Gilles
ne se sentait pas au top de sa forme, là. Il avait été totalement inutile lors
de l’affrontement alors que Greg avait fait la différence. Il avait su prendre
le combat en main, et sauver tout le monde tout en étant cool. Par ailleurs, il
avait flairé que quelque chose n’allait pas avec Arcimboldo et était prêt à en
découdre avec son agresseur présumé. De toutes évidence, Greg s’avérait bien
meilleur que lui, en tant que Super-héros. Les mains dans les poches de son
jean usé, il déambulait dans les rues de la ville, cheminant nonchalamment en
direction de l’immeuble de Michael Perséphone. Il regarda un moment la façade,
et poussa un petit soupir. Il se dit qu’il pourrait compter sur la bonhommie
naturelle de Michael pour lui prêter une oreille attentive.
Les
membres de la Ligue des Inutiles étaient en rang devant Mike qui les avait
conviés dans son logement. Il passait en revue ses camarades en les toisant
d’un œil sévère. Ceux-ci, qui étaient encore costumés, préféraient garder le
silence. Tant pis pour la bonhommie et l’oreille attentive se disait Tear. Lui
et les autres savaient que Michael était très en colère, et se doutaient bien
qu’ils étaient allés trop loin. Tout d’abord, Mike ne voulait pas les voir
affronter un super. Il ne les considérait pas prêts pour cela, et le combat
contre Ondine le confirmait. Ensuite, il ne voulait pas qu’ils aillent se
pavaner devant les médias, car une fois passés dans le domaine public, ils seraient
à nu sous l’œil de chacun. Enfin, Greg avait utilisé CES médias là pour
provoquer un super-criminel notoire. Mike savait que les paroles d’Atchoum-man
n’étaient pas tombées dans l’oreille d’un sourd, et que Raptor, où qu’il se
soit terré, avait été à l’écoute. Il avait l’impression de parler avec des
cadavres en sursis.
Raptor
regardait en boucle la vidéo mettant en scène Atchoum-man qui le menaçait.
Ainsi donc c’était le nom du minable aux fruits…Arcimboldo. De toute évidence,
cet Atchoum-man là, en dépit de son nom ridicule, ne manquait pas de
perspicacité, s’il avait pu déterminer qu’il avait rencontré Arcimboldo. Ce
n’était pas tout, ce regard…Atchoum-man avait le regard suffisant du
Super-héros sûr de lui, certain de vaincre. Ce regard était de plus en plus
appétissant. Plus il le regardait, plus il le voulait…
La
conjuration des Etoiles était réunie. Autour de la salle de réunion se tenaient
presque tous les super-héros, à l’exception d’Anima. Kratos s’enquit de la
raison de l’absence de leur camarade, et haussa les épaules quand Dragon lui
annonça qu’elle ne se sentait pas bien et avait besoin d’un peu de repos. Sur
l’écran, la vidéo d’Atchoum-man tournait en boucle, et Terminacop, sous son
casque, la regardait d’un air extraordinairement mauvais. Il haïssait bien plus
Atchoum-man que Kratos, probablement. Kratos savait à peine qui était
Atchoum-man, se disait-il, il n’avait jamais interagi avec lui, alors que de
son coté, Terminacop avait pu échanger des mots avec ce super-zéro qui lui avait
si mal parlé.
« Alors
vous en pensez quoi ? demanda un Kratos triomphal.
− J’en pense qu’il sous-entend qu’on
est des branquignoles, répliqua Gravitas d’une voix acerbe.
− C’est un sale con qui se croit
supérieur au reste du monde, siffla Terminacop.
− On s’en fout de ce qu’il dit ou de ce
qu’il pense. La donnée la plus importante, c’est que Raptor en a bouffé un. Ce
ne sera qu’une question de temps avant qu’il ne bute tous les autres, ensuite,
notre plan aboutira enfin.
− Tu ne vas pas un peu vite en besogne,
Kratos ? Selon les témoignages, cet Atchoum-man, là, aurait démoli Pierre.
Et s’il démolissait Raptor aussi ? Et si c’était un sérieux client ?
demanda Dragon.
− C’est légitime de se poser la
question. Plus ils agissent, plus les Inutiles de la Ligue prennent de la
bouteille. Ils deviennent de plus en plus aguerris. D’après mes contacts dans
la police, ils se débrouillent très bien au combat, de toute évidence, ils sont
entraînés, déclara Terminacop du bout des lèvres.
− Quoi, t’as peur d’eux, Terminacop ?
Tu as peur qu’ils viennent te démolir le portrait ? Le gars qui s’appelle
Atchoum-man ? le railla Kratos.
− Ta gueule Kratos ! Je n’ai pas
peur de ces minables ! Et si j’en avais l’occasion, je leur collerais
moi-même une balle entre leurs yeux bovins, hurla Terminacop.
− Et bien, il y en a au moins un qui a
le sang chaud. Et dire que je pensais que ce serait Kratos le plus extrémiste
du groupe…soupira Gravitas.
− C’est super toute cette motivation,
mais j’ai des trucs à faire pour la journée. Mes directives : on continue
d’observer de loin, et on se tient au courant en fonction des
événements. » trancha Kratos en se levant. Il se dirigea vers la fenêtre,
prêt à prendre son envol sous le regard des autres héros, mais avant de partir,
il se retourna vers ses compagnons. « Oh et Dragon, garde un œil sur
Anima. Tu sais, je m’inquiète pour elle. On dit qu’elle a été très secouée par
les récents événements. Elle pourrait faire n’importe quoi, et s’attirer de
graves ennuis… » Kratos s’envola sur ces paroles.
Habituellement,
ces mots de Kratos auraient été interprétés par Dragon comme la marque d’une
réelle inquiétude. Kratos était quand même LE Super-héros par excellence. Mais
dans le contexte actuel, mêlant complots meurtriers et intérêts personnels mis
au premier rang des priorités, les paroles de Kratos avaient aux oreilles de
Dragon, la mélodie inquiétante de la menace à peine voilée.
S’étant
faits copieusement engueuler par Mike, tandis que Pascal tentait tant bien que
mal de calmer son ami, les Inutiles, qui avaient gardé le silence tout au long
du passage de savon magistral, ne pouvaient s’empêcher de se poser des
questions, et de s’inquiéter du sort de Cédric. Atchoum-man ne semblait pas
vouloir croire à sa mort, mais dans ce cas, où était-il ? Selon Greg, il y
avait une flaque de sang sur les lieux du crime, rien de plus. Rien n’indiquait
qu’il avait rampé, où avait couru, ou qu’on l’avait traîné. Ce qui semblait le
plus probable était que Raptor avait dévoré Arcimboldo sur place.
« Impossible !
– rugit
Greg –
il y aurait eu des os, ou un truc néfaste du genre, non ?
− Alors quoi, il s’est
volatilisé ? S’il était encore en vie, il nous aurait contacté, tu ne
crois pas ? répondit Gaëlle.
− Mike, cet oracle dont tu nous avais
parlé, elle pourrait nous aider à trouver Cédric ? demanda Mehdi.
− Faudra juste y mettre le prix,
expliqua Mike qui s’était calmé.
− C’est elle ? » demanda
Textil qui, sur son smartphone avait tapé sur un moteur de recherche les
mots-clés Cassandre et Oracle.
Toute
l’assistance se pencha sur son épaule. Le premier résultat était bien
évidemment la figure mythologique de la Guerre de Troie. Le second indiquait un
site internet officiel avec un slogan qui semblait issu du plus véreux des
marketeux « Cassandre, ses yeux tournés vers votre avenir ». En guise
de fond d’écran, des photos professionnelles montraient une très belle blonde
vêtue d’une toge haute-couture. Les photos étaient en noir et blanc, avec une
image aussi parfaite que la plastique de Cassandre, et la dépeignaient en train
de poser, le regard perdu dans le vague, ou allongée lascivement sur une pile
de journaux épars.
« Y
a pas à dire, elle est super jolie ! souffla Cuistot.
− Ce n’est pas un oracle, c’est un top
model, non ? ajouta Tear.
− Mais même moi, je ne serai partante
pour la… » débuta Claire.
De son
coté, Greg ouvrait de grands yeux. Il observa avec attention le visage dans ses
moindres détails. Le nez, les yeux…aucun doute possible. Gaëlle lui lança un
regard étonné.
« Qu’est-ce
qui se passe Greg ?
− Ce…c’est Fiona !
− Oui son identité n’est pas vraiment
un secret, elle s’appelle Fiona Lerner, déclara Mike.
− Non vous ne pigez pas ! C’est
Fiona, je suis sorti avec elle au lycée ! »
D’abord,
il y a eu un échange de regards incrédules, puis, on poussa des cris
d’étonnement. A l’exception de Cuistot qui poussait des cris d’admiration.
Ondine
s’était bien remise maintenant de son combat contre Raijin. Elle avait bien
failli finir grillée. Elle s’était laissée portée par le fleuve et s’était
cachée pour lécher ses blessures comme un animal sauvage. Elle avait été
recueillie par une vieille dame du nom de Brigitte qui vivait dans une commune
du Vexin Français, à quelques encablures de Paris. Brigitte était une femme
solitaire dont la famille avait été avalée soit par les ravages du temps pour
son tendre époux, soit par un terrible accident de voiture qui avait pris sa
fille et les enfants de celle-ci. C’est probablement la raison qui l’avait
poussée à recueillir et soigner une inconnue trouvée sur les berges de la
Seine, plutôt que de l’amener à l’hôpital. C’était ce que se disait Ondine, et
elle en fut soulagée, la Super-Criminelle ne doutait pas d’être fichée, et un
endroit public comme un hôpital, c’était le meilleur moyen de signaler sa
position. Elle avait donc décidé de rester avec la vieille dame et de garder un
profil bas.
Elle
avait dû se réhabituer à être Delphine Perrel, l’adolescente qu’elle avait été.
Elle remisa sa tenue de Super, un simple bikini bleu et un bandeau sur les
yeux, et le bleu de ses cheveux n’était plus la marque de son attachement à
l’élément aquatique, mais un simple accessoire de mode. Elle joua l’amnésique
et entreprit de se rendre aussi utile que possible à la vieille Brigitte.
Celle-ci paraissait très heureuse de la compagnie de Delphine, qui était à ses
yeux une femme charmante qui lui rappelait sa fille, Delphine se fichait bien
de cette vieille bique qu’elle allait sans la moindre hésitation lâcher dès que
les choses se seraient un peu tassées. Si elle, Delphine avait pu ébouillanter
le visage de ses propres parents avant de les quitter pour toujours, elle
n’aurait aucun scrupule à abandonner une vieille qui, de toutes les façons,
était habituée à la solitude.
« Ma
petite Delphine, je peux remercier le ciel de t’avoir amenée à moi, avait
l’habitude de lui dire Brigitte de sa petite voix chevrotante.
− C’est à moi de vous remercier de
m’avoir sauvée et recueillie » répondait alors Ondine sans y croire une
seule seconde.
Comment
retrouver la Ligue des Inutiles ? Raptor se disait qu’il était un peu dans
le vague. Il ne savait rien d’eux, et ne trouvait aucune information à leur
sujet. La seule façon de leur tomber sur le râble était de les
« croiser » au moment où ils empêchaient un crime d’être commis. Il
serait plus simple pour lui de commettre des horreurs et d’attendre que la
Ligue arrive pour l’arrêter, mais s’il faisait un pas de travers, il courait le
risque de voir Kratos débarquer pour lui éclater la face. Le Super-Héros avait
été très clair. Pas de victimes innocentes, hormis des SDF. Il devrait piéger
la Ligue des Inutiles, et pour cela, il avait une idée. Il poussa ce qui se
voulait être un sourire aux dents luisantes. Oui, cela pourrait marcher.
Cela
faisait une paie qu’il n’avait pas rendu visite à ses vieux copains du crime
organisé. Dissimulé sous un imperméable lourd et un chapeau, il marchait dans
la nuit de son pas chaloupé et faisait route vers le Jade bar, la boîte de
strip-tease tenue par Lionel Devreaux, figure notoire du grand banditisme
parisien qui blanchissait son argent sale dans certains bars et autres clubs
selects de la capitale. Raptor avait un temps travaillé pour lui et les deux
hommes avaient gardé de très bonnes relations. Quand Raptor fit son entrée (il
avait pour cela fichu une trouille bleue aux deux videurs), il fut bousculé par
une forme féminine qui sortait précipitamment du club. Il n’eut le temps de la
voir que de dos. Elle était vêtue d’une combinaison de motarde en cuir et
portait un casque intégral. Il eut un frisson, se rappelant de la rencontre
effrayante avec la mystérieuse femme de la ruelle. Puis il haussa les épaules
et entra dans le club.
Son
odorat surdéveloppé percevait des effluves entremêlées de musc, de sueur et de
ce parfum si délicieux que portaient les danseuses. Il déambulait en laissant
planer partout son regard dans la salle mal éclairée, et observait les formes
voluptueuses se déhancher au rythme entêtant et incompréhensible de l’immonde
euro dance que vomissaient les enceintes. Sur le podium, une superbe jeune femme
à la perruque rose ondulait contre la barre de pole dance, tout en pressant sa
généreuse poitrine de ses bras. Aux tables étaient assis des clients au regard
béat, sur certains, une jeune femme se tortillait langoureusement. Tout ce
spectacle de chair nue ouvrait dangereusement l’appétit de Raptor. Il ignora la
jolie jeune strip-teaseuse qui l’aborda dans un anglais approximatif fortement
marqué par un lourd accent d’Europe de l’est. Il savait où se trouvait le
bureau de Devreaux et il savait que ce soir-là, il serait présent dans le club.
Lionel
Devreaux était en pleine conversation avec ses employés quand Raptor pénétra
dans le bureau. Le parrain congédia d’un geste les deux loubards assis en face
de lui et la strip-teaseuse assise nonchalamment sur son bureau. Puis, il
tourna vers Raptor un visage souriant.
« Marcello,
mon pote, toujours aussi moche, une vraie gueule de porte-bonheur, lança le
mafieux tout en donnant au mutant une chaleureuse accolade.
− Tout se passe bien pour toi, Lionel,
je vois. Tes affaires sont florissantes.
− Qu’est-ce qui t’amène ici, mon
vieux ?
− Tu te doutes bien que si je viens te
voir, c’est que j’ai besoin de toi pour un service.
− Un service ? Tu sais très bien
qu’on ne se rend pas de services entre potes dans mon métier.
− Ce bureau sur lequel tu poses tes
fesses, c’est là que j’ai bouffé ton prédécesseur. Tu as eu ce bouge grâce à
moi, je me disais que tu aurais peut-être envie de me renvoyer l’ascenseur…
− Marcello, Marcellino, ne me la fais
pas mon poussin. C’était un boulot que je t’avais donné, répliqua Devreaux en
prenant un air contrit.
− Boulot pour lequel tu ne m’as pas
payé à cause de mon incarcération. Je ne te demande pas de fric, Lionel, je
veux juste que tu me prêtes quelques hommes, ceux qui ne te servent à rien.
Devreaux, c’est moi ton pote Marcello qui te le demande, ne m’oblige pas à te
demander un service entre potes en tant que Raptor. »
L’homme
et la bête se regardèrent un long moment. Une forte tension s’installa
tranquillement dans le bureau, alourdissant une atmosphère qu’on aurait faite
de plomb. Finalement, Lionel Devreaux éclata d’un rire franc, suivi de son
comparse. Les deux truands se mirent à rire comme les bons amis qu’ils étaient.
« Je ne peux rien te refuser, mon
beau. Y a les petits nouveaux qui ont bien besoin d’en découdre et d’apprendre
à la dure. Je te les laisse pour aussi longtemps que tu le voudras. Mais ce
n’est pas grand-chose, te fais pas trop d’idées.
− Merci Devreaux, avec ça, considère
qu’on est quitte mon pote.
− Et s’il te plaît, évite de les
bouffer. Pour l’instant, ces gars, c’est une belle brochette de branleurs, mais
j’espère en faire quelque chose.
− T’inquiète, je suis à la
diète… » se contenta de répondre Raptor avant de quitter son vieil ami.
Greg
avait sérieusement le trac. Il ne se rappelait pas avoir jamais été aussi
nerveux. Lui et les membres de la Ligue s’étaient retrouvés, habillés de leurs
costumes, devant l’immeuble de Cassandre. Atchoum-man fut soulagé que Pascal
leur ait conseillé de garder leurs identités secrètes. Gilles avait proposé de
se servir du passif de Greg et Cassandre pour profiter d’une remise sur
l’oracle dont ils avaient besoin, mais Pascal avait jugé plus prudent de ne
rien en faire. Greg était soulagé, car il ne se sentait pas très enthousiaste à
l’idée de revoir son ex. Lumen, de son coté, affichait une mine boudeuse et un
visage renfrogné.
L’immeuble
dans lequel officiait Cassandre était très luxueux, il y avait un portier et
une réception. On leur indiqua que Cassandre se trouvait au dernier étage. Une
fois montés au moyen d’un ascenseur bien plus spacieux que de nombreux
appartements de la Capitale (particulièrement celui de l’auteur, tiens) à
l’étage qu’ils voulaient, ils pénétrèrent dans le « bureau » de
Cassandre par une porte avec une sonnerie. La première chose qu’ils virent fut
une réception dans laquelle s’affairait une hôtesse au physique Eurasien, dont
les cheveux noirs étaient parsemés de mèches rouges, devant laquelle trônaient
quatre téléphones qui sonnaient à tour de rôle. L’hôtesse répondait rapidement,
parlant plusieurs langues différentes et semblait prendre des rendez-vous.
« Ce doit être une Super-Héroïne du nom de Working-girl je parie » se
dit Atchoum-man au moment où elle posa un regard sur eux.
« Vous
avez rendez-vous ? demanda-t-elle de la voix excitée d’une hyperactive
notoire.
− Et bien non, mais…débuta Textil.
− Revenez quand vous aurez pris
rendez-vous alors, trancha l’hôtesse de sa voix fluette.
− Vous ne comprenez pas, c’est très
urgent, on doit parler à Cassandre, insista Textil.
− Regardez la salle d’attente. »
déclara l’hôtesse en désignant de l’épaule la porte entrouverte qui jouxtait sa
réception.
Les
Inutiles y jetèrent un coup d’œil. Assis sur des fauteuils confortables, un
regroupement de Super-héros célèbres ou non, portant tous des costumes
babioles, attendait. Cuistot en reconnut quelques-uns, comme Frelon-man,
Punchetta, La Voix ou encore BFF (pour Botte-Fesses-Fiesta)
« Tous
ces Super-héros ont pris rendez-vous avec Cassandre pour les aider à combattre
le crime. Tous ces gens-là ont des raisons urgentes d’être là, et pourtant, ils
ont tous quand même pris rendez-vous. » reprit l’hôtesse. Lumen sentit le
rouge lui monter aux joues, et elle aurait bien voulu brûler les yeux de la
jeune femme avec ses lasers. Mais elle se retint de dire quoi que ce soit, et
elle constata que les autres Inutiles avaient préféré garder le silence,
peut-être avaient-ils jugé que le raisonnement de l’hôtesse, aussi énervante
fut-elle, tenait debout. Ils restèrent donc plantés là, sans trop savoir que
faire quand ils entendirent du bruit.
La porte
du bureau de Cassandre venait de s’ouvrir, et celle-ci en sortit, en tenant par
le bras un type très imposant, et très séduisant se dirent d’ailleurs Lumen et
Textil, vêtu en civil. Il paraissait être très aisé, et marchait avec
assurance. Greg se sentit étrangement très énervé en voyant l’homme qu’il
identifia automatiquement comme un sale frimeur. Il ressentit des bribes de
jalousie quand il remarqua comment le regardait Fiona. Celle-ci salua
l’assemblée de héros dans la salle d’attente et invita le suivant à aller
l’attendre dans la salle de consultation. Puis, elle accompagna son compagnon
vers la sortie, passant à côté des Inutiles.
« Et
bien, monsieur Pinker, ce fut très intéressant, et je suis prête à vous
accueillir quand vous le voudrez, dit-elle avec un sourire complice.
− J’espère aussi que nous irons au fond
des choses encore une fois la prochaine fois. Je trouve que l’un dans l’autre,
on fait de grandes choses, Cassandre ! » répliqua Joël Pinker. La
moutarde monta cette fois au nez d’Atchoum-man.
Joël
Pinker se tourna vers les clowns qui restaient plantés là. Il mit du temps à
reconnaître la Ligue des Inutiles. Il eut un sursaut de surprise, se demandant
ce qu’ils fichaient là, puis il échangea un bref regard perplexe avec
Cassandre. Il parvint à rester calme cependant, il mit son self-control sur le
compte de l’ivresse post-coïtale et observa ceux qu’il haïssait au plus haut
point. Son regard s’attarda tout de même sur Lumen et Textil. Cette dernière se
mit à rougir. « Elles sont quand même plutôt bien foutues les deux petites
gerbilles, là. C’est presque dommage… » se disait-il en les observant. Sur
ce, il s’éloigna et sortit par la porte.
Cassandre
voyait en la présence de la Ligue des Inutiles une très mauvaise surprise. Elle
ne savait pas trop ce qu’ils foutaient là, et ne voulait certainement pas le
savoir. Elle les regarda tous très froidement.
« Je ne reçois que sur
rendez-vous, et croyez-moi, je m’en souviendrais, si j’avais rendez-vous avec
la Ligue des Inutiles.
− Bon et bien on a qu’à convenir d’un
rendez-vous, non ? proposa Lumen.
− Je suis très occupée, je n’ai pas de
temps à vous accorder. Tai, occupez-vous de nos chers invités, en leur
indiquant la sortie.
− Bien madame. Je vais vous demander de
partir maintenant, déclara Tai, l’hôtesse, alors que Cassandre faisait quelques
pas vers sa salle de consultation.
− Mais Cassandre, on a besoin de vous
pour retrouver notre camarade Arcimboldo ! Vous pouvez bien nous filer un
coup de main, non ? s’écria Lumen hors d’elle face à l’inconséquence de
l’oracle.
− On s’inquiète pour lui, on veut juste
savoir s’il est en vie ! » supplia presque Cuistot, mais cela ne
suffit pas à faire fléchir Cassandre. Celle-ci continuait à s’éloigner d’eux
sans leur accorder le moindre regard, ni leur répondre, tandis que Tai les
menaçait de faire appel à la police.
« Ce
n’était pas ton genre de tourner le dos aux gens qui te demandent de l’aide,
Fi ! » s’écria finalement Atchoum-man. A ces mots, Cassandre stoppa
nette sa marche et se tourna vers eux, l’espace d’un instant. Greg vit dans le
regard de Cassandre une pointe de doute, une lueur étrange, comme si des
réminiscences de son passé étaient projetées derrière ses yeux comme sur un
écran de cinéma. Mais son regard se refroidit de nouveau, et sans un mot, elle
entra dans sa salle, et ferma la porte, en la claquant.
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