Ondine
était partie se promener dans le village, et était rentrée à la nuit tombée.
Elle s’était mise à réfléchir, à repenser à sa vie, à son quotidien de
violences. Elle avait repensé à ses victimes, elle avait repensé à ses
pouvoirs…Elle avait malaxé dans son esprit tous ses souvenirs afin de savoir
qui elle était. Pourquoi restait-elle avec la vieille Brigitte ? Elle se
demanda si elle ne cherchait pas à tout reprendre de zéro. Mais c’était
ridicule. Elle se foutait bien de cette vieille. Tout ce qu’elle voulait,
c’était se planquer, laisser l’eau couler sus les ponts avant de revenir sur le
devant de la scène, le moment opportun. Elle se disait d’ailleurs, qu’elle se
vengerait bien de Raijin. Après sa promenade, elle pénétra dans la maison de la
vieille dame qui l’hébergeait, et fut surprise. Quelque chose n’allait pas…
On
entendait des bruits de frottement, pourtant, Brigitte dormait à cette
heure-ci, habituellement. Ondine marcha à pas de loup vers la chambre de son
hôte. Elle passa par la cuisine, ramassa une bouteille d’eau et en ôta le
couvercle, puis elle grimpa les escaliers qui menaient à l’étage, le plus
silencieusement possible. La porte de la chambre de Brigitte était ouverte,
mais la lumière était éteinte. Parfois, des flashes de lumière venaient
déchirer le voile de l’obscurité. Ondine se plaqua contre le mur et jeta un œil
dans la pièce à travers le cadre de la porte.
Brigitte
était ligotée à une chaise, et deux types, lampe torche coincée dans la bouche,
remplissaient un sac de tout ce qui paraissait avoir de la valeur. Brigitte
semblait ne pas être blessée, mais choquée, elle gardait le silence. L’un des
cambrioleurs dit à son comparse :
« Il n’est pas un peu à la bourre
Gabe ?
− Si tu n’as rien de mieux à dire que
le nom de tes complices, autant fermer ta gueule, tu ne crois pas ? »
le rabroua le second. Ondine se mit à tressaillir, elle ne l’avait pas croisé,
mais il y avait bien un troisième individu dans la maison. Si elle voulait
chasser les cambrioleurs, il faudrait qu’elle fasse attention à ses arrières.
Elle se dit qu’il serait mieux d’aller chercher ce Gabe et de le mettre hors
d’état de nuire avant de s’occuper des deux autres, mais quelque chose dans la
vision de la pauvre vieille Brigitte, toute menue, attachée à la chaise,
ébranla le cœur d’Ondine. Elle voulait la sortir de là et la rassurer le plus
vite possible. Ondine avait beau se dire que ce n’était pas logique ni prudent,
c’était ainsi, et avant qu’elle n’en eût pris conscience, elle avait déjà fait
quelques pas dans la chambre.
« Alors
les petites frappes, on s’amuse à cambrioler et saucissonner les personnes
âgées ? claironna-t-elle.
− T’es qui toi ? Tu veux jouer les
héroïnes petites ? répondit l’un des malfrats.
− Moi une héroïne ? Ne m’insulte
pas mon pote ! rétorqua-t-elle après un rire diabolique. Puis usant de son
pouvoir, elle fit sortir l’eau de la bouteille qui lévita, dans une forme
sphérique translucide devant elle.
− C’est un de ces monstres !
− Et alors ? Elle fait voler de
l’eau, je risque quoi ? Elle va m’arroser ? Me faire un shampooing
après ? »
Pour
toute réponse, Ondine tendit la main, et comme une balle, la sphère aqueuse
vola à toute vitesse vers le visage cagoulé du cambrioleur. Lorsque le contact
se fit, l’eau claqua violemment et le malfrat tomba en arrière. « Je peux
augmenter la pression de l’eau que je manipule, vous savez ? ». Elle
tourna ensuite son regard vers le deuxième larron et lui confectionna un casque
intégral constitué d’un litre et demi d’eau. Le voyou commençait à suffoquer.
« Si je le voulais, je pourrais t’écraser le crâne, cette eau deviendrait
toute rouge…ça te tente ? » Ondine usa de son pouvoir pour augmenter
la pression de l’eau, elle était déterminée à mettre sa menace à exécution.
Mais son regard se porta sur Brigitte. Celle-ci se débattait, ses yeux étaient
suppliants. Ondine se détourna de la vieille et regardait le voyou se débattre.
Elle ne pouvait pas le faire. Elle ne voulait pas que Brigitte la voie faire ce
qu’elle avait prévu de faire. « Saleté de vieille, tu me ramollis »
lança soudain Ondine en relâchant la pression et libérant le cambrioleur de sa
prison, éloignant de lui le risque de noyade. Le voleur tomba au sol respirant
bruyamment, tentant d’avaler des goulées entières d’oxygène. Ondine fit un pas
vers Brigitte pour la détacher, mais elle entendit un bruit de pas derrière
elle. Elle l’avait oublié, le troisième cambrioleur.
Un choc
bruyant résonna derrière sa tête. Elle avait été prise par surprise, le coup
avait été étourdissant. Elle tomba à genoux d’abord, puis après avoir lancé un
dernier regard à Brigitte, tout devint noir.
Kratos
éclata de rire, le rouge monta aux joues de Fiona. Il riait depuis un long
moment quand Fiona poussa un soupir d’exaspération.
« Joël
s’il te plaît, un peu de sérieux !
− Non mais Fiona, sérieusement, tu
viens de me raconter que tu crois être sortie avec Crotte-de-nez-man là ?
− Je n’en suis pas sûre, mais il est
possible qu’Atchoum-man soit Greg mon ex du lycée !
− Tu as vraiment le chic pour te
choisir de ces mecs ! Tu te rappelles le gars tout nu avec une cape qui
pouvait voler avec son…avec sa…ha ha ha ! Peut-être qu’il va rejoindre la
Ligue des Inutiles lui aussi !
− Le gars tout nu, comme tu dis, je
peux te dire que je lui ai trouvé une utilité, lança Fiona comme une bravade.
Elle prit une profonde inspiration : Joël je te dis que je pense connaître
l’identité d’Atchoum-man. Je pensais que ça pourrait t’intéresser, mais
visiblement, je me trompais…
− Non, bien sûr que ça m’intéresse,
excuse-moi ! Mais tu en est sûre à cent pour cent ?
− Pas à cent pour cent, mais je crois
qu’Atchoum-man a pour nom civil Grégory Gorman.
− On pourrait lui soutirer des
informations sur la Ligue si c’est bien lui. Mais faudrait y aller feutré,
déclara Kratos qui était calmé à présent et avait repris son sérieux. Hé,
puisque vous sortiez ensemble, tu pourrais regagner sa confiance ?
− Non, c’est une mauvaise idée…hésita
Cassandre peu à l’aise.
− Je ne trouve pas. Ce n’est pas moi
qui vais réussir à lui tirer les vers du nez. Si je le pouvais, je m’occuperais
de ses deux copines, mais vu qu’on n’a pas la moindre information sur eux…
− Je ne suis pas très chaude pour ça
Joël, geignit Fiona.
− Fiona, la Conjuration des Etoiles
s’est affaiblie. Anima nous a trahis et lâchés, Pikachu a vraiment envie de
m’éliminer et les autres membres de la Conjuration doutent de moi. Combien de
temps avant que Dragon ne suive l’exemple de sa copine ? Gravitas n’a
jamais pu me blairer, quand crois-tu qu’elle me laissera tomber ?
Fiona…non Cassandre, tu es la seule personne en qui j’ai confiance dans ce
monde. Aide-moi à régler le problème de la Ligue des Inutiles, que tout
redevienne comme avant.
− Très bien…d’accord Joël…Je vais faire
ça pour toi. » répondit Cassandre d’une voix éteinte. Kratos la regarda
avec un sourire satisfait et chaleureux, puis déposa sur les boucles blondes de
Cassandre un doux baiser.
Raijin
avait un nouveau costume, plus renforcé, plus lourd. Il était dans un gymnase
vide et frappait dans un sac. Anima l’avait rejoint et apporta une bouteille
d’eau. Elle se posa dans un coin et regarda l’homme cogner le sac de frappe.
Elle ne savait que penser de lui. Elle l’admirait pour son héroïsme, mais il ne
semblait toujours pas lui accorder sa confiance. Il n’avait jamais voulu lui
donner sa véritable identité et elle ne l’avait jamais vu sans son costume.
Cela faisait deux mois maintenant que Raptor avait été mis hors d’état de
nuire, et depuis ce jour, Raijin n’avait cessé de s’entraîner.
« Tu
as changé ton costume, des plaques ? Entraînement physique, puis tu
t’es beaucoup penché sur l’endurance de tes pouvoirs…tu prépares une
guerre ?
− Oui. Kratos est trop dangereux, je
vais le neutraliser.
− Tu es complètement fou ? Non
seulement Kratos est trop puissant, mais en plus c’est un Super-héros reconnu.
Tu seras haï de tous si tu arrives à lui faire du mal, par miracle.
− Je me fous qu’on m’aime ou non.
− Deux Super-héros ne peuvent pas se
foutre sur la gueule ! Pense au modèle que tu représentes, Raijin !
On en a déjà discuté, tu ne peux pas juste dévoiler les plans de Kratos comme
ça !
− Je sais.
− Alors pour quelle raison vas-tu
combattre Kratos, qu’est-ce que tu répondras quand on te posera la
question ? Aux yeux du monde, Kratos n’a jamais rien fait de mal ! Et
les yeux du monde sont importants pour nous autres super-héros, quoi que tu en
dises.
− Dans ce cas…je n’ai qu’à devenir un
Super-vilain, déclara Raijin d’une voix sombre.
− Raijin ! s’exclama Anima
choquée.
− Rassure-toi, je n’ai pas l’intention
de me lancer dans le crime. J’ai juste besoin d’un prétexte pour me battre
contre Kratos.
− Le monde va te haïr !
− Je suis prêt à porter toute la haine
du monde sur mes épaules, répondit avec détermination Raijin.
− Tu…Anima en fut sans voix. Tu
es...Raijin, s’il ne devait y avoir qu’un seul Super-Héros dans le monde, je
crois que ce serait toi.
− Hein ? Arrête de dire n’importe
quoi ! » s’écria Raijin embarrassé.
Il était sûr de lui. Il devait
endosser le rôle du méchant s’il voulait arrêter Kratos et ses plans
machiavéliques. Il n’était plus uniquement question de protéger la Ligue des
Inutiles contre un ennemi retors, mais aussi d’apprendre à Kratos que lui aussi
devait rendre des comptes. Mais même avec toute sa détermination, Raijin savait
qu’il ne pourrait sciemment commettre des crimes ou utiliser ses pouvoirs pour
faire le mal. Mais s’il s’entourait de criminels notoires, en revanche…plus que
jamais, Raijin devait retrouver Ondine…
Gaëlle était allongée sur la planche
prête à passer au scanner. Elle retint son souffle quand le médecin lui demanda
de rester immobile. Ses migraines avaient été de plus en plus fréquentes et
terribles. Elle n’avait voulu en parler à aucun de ses comparses, et avait
tenté de faire bonne figure. Mais maintenant, elle avait peur de savoir, elle
avait peur des résultats, elle s’attendait au pire. Les quinze minutes passées
dans la machine lui parurent durer une éternité, et elle fut heureuse que la
séance se termine.
« Docteur
quand pourrais-je avoir mes résultats ? demanda-t-elle.
− D’ici quelques jours. Le médecin
prescripteur vous les communiquera. Mais je peux me livrer si vous le voulez à
quelques commentaires. Notez cependant que le mieux c’est d’en avoir la
confirmation par le médecin après un examen plus approfondi.
− Très bien. Je veux bien que vous me
disiez ce que vous voyez.
− Je n’ai rien remarqué de profondément
anormal. Je n’ai pas trouvé de tumeur cancéreuse, débuta le médecin, provoquant
chez Gaëlle un soupir de soulagement. Cependant, il est évident que vous soyez
une « super ».
− J’ai en effet développé des pouvoirs.
− On parle souvent, par abus de langage
du terme « gène super-héroïque » quand on veut évoquer le
développement de fonctions suprahumaines. La vérité, c’est que les gens comme
vous, et tous les « super » ont ce qu’on pourrait appeler une
malformation cérébrale (bien que le terme ne me paraisse pas approprié).
− Donc si je résume bien, ceux qui ont
des super pouvoirs ont en fait un genre de maladie du cerveau ?
− Je ne dirais pas une maladie, c’est
plus une évolution. Beaucoup de théoriciens pensent que vous représentez le
futur de l’humanité. Le développement de pouvoirs se fait de façon
exponentielle, on suppose que d’ici cinq générations, l’ensemble de l’humanité
possèdera des pouvoirs. Ceux-ci deviendront banals. » le médecin réajusta
ses lunettes et toussota comme s’il se préparait à un exposé.
« Voyez-vous,
c’est au stade fœtal que le cerveau développe cette fameuse
« malformation ». Ce qu’on ignore, c’est pourquoi le cerveau décide
d’avoir tel ou tel pouvoir. Le pouvoir développé reste dormant jusqu’à, en
moyenne l’âge de onze ans pour les filles, et treize ans pour les garçons.
Quant à la malformation, elle est dépistée à huit ans. Les enfants qui présentent
le « gène super » sont des enfants souvent turbulents qui se
plaignent de maux de tête fréquents, dus probablement à la difficulté
qu’éprouve le cerveau à intégrer des fonctions qui ne sont pas dans le code
proprement génétique du sujet.
− On peut dire que vous savez tuer la
magie, docteur. Mais une minute, vous dites que les enfants développant ces
pouvoirs ont des migraines ? Mais je n’en ai pas le souvenir !
− Votre pouvoir, vous aviez quel âge
quand il s’est manifesté ? »
Gaëlle
fronça les sourcils, tentant de fouiller dans sa mémoire. Elle se souvint la
première fois que ses yeux ont produit de la lumière. Elle était en train de
réviser…son bac…la conclusion lui sauta à l’esprit aussitôt.
« Docteur,
mon pouvoir s’est manifesté quand j’avais dix-huit ans !
− Ce n’est pas un cas si rare, même
s’il n’est pas le plus représentatif. Si je devais tenter une observation un
peu hasardeuse, je dirais que votre pouvoir n’a pas fini de se développer.
− Pas fini de se développer ?
− Il va probablement changer. Je ne
sais pas quelle est votre compétence particulière, mais elle va devenir bien
plus puissante. Si les maux de tête sont aussi fréquents, c’est que le cerveau
est en train d’habituer votre corps à ce qu’il sera capable de faire. C’est un
peu comme si vous deviez faire agrandir votre maison pour avoir une véranda,
vous seriez obligée d’abattre des cloisons. » Gaëlle n’écoutait plus
vraiment. Elle allait changer, elle ne pouvait pas penser à autre chose. Son
pouvoir allait changer, et elle allait devenir plus puissante…
Ondine
se réveilla, l’esprit embrumé. Elle avait l’impression qu’un marteau-piqueur
tentait de lui vriller le crâne. Elle se leva, et considéra que les
cambrioleurs avaient disparus. La chambre de Brigitte avait été bazardée, et la
pauvre vieille dame n’avait pas bougé, elle restait attachée à sa chaise.
Ondine avança vers elle et la détacha, puis lui retira son bâillon. La vieille
dame la regarda un moment, avec des yeux écarquillés. Ondine, poussa un soupir.
« Je
sais ce que vous devez vous dire. Ce n’est pas Delphine, pas cette femme que
j’ai trouvé au bord de l’eau. C’est un monstre, débuta Ondine.
− Delphine, tu…finit par articuler
Brigitte.
− Ne vous en faites pas, je vais mettre
les voiles.
− Tu es Ondine ! Je le sais depuis
le début, idiote ! s’exclama Brigitte en se levant alors qu’Ondine se
préparait à s’en aller.
− Alors vous savez de quoi je suis
capable ? lui rétorqua la Super-criminelle.
− Maintenant oui. Je sais que tu n’es
pas le démon que les gens veulent croire. Tu aurais pu les tuer, ces
cambrioleurs, mais tu ne l’as pas fait !
− J’étais à deux doigts…rétorqua
Ondine.
− Et j’étais tant de fois à ta merci,
mais là encore tu ne m’as fait aucun mal ! »
Ondine
ne répondit rien. Pourquoi aurait-elle fait du mal à cette vieille dame qui
l’avait sauvé et hébergée après tout ? Ce n’était pas comme si Ondine
aurait pu en retirer quoi que ce soit. Delphine Perrel haussa les épaules et
tourna le dos à la vieille dame. Elle serait partie sans un mot si cette
dernière n’avait pas ajouté : « Tu m’as sauvée de ces voyous, alors
que tu pouvais t’en aller ! » Ondine se figea. C’est vrai…elle avait
tenté de sauver cette dame. Pourquoi ? Pourquoi une fille qui était allée
jusqu’à ébouillanter ses propres parents s’était-elle inquiétée du sort d’une
vieille peau ?
« Tu
es libre bien sûr de faire ce que tu veux, Ondine. Ton bikini…enfin ta tenue de
combat et ton masque sont toujours là, je les ai gardés. Mais sache que tu es
la bienvenue si tu veux rester ici avec moi.
− Je…je veux bien rester encore un
peu…oui ! » répondit Ondine. Elle se retourna vers Brigitte, et de part et
d’autre du sourire de la jeune femme aux cheveux bleus coulaient des larmes.
Ondine avait l’impression que la vieille dame la comprenait, et l’acceptait. Et
ce fut comme si toute rage en elle, toute cette colère qu’elle avait toujours
senti brûler en elle avait disparu.
Son pas
frottait la pierre des catacombes. Les rats avaient appris à la fuir.
Sarramauca. Elle fredonnait d’une voix douce, mais solitaire. Elle était sortie
de prison, mais elle s’était enfermée dans ces sous-sols nauséabonds. Pourtant
cela lui convenait. Elle était tranquille et profitait de la douceur de la
solitude. Mais une silhouette se découpa dans la pénombre. Une silhouette
qu’elle ne connaissait que trop bien. Kratos surgit du manteau des ténèbres qui
recouvrait les lieux. Elle se tint immobile, comme si cela suffisait à la
rendre invisible.
« Sarramauca,
ma biche. Je ne t’ai pas revu depuis qu’on a fait ton baptême de l’air. »
résonna la voix du Super héros. Celui-ci se propulsa vers elle, et portant la
main à son cou, il la plaqua contre le mur de chaux. Le regard de Kratos
luisait comme celui d’un bête féroce tapie dans l’ombre, à l’affut de sa proie.
« Je
ne t’ai pas libérée de ton trou pour que tu ailles te promener dans un autre,
je t’ai viré de ta taule pour que tu butes la Ligue des Inutiles. Alors dis-moi
ma grande ? Pourquoi tu ne veux pas m’écouter ?
−… elle avait du mal à respirer.
− Je ne t’entends pas, beauté ! Tu
devrais parler plus fort !
− … sa voix ne parvenait pas à sortir
de son gosier, la poigne de Kratos était trop forte.
− Regarde-moi dans les yeux quand je te
parle ! gronda Kratos en avançant sa main gauche pour écarter les pans de
la chevelure de Sarramauca qui dissimulait son visage.
− AAAAAAAAARGH ! K R A T O S J E T
E H A I S ! » hurla-t-elle finalement, folle de rage. Sa voix était
indescriptible. Comme un murmure hurlé, un cri de rage strangulé, un son
effroyable qui sortait de son rictus terrifiant. Kratos fut surpris, ce qui
permit à Sarramauca de s’extraire de la poigne de fer du héros.
« Je
te hais tellement…t e l l e m e n t ! Mais tu as entendu ma voix…tu es en
mon pouvoir maintenant ! K r a t o s ! » elle souriait à
présent, et sa voix était glacée, ses paroles traînantes semblaient vouloir
fuir de ses lèvres retroussées. Kratos recula d’un pas. Il savait comment
fonctionnait le pouvoir de Sarramauca. Une fois qu’on avait entendu sa voix, on
était tombé dans son piège hypnotique. Les plus terribles des peurs de Kratos
allaient à présent fondre sur lui.
Sarramauca
se délecta du spectacle. Elle vit Kratos tomber en arrière. Il lançait des
regards effrayés partout et haletait. Il murmurait des suppliques. Elle
s’approcha de lui, elle allait goûter à la saveur de la peur d’un être aussi
extraordinaire. C’était son jour de chance. Elle l’approcha avec légèreté.
« Non !
Non ! Pitié ! Haaaaaaaa ! s’écria Kratos dans une panique qui
lui était inhabituelle.
− Tu vas p a y e r …
susurra-t-elle.
− Haaaaaaa…ha ha ha ha ! »
quand il s’était mis à rire, elle s’immobilisa. Kratos la regarda en riant à
gorge déployée, tout en la pointant du doigt. Puis, une fois que son fou-rire
se fut calmé, il colla une baffe à Sarramauca qui l’envoya au sol. Puis, il
l’attrapa par les cheveux et mit son visage à proximité du sien. « Comme
si ton pouvoir de merde allait fonctionner sur moi ! Je suis Dieu parmi
les hommes, connasse ! Tu crois vraiment que je peux avoir peur de quoi
que ce soit ? Maintenant écoutes-moi bien, si tu es libre, c’est grâce à
moi, si tu continues à respirer c’est grâce à moi ! Tu piges ? Alors
fais ton putain de boulot ! Va me tuer la Ligue des Inutiles si tu ne veux
pas que je m’occupe de toi sérieusement… » ayant dit ces mots, il la jeta au
sol et repartit aussitôt, la laissant au sol, parmi les déjections de rats et
l’eau croupie.
Sarramauca
resta là un moment, puis son corps se souleva de spasmes. Elle frappa du poing
le sol, puis elle ouvrit grand sa bouche. Un hurlement inhumain en sortit et
résonna dans les couloirs sombres des catacombes…
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