lundi 11 avril 2016

Chapitre 18

            « Allez ! Allez ! Allez ! » criaient Cédric et Mehdi tandis que Gilles était en train de relever leur défi. Ils encourageaient leur valeureux compère qui, bravement, venait d’enfourner dans sa bouche quatre biscuits apéritif salés (des tucs pour la petite histoire) et devait les avaler en moins de trente secondes. Cela faisait déjà vingt secondes qu’il mâchait, Gilles avait l’impression d’avoir une purée de sel et de plâtre dans la bouche.
« Je crois en toi ! hurlait Cédric !
− Crois en moi qui crois en toi ! ajoutait Mehdi.
− Il n’est pas en train de devenir tout bleu ? demanda Claire.
− Schtroumpf-man il va devenir Schtroumpf-man ! s’exclama Mehdi.
− Bon sang, il ne reste plus que cinq secondes !
− AAAAARGH ! Je suis le seigneur des Tucs ! » s’écria Gilles après avoir avalé in-extremis la bouillie qu’il avait eu tant de mal à mâcher. Puis, il fut pris d’une énorme quinte de toux qu’il tenta d’annihiler au moyen d’une longue rasade d’eau.
            « En fait tu as mordu de trois secondes Gilles…déclara Cédric en regardant son chronomètre.
− Quoi ? J’y étais presque ! » Gilles paraissait être profondément déçu. Le défi était terminé, et à présent, ils allaient pouvoir tous recommencer à s’ennuyer, comme ils le faisaient si bien depuis la défaite de Raptor.


            Car on ne sort pas indemne d’un combat comme celui-ci. La Ligue des Inutiles avait été grisée par son combat dantesque, et ses membres galvanisés. Ils avaient ressenti le frisson, la peur, les montées d’adrénaline…après ça, tout semblait si terne et ennuyeux…Bien sûr la Ligue continuait à patrouiller dans les rues et combattait toujours le crime, mais cela semblait être devenu si banal. Raptor, lui, représentait une menace. Il les avait malmenés, il avait rendu le combat plus jouissif. Ils ne se voyaient plus vraiment comme des Inutiles, ils étaient à présent des Super-héros confirmés et reconnus en tant que tels par de nombreuses personnes maintenant, bien que Kratos leur ait piqué la vedette en terminant le travail à la fin du combat.
            « Hé, ça fait un moment que Gaëlle n’est pas venue. Elle va bien ? demanda finalement Mehdi.
− Elle n’était pas dans son assiette ces derniers temps, répondit Claire.
− Elle a des migraines et celles-ci sont de plus en plus fortes, déclara la voix de Michael qui venait de faire son apparition. Il venait de rentrer chez lui, les bras chargés de courses.
− Merde, rien de sérieux j’espère ? s’enquit Gilles tout en débarrassant le maître des lieux de ses sacs.
− Je ne pense pas. Il se peut que son pouvoir évolue ! tout le monde le regarda avec étonnement.
− Et Greg aussi se fait rare, on ne l’a pas vu depuis un bail, observa Cédric.
− Il s’est organisé un stage commando avec Pascal, déclara Michael.
− On ne pourra pas lui reprocher de manquer de motivation… » observa Gilles.

          « Ah, j’ai plus la motivation ! s’exclama Greg sur le sol du dojo, respirant bruyamment. Il était vidé.
− Lèves toi Atchoum-man, ordonna Pascal qui toisait Greg qui était étalé au sol.
− OK ! C’est bon…chouina Greg en se levant. Ses jambes tremblaient sous lui, les plantes de ses pieds nus semblaient glisser sur le tatami. Il se redressa difficilement, mais son regard se posa sur un large miroir accroché au mur. Il s’observa et remarqua que ses épaules s’étaient élargies et qu’il avait gagné en carrure. Il paraissait plus robuste que jamais.
− Tu te reluqueras plus tard, Narcisse ! » s’écria Pascal en le mettant à terre avec une prise de judo. Greg fit un bruit de tous les diables alors qu’il s’étalait au sol. Mais sa motivation était de retour.

            Les forces spéciales étaient prêtes. Les escouades Alpha et Bravo procédaient à la vérification de leurs armes. Les chefs d’escouade ordonnèrent qu’on recompte ses chargeurs. Les armes étaient nettoyées et prêtes à servir. On n’avait que peu d’informations sur le nombre d’ennemis à l’intérieur du bâtiment, mais les drones et les snipers avaient identifiés au moins une dizaine d’individus. Les journalistes se pressaient autour du périmètre et les caméras étaient braquées sur les escouades qui s’apprêtaient à entrer dans le bâtiment.
            Dans l’un des véhicules d’intervention, le major Séverine Togusa pestait. Elle avait de plus en plus de mal à supporter ce festival médiatique qui, à son sens, avait plus tendance à mettre ses hommes en danger qu’à informer le citoyen moyen.
            « Crétins de journaleux, ils ne savent donc pas que les méchants ont probablement la télé dans leur immeuble ? Ils transforment mes hommes en cibles luisantes…
− Je vois ça comme une diversion, répondit Terminacop qui venait de mettre son casque.
− T’as toujours été aussi froid…je me dis que je suis bien contente de ne plus bosser avec toi parfois, répondit d’un ton moqueur le major.
− C’est ce que tu te dis, jusqu’à ce que je balaie les vilains…j’y vais, ni vu ni connu, je déglingue tout le monde et tu ramasses les médailles.
− Essaye d’en laisser un en vie, au moins.
− C’est eux ou moi ! » répondit simplement Terminacop avant de sortir du véhicule.
            L’escouade Bravo fit sauter la porte au moyen d’un bélier, l’escouade Alpha entra en premier, en file indienne, derrière l’agent de tête qui brandissait un large bouclier. La lumière disparut dans l’immeuble, le plongeant dans les ténèbres. L’escouade Bravo mit ses lunettes de vision nocturne et resta aux aguets, couvrant les nombreuses portes du hall qui faisaient office d’autant de pièges mortels. L’escouade Alpha aurait pour mission de sécuriser le premier étage, l’escouade bravo le second etc…les hommes de l’équipe d’intervention savaient que ce serait long et laborieux.

            L’obscurité ne gêna pas outre mesure Terminacop dont le casque de visée était équipé du must de la détection. Vision nocturne et thermique, système intelligent d’aide à la visée, scanners divers…rien ne pouvait l’empêcher de viser juste. Il était entré discrètement par la fenêtre du premier étage et s’était donné comme défi de ne pas laisser un seul terroriste à l’équipe d’intervention. Il scanna le bâtiment et vit que les escouades venaient d’entrer dans l’immeuble, alors que les ennemis s’étaient retranchés à l’étage le plus élevé, ne laissant que quatre ou cinq hommes pour patrouiller dans les étages intermédiaires. Il poussa un petit ricanement « amateurs… » bien sûr la formation était dangereuse car une fois arrivé en haut, il faudrait essuyer un feu nourri, les ennemis comptaient sur le manque d’information des forces spéciales pour les prendre par surprise et les pousser à l’erreur mais ce n’était pas un problème pour lui.
            Lorsqu’il tomba sur le premier ennemi, il transforma son bras gauche en canon de M 16 et l’abattit sans sommation. Il eut un petit sourire quand il entendit les hommes de Togusa s’écrier « Contact ! » avec une pointe d’incrédulité dans la voix. Il continua son petit bonhomme de chemin en criblant de balles tout ce qu’il identifiait comme un ennemi. Tout cela n’était qu’une partie de plaisir pour lui, un jeu d’enfant. Il avait tous les avantages. Contrairement à ses ennemis, il ne pouvait pas perdre ses armes, elles ne s’enrayaient jamais, et elles n’étaient jamais à court de munitions. C’est parce qu’il avait ce pouvoir qu’il était entré dans la police. Mais il n’avait pas la liberté de l’utiliser, alors il avait décidé de rejoindre les unités d’interventions, mais là aussi, il devait se justifier à chaque fois qu’il utilisait ce pouvoir. Alors il était devenu Terminacop, et là, il n’avait rien à justifier à quiconque, car il y avait un vide juridique concernant l’utilisation de superpouvoirs, même létaux. Il était en plus couvert par des camarades comme Séverine qui regardaient ailleurs tandis qu’il rendait la justice, qui prenait alors la forme de balles dans des têtes de criminels.
            Il était arrivé à l’étage où se retranchaient les derniers terroristes. Il les compta, puis changea chacun de ses doigts en canons de mitrailleuse. Et la paume de sa main droite en canon de lance-grenades. Son plan était arrêté : il allait lancer une grenade flash, puis tirer dans le tas tout en s’assurant de laisser au moins un survivant, qui serait une source non négligeable d’informations. Il respira profondément, puis d’un coup de pied, il défonça la porte…

            « Joli boulot, un vrai boucher, le railla Kratos le lendemain. Le Super-Héros était venu lui rendre visite dans son repaire.
− Du résultat, rien que du résultat…répondit simplement Terminacop.
− En une soirée tu as quand même tué quatorze mecs.
− Mon pouvoir crée des armes à feu, pas des bisous ! Tu sais ce que je pense, Kratos ? Que tu n’as pas de couilles ! Toi, tu fous le mal au tapis, moi je nous en débarrasse !
− Un Super-Héros qui tue ses ennemis porte préjudice à la profession ! Pense à notre putain d’image espèce de dégénéré !
− Tu n’as même pas achevé Raptor, alors qu’il était au courant de ton petit plan !
− C’est inutile de le buter, il ne parlera jamais.
− Et dire que tout serait beaucoup plus simple si on allait régler leur compte aux Inutiles nous-mêmes.
− Je ne suis pas un tueur ! rugit Kratos.
− Dixit celui qui veut faire tuer un groupe de nazes. Oh c’est vrai, tu ne te salis pas les mains, toi. Tout pour l’image… »
            Kratos le regarda avec colère. Il voulait vraiment l’attraper par les mollets et le faire voler jusqu’à la planète mars. Il avait remarqué que Terminacop était devenu le plus virulent du groupe, en ce qui concerne la Ligue des Inutiles. Il avait vraiment envie de les voir mourir, et il devenait de plus en plus impatient, au point de devenir insolent.
            « Si tu as peur, moi je peux m’en occuper…persifla Terminacop.
− Tire-moi dessus, Terminacop, déclara alors Kratos.
− Pardon ?
− Balance tout ce que tu as. Tire-moi dessus, où tu veux. La tête, les bras, les jambes…avec ce que tu as de plus mortel. »
            Terminacop lança à Kratos un regard incrédule, mais les yeux de ce dernier lui indiquaient qu’il était sérieux. Les bras de Terminacop se changèrent en canons de mitrailleuses, et la seconde qui suivit, des détonations éclatèrent dans l’air. Terminacop tira sans discontinuer pendant cinq bonnes minutes. Le mur était à présent criblé de balles, et une odeur de poudre flottait dans l’air, portée par des volutes d’une fumée bleutée qui tourbillonnait dans la pièce.
            Kratos était encore debout, des balles écrasées gisaient au sol sous lui, elles avaient rebondi sur son corps robuste. Il regardait Terminacop en affichant un air supérieur qui était accentué par le fait que Terminacop était en train de haleter, fatigué par sa démonstration de puissance.
            « Tu vois Terminacop, ça, c’est ce qu’on appelle une échelle de puissance. Si tu utilises tout ce que tu as contre moi et que ça ne me fait rien, ça signifie simplement que tu es plus faible que moi. De mon côté, si je décide de te frapper à pleine puissance, on te retrouvera éparpillé aux quatre coins du globe. Et donc, comme de nous deux, je suis le plus fort, il est évident que tu dois te plier à ma volonté. Alors, je te le demande une dernière fois, arrête de tuer des gens je te prie, ce n’est pas bon pour notre image.
− Très…très bien Kratos…balbutia Terminacop en tremblant.
− Oh et une dernière chose, il est évident que tu ne seras jamais assez stupide pour t’en prendre à la Ligue des Inutiles directement, je me trompe ? Je n’aimerais pas devoir expliquer pourquoi il y aurait des liens entre la Conjuration des Etoiles et la destruction de la Ligue…
− Je…je m’en tiens au plan Kratos…Sarramauca est là pour ça… »
            Kratos hocha la tête, satisfait d’avoir maté Terminacop et s’envola, laissant l’homme-flingue seul dans son repaire dévasté par ses propres balles. Celui-ci tremblait de peur, de rage et d’impuissance…

            Sarramauca profita de la nuit pour sortir de ses catacombes. La lune était pleine, elle avala une bonne goulée d’air frais. L’automne s’était installé, mais la nuit était encore agréable, avec juste cette pointe de fraîcheur qui l’adoucissait. Elle se rendit compte que depuis qu’elle était sortie de prison, elle n’avait pas énormément profité de sa liberté. Elle s’était elle-même enfermée dans les catacombes, par crainte de Kratos pensait-elle pendant un moment, mais ce n’était pas le cas. Peut-être n’était-elle plus adaptée à une vie libre ? Son pas lent et cérémonieux faisait froisser les feuilles mortes qui crissaient sous ses pieds. Elle en ramassa une, elle était rouge vif. Ses yeux habitués à l’obscurité furent frappés par la couleur chaude de la feuille qui lui semblait luire, malgré la nuit. Elle resta un moment en pleine contemplation devant la feuille, puis reprit ses esprits lorsqu’elle entendit des pas qui se rapprochaient d’elle.
            C’était un couple qui se baladait dans la fraîcheur de la nuit parisienne. Ils étaient bras-dessus bras-dessous et chahutaient gaiement. Cachée au coin de la rue, Sarramauca les observait. Elle les enviait un peu au fond. Ils vivaient normalement, ils pouvaient voir des gens, ils inspiraient la sympathie, là où elle inspirait la crainte…mais alors qu’elle ressassait ses pensées qui l’avaient toujours accompagnée aussi loin qu’elle se souvienne, elle se rendit compte qu’elle avait faim.
            Elle avait grignoté des miettes de peur auprès des rats, mais là, elle aurait droit de dévorer une peur panique. A ce besoin impérieux s’ajouta une jalousie qu’elle s’était mise à développer vis-à-vis du couple. Elle les suivit un moment, avec la furtivité d’une ombre. Finalement, une fois proche d’eux, elle émit un petit fredonnement. La femme se blottit contre l’homme, peu rassurée, celui-ci regarda un moment autour de lui puis tenta une plaisanterie pour rassurer sa compagne et chasser les spectres de l’inquiétude de son esprit. Sarramauca le savait, ils allaient à présent être victimes des hallucinations que sa voix avait provoquées. Bien vite, l’homme tomba au sol, sur les fesses et hurla de terreur. La femme se recroquevilla au sol, les mains sur la tête, comme si elle voulait se protéger contre un ennemi prêt à la tourmenter.
            Quand les gens ont peur, Sarramauca à l’impression de voir des sortes de dragées intangibles qui flottent autour d’eux. Peut-être est-ce une hallucination, peut-être les rêve-t-elle, mais ces dragées n’apparaissent que lorsque les créatures sont effrayées. Quand elle était petite, elle avait essayé d’en engloutir une, et elle s’était imaginé que c’était réellement un bonbon. C’était probablement le meilleur bonbon qu’elle avait jamais mangé. Il faut dire que quand on est une petite fille aussi effrayante, rejetée par ses propres parents qui l’élevaient « parce qu’il faut bien que quelqu’un s’en charge », on n’a pas souvent l’occasion d’avoir des bonbons.

            Papa et maman l’enfermaient à la maison, et elle n’avait pas le droit d’en sortir. Alors elle se mettait à la fenêtre et regardait les enfants jouer dans le parc en face. Elle n’avait pas le droit d’aller à l’école et n’avait pas le moindre ami. Papa et maman n’allaient pas vraiment la voir, ils la laissaient dans sa chambre, et la priaient de n’en sortir que si c’était urgent. Elle les voyait de temps en temps, quand maman la nourrissait. Elle avait l’habitude alors de caresser ses cheveux de jais et de lui dire « J’aimerais t’aimer autant que tu le mérites. » Une fois cependant, sa mère, après avoir frôlé ses cheveux lui tendit un tout petit bonbon. Elle en aurait presque pleuré de joie. Elle avait pris tout son temps pour déguster la petite friandise au caramel. Elle était consciente qu’il serait rare qu’elle puisse en savourer. Pas de bonbons, pas de cadeaux pour la petite fille qui faisait peur
            Au début, elle pensait que son visage était effrayant, alors elle avait laissé pousser ses cheveux pour le cacher. Mais elle continuait de susciter l’inquiétude chez ses parents qui avaient du mal à la regarder avec amour. Un jour, un médecin est venu lui rendre visite et lui avait dit qu’elle avait développé un superpouvoir. « Lequel ? » demanda-t-elle. Le médecin s’était figé, et son visage s’était décomposé. Il s’était mis à hurler, à devenir hystérique, à supplier…c’est alors qu’elle vit ces étranges dragées lumineuses sortir de lui et voler dans la pièce. Ses parents étaient arrivés en trombe dans sa chambre, au moment où elle tendait la main pour attraper un bonbon. Son père l’avait écartée violemment, du médecin, elle était tombée au sol. Jamais jusqu’alors elle ne lui avait vu un tel regard, il était véritablement effrayé. Elle n’avait pu prendre qu’un seul de ces bonbons magiques, mais déjà, elle se sentait ensorcelée par sa saveur.
Les années qui suivirent la transformèrent en une adolescente morne. Elle ne parvenait pas à comprendre pourquoi elle faisait si peur. Peut-être était-ce parce qu’elle ne souriait jamais ? Alors, elle se força à sourire chaque jour, chaque minute chaque seconde…mais c’était épuisant. Il fallait que son sourire soit constant…elle fit des recherches sur internet et eut une idée. Un soir, elle se fractura le rocher, os temporal, dans le but de provoquer chez elle une paralysie faciale. Elle l’avait son sourire constant. Mais cela n’eut pas l’effet escompté. Ses parents avaient toujours peur d’elle.
Quand elle a eu dix-huit ans, elle passa quatre jours sans avoir de nouvelles d’eux. Alors, la fille obéissante qu’elle avait toujours été transgressa un ordre sacré de la famille : elle sortit de sa chambre. Elle les appela, mais ni son père, ni sa mère ne lui répondirent. Elle trouva sur une table une lettre. C’était l’écriture de papa. « Sarah, tu es notre fille, mais c’était dur pour nous. C’était bien trop dur. Ta mère et moi n’avons plus la force de vivre à tes côtés, et tu es assez grande. La maison est à toi, tu es maîtresse de ton destin. Au moment où tu liras ces lignes, nous serons partis, nous aurons refait nos vies ailleurs. Ne nous en veux pas, ne nous recherche pas. Nous aurions aimé pouvoir t’aimer autant que tu le mérites. »

            Ils avaient disparu, ils l’avaient abandonné, ne lui laissant qu’une maison vide. Elle ne savait pas comment réagir. La colère était un concept qui lui était étranger. Mais quelque chose de maléfique s’était insinué en elle, elle s’en rendit compte quand son premier contact humain, un facteur avait fait l’expérience d’une peur absolue, son premier festin de terreur. Le postier avait fait une crise cardiaque, il était mort de peur au sens propre, mais cela ne lui importait que peu. La seule chose qu’elle regretta était de ne pas avoir pu manger plus de ces bonbons de peur.


           Elle se délectait de la peur de ses deux victimes qui hurlaient, leurs cheveux se ternissant, virant au blanc. Elle se fit une orgie de ces bonbons, et plus elle les dévorait, plus la peur écrasait le couple, et plus la peur écrasait le couple, plus les bonbons apparaissaient. Que ces bonbons fussent réels ou non n’avait pas la moindre importance. Elle était heureuse de pouvoir les savourer. Ils volaient dans les airs, autour d’elle, comme des étoiles lumineuses qu’elle pouvait attraper. Puis la source se tarit. Elle regarda au sol le couple qui avait cessé de hurler. Ils étaient recroquevillés au sol, leurs visages rigides, les yeux vitreux regardant on ne savait quoi. Sarramauca remarqua que malgré le funeste destin du jeune couple, ils se tenaient la main. Elle les regarda longuement, et l’euphorie de son festin disparut. A présent, elle se sentait vide.

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