un sale con du nom de Grégory Gorman. Tu vas aller lui rendre visite et lui coller les foies comme tu sais si bien le faire. C’est bien compris ? Mais attention, tu n’as absolument pas intérêt à le buter OK ? Du moins pas tout de suite. Tu vois j’ai besoin qu’il me donne le plus d’informations possible sur ses copains. Alors voilà…je veux que tu lui rendes visite tous les soirs, que tu lui foutes la pression, gentiment, mais je te le répète, sans le tuer. Tu m’as compris ? – elle acquiesça en silence, alors il lui jeta le papier contenant l’adresse de Greg au visage – alors au boulot feignasse ! » sur ces mots, il s’envola, laissant là une Sarramauca qui se rendit compte qu’elle ne pourrait jamais lui échapper. Kratos pouvait apparaître devant elle comme il le voulait et lui faire du mal à tout moment. En fait même sortie de prison, elle n’était pas libre.

            Greg était rentré chez lui. Il posa ses affaires sur le fauteuil, négligemment, et alla prendre une bière au frigo. Il aéra le salon, puis se dirigea vers la chambre, pour changer de tenue. Finalement, après avoir frissonné, il décida de retourner fermer la fenêtre. Au moment où il le fit, il entendit une voix fredonner. Il se retourna soudain…rien…le fredonnement avait laissé place au silence. Il resta figé dans les ténèbres de son appartement vide. Seule sa respiration, très forte, emplissait l’air. Il jeta autour de lui des regards, il ne se sentait pas bien. Il se demanda si on l’observait.
            Son regard se porta sur la fenêtre. Il y avait une lumière intense…très forte. Il se demanda s’il l’avait rêvée. Puis une énorme explosion ravagea tout sur son passage. La ville était en flammes, les bâtiments en ruines. Il poussa un cri. Il se retourna, son instinct le poussant à partir de chez lui pour essayer de sauver ce qu’il pourrait. Mais il se retrouva nez à nez avec les Inutiles, accompagnés de Mike et Pascal. Ils le regardaient tous avec un air de reproche.
            « Vous faites quoi ici ? Non…la ville ! Il s’est passé un truc ! Allons…
− Tu ne pourras rien faire, déclara Gaëlle avec calme.
− Même si je t’entraînais toute ma vie durant, tu resteras toujours un Inutile, un minable Inutile, ajouta Pascal.
− On doit sauver les survivants ! hurla Greg tentant d’ignorer ce que venait de lui dire Pascal.
− Il n’y a rien à sauver. Si c’est toi qui t’en occupes, il n’y aura jamais rien à sauver. Tu as toujours voulu jouer les super-héros, mais tu n’es rien ! déclara Mike.
− La ferme ! On fait la différence ! On est la Ligue des Inutiles on est capable de tout !
− Alors pourquoi tu ne nous as pas sauvés ? » demanda Cuistot. Greg le regarda avec étonnement, puis poussa un grand cri. Des flammes apparurent sur les corps de chacun de ses amis qui restaient là à le regarder tandis qu’ils brûlaient. Greg poussa un hurlement déchirant, mais il était paralysé alors que ses amis brûlaient tous dans leurs costumes, le fixant avec un air de reproche.
            « Et dire que je comptais sur toi. Tu as toujours été une déception, Gregory. » déclara Fiona derrière lui. Il se retourna. Fiona le regardait avec des yeux vides. « J’ai misé sur le mauvais héros on dirait. Et puis, il suffit de te regarder…héros, c’est vite dit… » du sang s’écoula alors de ses mèches blondes et coururent le long de son visage. Bientôt, le visage de Fiona était devenu entièrement rouge et luisant de sang. Greg se tenait devant une silhouette grotesque suintante…


            Greg était resté prostré en silence sur le sol, après avoir beaucoup hurlé. Sarramauca se nourrissait de la peur qu’elle avait engendré, et se rendit compte que celle-ci avait un goût différent, dont elle avait déjà pu se délecter avant. C’était une peur altruiste, c’était le goût qu’avait la peur quand elle concernait les autres, mais celle-ci avait une pointe d’amertume de peur égoïste, c’était probablement la saveur qu’elle préférait. Mais elle ne devait pas en abuser. Kratos avait été clair, sa victime devait survivre. Et puis, elle pourrait en bénéficier chaque soir, s’il survivait. Elle s’en alla, voilée de ténèbres, laissant là Greg, qui regardait dans le vide en marmonnant des excuses, à elle ne savait qui…

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