« Allez !
Allez ! Allez ! » criaient Cédric et Mehdi tandis que Gilles
était en train de relever leur défi. Ils encourageaient leur valeureux compère
qui, bravement, venait d’enfourner dans sa bouche quatre biscuits apéritif
salés (des tucs pour la petite histoire) et devait les avaler en moins de
trente secondes. Cela faisait déjà vingt secondes qu’il mâchait, Gilles avait
l’impression d’avoir une purée de sel et de plâtre dans la bouche.
« Je crois en toi ! hurlait
Cédric !
− Crois en moi qui crois en toi !
ajoutait Mehdi.
− Il n’est pas en train de devenir tout
bleu ? demanda Claire.
− Schtroumpf-man il va devenir
Schtroumpf-man ! s’exclama Mehdi.
− Bon sang, il ne reste plus que cinq
secondes !
− AAAAARGH ! Je suis le seigneur
des Tucs ! » s’écria Gilles après avoir avalé in-extremis la bouillie
qu’il avait eu tant de mal à mâcher. Puis, il fut pris d’une énorme quinte de
toux qu’il tenta d’annihiler au moyen d’une longue rasade d’eau.
« En
fait tu as mordu de trois secondes Gilles…déclara Cédric en regardant son
chronomètre.
− Quoi ? J’y étais
presque ! » Gilles paraissait être profondément déçu. Le défi était
terminé, et à présent, ils allaient pouvoir tous recommencer à s’ennuyer, comme
ils le faisaient si bien depuis la défaite de Raptor.
Car on
ne sort pas indemne d’un combat comme celui-ci. La Ligue des Inutiles avait été
grisée par son combat dantesque, et ses membres galvanisés. Ils avaient
ressenti le frisson, la peur, les montées d’adrénaline…après ça, tout semblait
si terne et ennuyeux…Bien sûr la Ligue continuait à patrouiller dans les rues
et combattait toujours le crime, mais cela semblait être devenu si banal.
Raptor, lui, représentait une menace. Il les avait malmenés, il avait rendu le
combat plus jouissif. Ils ne se voyaient plus vraiment comme des Inutiles, ils
étaient à présent des Super-héros confirmés et reconnus en tant que tels par de
nombreuses personnes maintenant, bien que Kratos leur ait piqué la vedette en
terminant le travail à la fin du combat.
« Hé,
ça fait un moment que Gaëlle n’est pas venue. Elle va bien ? demanda
finalement Mehdi.
− Elle n’était pas dans son assiette
ces derniers temps, répondit Claire.
− Elle a des migraines et celles-ci
sont de plus en plus fortes, déclara la voix de Michael qui venait de faire son
apparition. Il venait de rentrer chez lui, les bras chargés de courses.
− Merde, rien de sérieux
j’espère ? s’enquit Gilles tout en débarrassant le maître des lieux de ses
sacs.
− Je ne pense pas. Il se peut que son
pouvoir évolue ! tout le monde le regarda avec étonnement.
− Et Greg aussi se fait rare, on ne l’a
pas vu depuis un bail, observa Cédric.
− Il s’est organisé un stage commando
avec Pascal, déclara Michael.
− On ne pourra pas lui reprocher de
manquer de motivation… » observa Gilles.
« Ah,
j’ai plus la motivation ! s’exclama Greg sur le sol du dojo, respirant
bruyamment. Il était vidé.
− Lèves toi Atchoum-man, ordonna Pascal
qui toisait Greg qui était étalé au sol.
− OK ! C’est bon…chouina Greg en
se levant. Ses jambes tremblaient sous lui, les plantes de ses pieds nus
semblaient glisser sur le tatami. Il se redressa difficilement, mais son regard
se posa sur un large miroir accroché au mur. Il s’observa et remarqua que ses
épaules s’étaient élargies et qu’il avait gagné en carrure. Il paraissait plus
robuste que jamais.
− Tu te reluqueras plus tard,
Narcisse ! » s’écria Pascal en le mettant à terre avec une prise de
judo. Greg fit un bruit de tous les diables alors qu’il s’étalait au sol. Mais
sa motivation était de retour.
Les
forces spéciales étaient prêtes. Les escouades Alpha et Bravo procédaient à la
vérification de leurs armes. Les chefs d’escouade ordonnèrent qu’on recompte
ses chargeurs. Les armes étaient nettoyées et prêtes à servir. On n’avait que
peu d’informations sur le nombre d’ennemis à l’intérieur du bâtiment, mais les
drones et les snipers avaient identifiés au moins une dizaine d’individus. Les
journalistes se pressaient autour du périmètre et les caméras étaient braquées
sur les escouades qui s’apprêtaient à entrer dans le bâtiment.
Dans
l’un des véhicules d’intervention, le major Séverine Togusa pestait. Elle avait
de plus en plus de mal à supporter ce festival médiatique qui, à son sens,
avait plus tendance à mettre ses hommes en danger qu’à informer le citoyen
moyen.
« Crétins
de journaleux, ils ne savent donc pas que les méchants ont probablement la télé
dans leur immeuble ? Ils transforment mes hommes en cibles luisantes…
− Je vois ça comme une diversion,
répondit Terminacop qui venait de mettre son casque.
− T’as toujours été aussi froid…je me
dis que je suis bien contente de ne plus bosser avec toi parfois, répondit d’un
ton moqueur le major.
− C’est ce que tu te dis, jusqu’à ce
que je balaie les vilains…j’y vais, ni vu ni connu, je déglingue tout le monde
et tu ramasses les médailles.
− Essaye d’en laisser un en vie, au
moins.
− C’est eux ou moi ! »
répondit simplement Terminacop avant de sortir du véhicule.
L’escouade
Bravo fit sauter la porte au moyen d’un bélier, l’escouade Alpha entra en
premier, en file indienne, derrière l’agent de tête qui brandissait un large
bouclier. La lumière disparut dans l’immeuble, le plongeant dans les ténèbres.
L’escouade Bravo mit ses lunettes de vision nocturne et resta aux aguets,
couvrant les nombreuses portes du hall qui faisaient office d’autant de pièges
mortels. L’escouade Alpha aurait pour mission de sécuriser le premier étage,
l’escouade bravo le second etc…les hommes de l’équipe d’intervention savaient
que ce serait long et laborieux.
L’obscurité
ne gêna pas outre mesure Terminacop dont le casque de visée était équipé du
must de la détection. Vision nocturne et thermique, système intelligent d’aide
à la visée, scanners divers…rien ne pouvait l’empêcher de viser juste. Il était
entré discrètement par la fenêtre du premier étage et s’était donné comme défi
de ne pas laisser un seul terroriste à l’équipe d’intervention. Il scanna le
bâtiment et vit que les escouades venaient d’entrer dans l’immeuble, alors que
les ennemis s’étaient retranchés à l’étage le plus élevé, ne laissant que
quatre ou cinq hommes pour patrouiller dans les étages intermédiaires. Il
poussa un petit ricanement « amateurs… » bien sûr la formation était
dangereuse car une fois arrivé en haut, il faudrait essuyer un feu nourri, les
ennemis comptaient sur le manque d’information des forces spéciales pour les
prendre par surprise et les pousser à l’erreur mais ce n’était pas un problème
pour lui.
Lorsqu’il
tomba sur le premier ennemi, il transforma son bras gauche en canon de M 16 et
l’abattit sans sommation. Il eut un petit sourire quand il entendit les hommes
de Togusa s’écrier « Contact ! » avec une pointe d’incrédulité
dans la voix. Il continua son petit bonhomme de chemin en criblant de balles
tout ce qu’il identifiait comme un ennemi. Tout cela n’était qu’une partie de
plaisir pour lui, un jeu d’enfant. Il avait tous les avantages. Contrairement à
ses ennemis, il ne pouvait pas perdre ses armes, elles ne s’enrayaient jamais,
et elles n’étaient jamais à court de munitions. C’est parce qu’il avait ce
pouvoir qu’il était entré dans la police. Mais il n’avait pas la liberté de
l’utiliser, alors il avait décidé de rejoindre les unités d’interventions, mais
là aussi, il devait se justifier à chaque fois qu’il utilisait ce pouvoir.
Alors il était devenu Terminacop, et là, il n’avait rien à justifier à
quiconque, car il y avait un vide juridique concernant l’utilisation de
superpouvoirs, même létaux. Il était en plus couvert par des camarades comme
Séverine qui regardaient ailleurs tandis qu’il rendait la justice, qui prenait
alors la forme de balles dans des têtes de criminels.
Il était
arrivé à l’étage où se retranchaient les derniers terroristes. Il les compta,
puis changea chacun de ses doigts en canons de mitrailleuse. Et la paume de sa
main droite en canon de lance-grenades. Son plan était arrêté : il allait
lancer une grenade flash, puis tirer dans le tas tout en s’assurant de laisser
au moins un survivant, qui serait une source non négligeable d’informations. Il
respira profondément, puis d’un coup de pied, il défonça la porte…
« Joli
boulot, un vrai boucher, le railla Kratos le lendemain. Le Super-Héros était
venu lui rendre visite dans son repaire.
− Du résultat, rien que du résultat…répondit
simplement Terminacop.
− En une soirée tu as quand même tué
quatorze mecs.
− Mon pouvoir crée des armes à feu, pas
des bisous ! Tu sais ce que je pense, Kratos ? Que tu n’as pas de
couilles ! Toi, tu fous le mal au tapis, moi je nous en débarrasse !
− Un Super-Héros qui tue ses ennemis
porte préjudice à la profession ! Pense à notre putain d’image espèce de
dégénéré !
− Tu n’as même pas achevé Raptor, alors
qu’il était au courant de ton petit plan !
− C’est inutile de le buter,
il ne parlera jamais.
− Et dire que tout serait
beaucoup plus simple si on allait régler leur compte aux Inutiles nous-mêmes.
− Je ne suis pas un tueur ! rugit
Kratos.
− Dixit celui qui veut faire tuer un
groupe de nazes. Oh c’est vrai, tu ne te salis pas les mains, toi. Tout pour l’image… »
Kratos
le regarda avec colère. Il voulait vraiment l’attraper par les mollets et le
faire voler jusqu’à la planète mars. Il avait remarqué que Terminacop était
devenu le plus virulent du groupe, en ce qui concerne la Ligue des Inutiles. Il
avait vraiment envie de les voir mourir, et il devenait de plus en plus
impatient, au point de devenir insolent.
« Si
tu as peur, moi je peux m’en occuper…persifla Terminacop.
− Tire-moi dessus, Terminacop, déclara
alors Kratos.
− Pardon ?
− Balance tout ce que tu as. Tire-moi
dessus, où tu veux. La tête, les bras, les jambes…avec ce que tu as de plus
mortel. »
Terminacop
lança à Kratos un regard incrédule, mais les yeux de ce dernier lui indiquaient
qu’il était sérieux. Les bras de Terminacop se changèrent en canons de
mitrailleuses, et la seconde qui suivit, des détonations éclatèrent dans l’air.
Terminacop tira sans discontinuer pendant cinq bonnes minutes. Le mur était à
présent criblé de balles, et une odeur de poudre flottait dans l’air, portée
par des volutes d’une fumée bleutée qui tourbillonnait dans la pièce.
Kratos
était encore debout, des balles écrasées gisaient au sol sous lui, elles
avaient rebondi sur son corps robuste. Il regardait Terminacop en affichant un
air supérieur qui était accentué par le fait que Terminacop était en train de
haleter, fatigué par sa démonstration de puissance.
« Tu
vois Terminacop, ça, c’est ce qu’on appelle une échelle de puissance. Si tu
utilises tout ce que tu as contre moi et que ça ne me fait rien, ça signifie simplement
que tu es plus faible que moi. De mon côté, si je décide de te frapper à pleine
puissance, on te retrouvera éparpillé aux quatre coins du globe. Et donc, comme
de nous deux, je suis le plus fort, il est évident que tu dois te plier à ma
volonté. Alors, je te le demande une dernière fois, arrête de tuer des gens je
te prie, ce n’est pas bon pour notre image.
− Très…très bien Kratos…balbutia
Terminacop en tremblant.
− Oh et une dernière chose, il est
évident que tu ne seras jamais assez stupide pour t’en prendre à la Ligue des
Inutiles directement, je me trompe ? Je n’aimerais pas devoir expliquer
pourquoi il y aurait des liens entre la Conjuration des Etoiles et la
destruction de la Ligue…
− Je…je m’en tiens au plan
Kratos…Sarramauca est là pour ça… »
Kratos
hocha la tête, satisfait d’avoir maté Terminacop et s’envola, laissant
l’homme-flingue seul dans son repaire dévasté par ses propres balles. Celui-ci
tremblait de peur, de rage et d’impuissance…
Sarramauca
profita de la nuit pour sortir de ses catacombes. La lune était pleine, elle
avala une bonne goulée d’air frais. L’automne s’était installé, mais la nuit
était encore agréable, avec juste cette pointe de fraîcheur qui l’adoucissait.
Elle se rendit compte que depuis qu’elle était sortie de prison, elle n’avait
pas énormément profité de sa liberté. Elle s’était elle-même enfermée dans les
catacombes, par crainte de Kratos pensait-elle pendant un moment, mais ce
n’était pas le cas. Peut-être n’était-elle plus adaptée à une vie libre ?
Son pas lent et cérémonieux faisait froisser les feuilles mortes qui crissaient
sous ses pieds. Elle en ramassa une, elle était rouge vif. Ses yeux habitués à
l’obscurité furent frappés par la couleur chaude de la feuille qui lui semblait
luire, malgré la nuit. Elle resta un moment en pleine contemplation devant la
feuille, puis reprit ses esprits lorsqu’elle entendit des pas qui se
rapprochaient d’elle.
C’était
un couple qui se baladait dans la fraîcheur de la nuit parisienne. Ils étaient
bras-dessus bras-dessous et chahutaient gaiement. Cachée au coin de la rue,
Sarramauca les observait. Elle les enviait un peu au fond. Ils vivaient
normalement, ils pouvaient voir des gens, ils inspiraient la sympathie, là où
elle inspirait la crainte…mais alors qu’elle ressassait ses pensées qui
l’avaient toujours accompagnée aussi loin qu’elle se souvienne, elle se rendit
compte qu’elle avait faim.
Elle
avait grignoté des miettes de peur auprès des rats, mais là, elle aurait droit
de dévorer une peur panique. A ce besoin impérieux s’ajouta une jalousie
qu’elle s’était mise à développer vis-à-vis du couple. Elle les suivit un
moment, avec la furtivité d’une ombre. Finalement, une fois proche d’eux, elle
émit un petit fredonnement. La femme se blottit contre l’homme, peu rassurée, celui-ci
regarda un moment autour de lui puis tenta une plaisanterie pour rassurer sa
compagne et chasser les spectres de l’inquiétude de son esprit. Sarramauca le
savait, ils allaient à présent être victimes des hallucinations que sa voix
avait provoquées. Bien vite, l’homme tomba au sol, sur les fesses et hurla de
terreur. La femme se recroquevilla au sol, les mains sur la tête, comme si elle
voulait se protéger contre un ennemi prêt à la tourmenter.
Quand
les gens ont peur, Sarramauca à l’impression de voir des sortes de dragées
intangibles qui flottent autour d’eux. Peut-être est-ce une hallucination,
peut-être les rêve-t-elle, mais ces dragées n’apparaissent que lorsque les
créatures sont effrayées. Quand elle était petite, elle avait essayé d’en
engloutir une, et elle s’était imaginé que c’était réellement un bonbon.
C’était probablement le meilleur bonbon qu’elle avait jamais mangé. Il faut
dire que quand on est une petite fille aussi effrayante, rejetée par ses
propres parents qui l’élevaient « parce qu’il faut bien que quelqu’un s’en
charge », on n’a pas souvent l’occasion d’avoir des bonbons.
Papa et
maman l’enfermaient à la maison, et elle n’avait pas le droit d’en sortir.
Alors elle se mettait à la fenêtre et regardait les enfants jouer dans le parc
en face. Elle n’avait pas le droit d’aller à l’école et n’avait pas le moindre
ami. Papa et maman n’allaient pas vraiment la voir, ils la laissaient dans sa
chambre, et la priaient de n’en sortir que si c’était urgent. Elle les voyait
de temps en temps, quand maman la nourrissait. Elle avait l’habitude alors de
caresser ses cheveux de jais et de lui dire « J’aimerais t’aimer autant
que tu le mérites. » Une fois cependant, sa mère, après avoir frôlé ses
cheveux lui tendit un tout petit bonbon. Elle en aurait presque pleuré de joie.
Elle avait pris tout son temps pour déguster la petite friandise au caramel.
Elle était consciente qu’il serait rare qu’elle puisse en savourer. Pas de
bonbons, pas de cadeaux pour la petite fille qui faisait peur
Au
début, elle pensait que son visage était effrayant, alors elle avait laissé
pousser ses cheveux pour le cacher. Mais elle continuait de susciter
l’inquiétude chez ses parents qui avaient du mal à la regarder avec amour. Un
jour, un médecin est venu lui rendre visite et lui avait dit qu’elle avait
développé un superpouvoir. « Lequel ? » demanda-t-elle. Le
médecin s’était figé, et son visage s’était décomposé. Il s’était mis à hurler,
à devenir hystérique, à supplier…c’est alors qu’elle vit ces étranges dragées
lumineuses sortir de lui et voler dans la pièce. Ses parents étaient arrivés en
trombe dans sa chambre, au moment où elle tendait la main pour attraper un
bonbon. Son père l’avait écartée violemment, du médecin, elle était tombée au
sol. Jamais jusqu’alors elle ne lui avait vu un tel regard, il était
véritablement effrayé. Elle n’avait pu prendre qu’un seul de ces bonbons
magiques, mais déjà, elle se sentait ensorcelée par sa saveur.
Les années qui suivirent la
transformèrent en une adolescente morne. Elle ne parvenait pas à comprendre
pourquoi elle faisait si peur. Peut-être était-ce parce qu’elle ne souriait
jamais ? Alors, elle se força à sourire chaque jour, chaque minute chaque
seconde…mais c’était épuisant. Il fallait que son sourire soit constant…elle
fit des recherches sur internet et eut une idée. Un soir, elle se fractura le
rocher, os temporal, dans le but de provoquer chez elle une paralysie faciale.
Elle l’avait son sourire constant. Mais cela n’eut pas l’effet escompté. Ses
parents avaient toujours peur d’elle.
Quand elle a eu dix-huit ans, elle
passa quatre jours sans avoir de nouvelles d’eux. Alors, la fille obéissante
qu’elle avait toujours été transgressa un ordre sacré de la famille : elle
sortit de sa chambre. Elle les appela, mais ni son père, ni sa mère ne lui
répondirent. Elle trouva sur une table une lettre. C’était l’écriture de papa.
« Sarah, tu es notre fille, mais c’était dur pour nous. C’était bien trop
dur. Ta mère et moi n’avons plus la force de vivre à tes côtés, et tu es assez
grande. La maison est à toi, tu es maîtresse de ton destin. Au moment où tu
liras ces lignes, nous serons partis, nous aurons refait nos vies ailleurs. Ne
nous en veux pas, ne nous recherche pas. Nous aurions aimé pouvoir t’aimer
autant que tu le mérites. »
Ils
avaient disparu, ils l’avaient abandonné, ne lui laissant qu’une maison vide.
Elle ne savait pas comment réagir. La colère était un concept qui lui était
étranger. Mais quelque chose de maléfique s’était insinué en elle, elle s’en rendit
compte quand son premier contact humain, un facteur avait fait l’expérience
d’une peur absolue, son premier festin de terreur. Le postier avait fait une
crise cardiaque, il était mort de peur au sens propre, mais cela ne lui importait
que peu. La seule chose qu’elle regretta était de ne pas avoir pu manger plus
de ces bonbons de peur.
Elle se
délectait de la peur de ses deux victimes qui hurlaient, leurs cheveux se
ternissant, virant au blanc. Elle se fit une orgie de ces bonbons, et plus elle
les dévorait, plus la peur écrasait le couple, et plus la peur écrasait le
couple, plus les bonbons apparaissaient. Que ces bonbons fussent réels ou non
n’avait pas la moindre importance. Elle était heureuse de pouvoir les savourer.
Ils volaient dans les airs, autour d’elle, comme des étoiles lumineuses qu’elle
pouvait attraper. Puis la source se tarit. Elle regarda au sol le couple qui
avait cessé de hurler. Ils étaient recroquevillés au sol, leurs visages
rigides, les yeux vitreux regardant on ne savait quoi. Sarramauca remarqua que
malgré le funeste destin du jeune couple, ils se tenaient la main. Elle les
regarda longuement, et l’euphorie de son festin disparut. A présent, elle se
sentait vide.
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