lundi 25 juillet 2016

Chapitre 33

            La Ligue des Inutiles faisait face à Kratos. Celui-ci posait sur chacun d’eux un regard aussi froid et dur que la pierre. Textil mit en sécurité Cuistot et Sarramauca qui étaient toujours inconscients. Arcimboldo se dota d’une armure de fruits à coque et sur ses poings, des noix de coco et des ananas fleurirent. Les yeux de Lumen se mirent à briller, quant à Tear, il prit une posture de combat. Les journalistes, ne sachant que dire, se contentèrent de garder le silence, suscitant le soulagement chez leurs téléspectateurs. Kratos poussa un petit ricanement sardonique en les voyant, ces Inutiles prêts au combat.
 
            Lumen lança l’initiative. Elle tira un laser avec ses yeux que Kratos esquiva de peu. Tear fit alors monter les larmes aux yeux du Super Héros, ce qui l’aveugla momentanément. Il ne put esquiver la noix de coco qu’Arcimboldo venait de lui lancer. Mais celle-ci explosa à son contact, sans que Kratos n’eut la moindre égratignure. Il se posta alors face à Tear et lui donna un violent coup de poing qui envoya voler le pauvre homme. Il fut cependant réceptionné par Michael.
            « Tear ! Tu vas bien ?
− Ne t’inquiètes pas ! Je vais juste roter un peu de sang, pas plus ! » répliqua Gilles.
            Par la suite, Kratos fonça à toute allure sur Lumen. Mais celle-ci parvint à esquiver le coup en utilisant sa vitesse luminique. Kratos s’écrasa contre un autre immeuble. Il s’élança précipitamment à l’endroit où elle s’était déplacée et fut près de l’aplatir. Mais Arcimboldo s’était interposé. Il était robuste par nature, et il s’était paré de raisins qui devaient amortir le choc. Celui-ci n’en resta pas moins brutal, mais Cédric tint le coup. Il ceintura Kratos et, le soulevant, il se laissa tomber en arrière, catapultant Kratos en arrière. Celui-ci fit un bruit énorme en chutant au sol. Arcimboldo se redressa, et lança des regards un peu partout. Lorsque ses yeux croisèrent ceux d’Atchoum-man, il s’écria avec un grand sourire : « T’as vu ça mec ? J’ai mis un German Suplex à Kratos ! » Atchoum-man leva le pouce avec un sourire, mais Kratos s’était relevé et avait attrapé Arcimboldo par les mollets. Il le fit tournoyer puis s’écria « Vole ! » avant de le lâcher. Arcimboldo heurta une voiture garée non loin. Celle-ci émit le cri plaintif de son alarme alors qu’Arcimboldo tentait de reprendre ses esprits, assis sur une pile de verre brisé. Kratos vola à toute vitesse vers lui pour l’achever, mais une cagoule apparut sur sa tête. Arcimboldo s’esquiva, Kratos s’écrasa contre la voiture qu’il prit de plein fouet. Arcimboldo envoya un sourire à Textil qui venait de lui sauver la vie. Il fit apparaître des noix de coco sur ses poings et s’élança vers Kratos. Celui-ci arracha la cagoule avec rage. Mais il avait à présent les yeux pleins de larmes. Tear venait de faire gagner du temps à Arcimboldo qui poussa un grand cri de rage avant de laisser exploser son poing. Ce coup-ci, Kratos le sentit passer. Les noix de coco se brisèrent sous l’impact, alors le poing puissant de Cédric vint finir le travail. Kratos venait de saigner du nez.

            « Pourquoi je saigne ? Pourquoi je galère contre ces minus ? » se demanda en son for intérieur Kratos. Puis, il jeta à Arcimboldo un regard empli d’une haine froide. Alors, il serra son poing qu’il lança. Si le coup avait abouti, il aurait transpercé Arcimboldo de part en part. Mais Lumen, consciente du danger, avait une fois de plus utilisé son pouvoir de déplacement pour entraîner Arcimboldo et l’éloigner de la zone de danger.
            « Bande de sous-merdes ! Vous imaginez avoir la moindre chance contre moi ?
− Tu n’as pas à faire le fanfaron quand tu es le premier à saigner ! rétorqua Tear.
− On est unis, et t’es seul ! Si on continue sur cette voie…débuta Lumen.
− On se fera massacrer au final, lança Atchoum-man, attirant à lui les regards incrédules de ses amis.
− Greg ?
− Regardez-le, il est en pleine forme. Il a encore plein d’énergie à revendre, alors que vous êtes tous à vos limites. Lumen, il te reste combien de téléportations pour aujourd’hui ? Une ? Et deux lasers au maximum ? Par ailleurs, regardez le quartier, on dirait une zone de guerre. Il faut évacuer les gens, c’est une priorité !
− Oui tu as raison…concéda Lumen.
− Tu proposes quoi ? demanda Arcimboldo qui massa ses muscles endoloris.
− C’est simple, vous vous occupez de sauver les civils, de mon côté, je me charge de Kratos.
− Tout seul ? Mais tu es taré ? s’écria Tear.
− C’est un truc que tu pourrais faire si tu étais un peu plus jeune et réactif Gilles, répliqua Atchoum-man avec un petit sourire malicieux. Puis il ajouta : de toutes les façons, j’ai des comptes à régler avec Kratos. »
            Textil, Lumen, Tear et Arcimboldo s’échangèrent des regards hésitants. Mais Greg avait raison sur un point : il fallait à tout prix évacuer les gens dans les immeubles. Kratos en avait déjà éventré trois depuis le début du combat. Lumen poussa un profond soupir, puis elle posa sa main sur l’épaule de Greg.
            « Atchoum-man, je suis contente que tu fasses partie de la Ligue des Inutiles. Tu es de la graine de héros.
− Hé, t’as intérêt à survivre. On se fera un ciné ou un truc du genre…enfin, va pas non plus te faire d’illusions, on fera ça entre potes…ou entre collègues d’héroïsme…annonça Textil.
− Mec, je ne t’ai jamais remercié de m’avoir recherché quand j’ai disparu. Je le ferai quand tu auras battu Kratos. Alors ne va pas te faire tuer, ajouta Arcimboldo.
− T’es un gamin insupportable, et je peux à peine te saquer ! Mais t’es comme une douleur aux gencives, tu vois…au final, on s’habitue à toi. Défonce-le… » lui dit Tear. Puis les Inutiles se dispersèrent, chacun allant dans un bâtiment de la rue.

            « Alors quoi, votre unité, toutes ces conneries, c’est fini ? demanda Kratos.
− Tu veux rire ? On n’a jamais été aussi soudés ! lui rétorqua Atchoum-man.
− Du coup, ils te laissent toi, le plus faible en arrière ?
− Il faut bien que quelqu’un reste là à te contenir pendant qu’on sauve les gens des dangers de tes caprices, répliqua Atchoum-man en faisant craquer ses poignets.
− Je n’ai pas l’intention de m’attaquer aux civils. Par contre, toi, je vais te démolir. Tu vas regretter d’avoir voulu jouer les héros ! lui hurla Kratos en lui fonçant dessus.
− Le monde a besoin d’espoir, le monde a besoin de héros vers qui se tourner quand tout est sombre ! J’ai l’immense honneur d’en être un, alors il n’y a pas moyen que je regrette un jour de « jouer les héros » comme tu dis !
− Crève ! » hurla Kratos, qui était dangereusement proche d’Atchoum-man. Il s’apprêta à le frapper, mais alors, il poussa un éternuement absolument titanesque, qui dévia son vol, et l’envoya contre un mur.
            Kratos cracha un peu de poussière. Il se retourna vers Atchoum-man, celui-ci lui tournait le dos. Sa cape verte était soulevée par le vent. Sous cet angle, il paraissait beaucoup plus grand. « Tant que ça respire, ça peut éternuer. Kratos, même toi, tu es sous mon pouvoir. » déclara Atchoum-man. Kratos voulut répondre, mais Atchoum-man le fit éternuer. Cela mit Kratos en rage. Il avait l’impression que ce moucheron, ce minable, était à même de pouvoir décider comment il utiliserait son corps. Il en était hors de question ! Il était le tout puissant Kratos ! Il se leva, plein de rage et voulut décapiter Atchoum-man d’un coup de poing. Mais il éternua, ce qui gêna son geste. Il voulut frapper encore et encore, mais il ne parvenait pas à contenir ses éternuements.
            « Mon pouvoir ne prend aucune ressource chez moi, Kratos, c’est le pouvoir le plus faible jamais répertorié…avec celui de Tear. Du coup, il ne demande pas beaucoup d’efforts. Je peux te faire éternuer toute la vie si je veux. Toi et toute créature dotée d’un système respiratoire. 
− Tu ! ATCHOUM…es…le pire ATCHOUM ! de tous les minables…ATCHOUM ! » Kratos bouillait de rage. Mais il continuait de frapper. Le pouvoir d’Atchoum-man ne l’immobilisait pas, il le gênait grandement. S’il pouvait lui porter un seul coup, fut-il faible, de façon à le surprendre, il pourrait dès lors reprendre l’avantage.

            Fiona était horrifiée. Kratos s’était transformé en brute. Elle promena son regard dans tout le quartier. Des riverains quittaient les immeubles en panique. Les bâtiments étaient défoncés, au sol des débris s’amoncelaient. Et tout cela était uniquement du fait de Kratos. Mais pourtant, elle ne parvenait pas à quitter son parti. Elle savait qui était du bon côté et qui était dangereux. Mais pourtant, malgré cela, elle ne parvenait pas à se décider à s’opposer à lui, à vouloir la victoire d’Atchoum-man. Elle se mit à se détester pour ça, mais elle dut s’avouer que Kratos était plus important que tout à ses yeux. Il n’était plus question de bien ni de mal…juste d’elle et de ce qu’elle voulait. Elle réprima tous les souvenirs heureux qu’elle avait eu avec Greg, puis elle décida de gêner Atchoum-man « Greg laisse-le ! » s’était-elle alors écriée.
            Atchoum-man s’interrompit brièvement. Il se tourna vers elle et lui lança un regard choqué tout d’abord, celui d’un homme confus, avant qu’il ne se durcisse et ne devienne froid comme la glace. Fiona eut un frisson. Elle le voyait, à présent, il la haïssait. Ce regard, c’était tout l’amour qu’il avait pour elle qui venait de mourir. Kratos avait profité du moment pour empoigner Greg à la gorge. Puis dans un rire de satisfaction, il décolla, sans lâcher sa proie. « Vas-y, fais-moi éternuer mon bonhomme ! » le provoqua-t-il. Greg s’en abstint, s’il le faisait, Kratos le lâcherait.

            Tear montait les marches quatre à quatre, continuant de faire évacuer l’immeuble. Il vit par la fenêtre des escaliers, la silhouette de Kratos qui s’élevait dans les cieux, en tenant Atchoum-man. Il poussa un cri, puis sortant sa tête de la fenêtre, il utilisa son pouvoir pour brouiller la vision de Kratos avec des larmes.
            Lumen, était au balcon d’un appartement non loin. Elle avait évacué tout l’immeuble et envisageait d’utiliser son pouvoir de téléportation pour rejoindre l’immeuble d’en face. Elle vit en contre-bas Kratos qui s’élevait lentement, tenant Greg par le cou. Elle remarqua aussi que Tear était à la fenêtre d’un immeuble en face. Elle se dit qu’il avait dû utiliser son pouvoir, quand elle vit le visage de Kratos baigné de larmes. Elle utilisa son pointeur laser pour viser les yeux du héros. Celui-ci poussa un grognement et sa trajectoire de vol en pâtit.
            Arcimboldo était en train de guider les habitants d’un immeuble vers la sortie. Il aidait un blessé à marcher. Celui-ci était dans son appartement quand Kratos y envoya Terminacop. Le logement était dévasté et un trou béant était ouvert. Les habitants de l’immeuble avaient porté un Terminacop inconscient hors de l’immeuble. Cédric vit alors Kratos voler en zigzag. Il reconnut la silhouette de Greg qui était portée par le super-héros déchu. Il ne réfléchit pas. Il fit pousser une noix de coco sur la paume de sa main et criant le nom d’Atchoum-man, il lui lança le fruit. Greg l’attrapa avec succès, au cours de son ascension.
            Textil était dans l’immeuble en face. Elle aidait une vieille femme à se lever de son fauteuil quand celle-ci pointa du doigt la fenêtre. Elle vit alors Kratos s’élever en emportant Atchoum-man. Elle étouffa un cri, il allait le jeter dans le vide. Elle devait faire quelque chose…

            Greg suffoquait, mais il avait remarqué que ses amis lui étaient tous venus en aide d’une manière ou d’une autre. Il tenait fermement dans sa main la noix de coco que lui avait lancé Arcimboldo, et remarqua que sa tenue avait une cordelette au niveau de l’encolure qu’il n’avait jamais eue jusque-là. Tear et Lumen avaient dû être à l’origine du vol titubant et ralenti de Kratos. Atchoum-man eut un petit sourire. Il se concentra alors et Kratos se mit à éternuer, le lâchant. Atchoum-man vrilla dans le ciel, frappé par la résistance de l’air. Il porta sa main à la cordelette et tira d’un coup sec. Comme il l’avait deviné, Textil avait eu le temps d’ajouter un parachute sur sa tenue. Le sol se rapprochait à une vitesse moins effrayante. Mais il remarqua que Kratos fondait sur lui. Atchoum-man empoigna la noix de coco, puis il visa le visage de Kratos. Il la lança alors avec force. Kratos continuait à foncer tête baissée. Au bon moment, Atchoum-man fit éternuer Kratos dont la tête s’élança vers la noix de coco avec force. Il perdit le contrôle et s’écrasa au sol. Atchoum-man atterrit plus délicatement.
            Une telle chute n’allait pas être trop dramatique pour Kratos. Mais elle avait eu pour effet de l’énerver. S’élançant avec colère sur Atchoum-man, il le frappa sauvagement. Il plut des coups de poings sur le héros en vert. Mais il tint bon. La tête de Greg se mit à tourner, ses jambes le portaient difficilement, mais il tint bon. Il parvint à rassembler ses esprits et à faire éternuer Kratos au bon moment, ce qui lui permit d’esquiver le coup brutal qui lui était réservé. « Tout ce que tu peux faire c’est fuir…un pouvoir minable comme le tien ne sera jamais suffisant pour me battre, Atchoum-man ! » gronda Kratos, au grand dam de Greg qui devait bien avouer qu’offensivement, il était en effet bien inférieur.
            Cuistot venait de se réveiller. Il était encore très affaibli, mais il prit vite sa décision quand il vit Atchoum-man seul face à Kratos. Il courut à lui, et fit apparaître sur ses poings deux gros couvercles en inox. Il se précipita vers les deux ennemis et se plaçant face à Atchoum-man, il brandit ses deux boucliers de fortune qui éclatèrent sous l’impact du poing de Kratos.
            Aussitôt après, Cuistot fit apparaître deux autres couvercles plus gros encore. Atchoum-man fit éternuer Kratos dont la tête se heurta violemment aux couvercles en fonte. La brute poussa un hurlement de douleur. Cuistot et Atchoum-man s’échangèrent un regard entendu. Cuistot transforma ses bras en rouleaux à pâtisserie en fonte et se précipita sur Kratos. Atchoum-man le fit alors éternuer, tandis que Cuistot synchronisait les mouvements de ses coups avec ceux de la tête de Kratos pour en maximiser la force. Il frappa avec une telle force que les rouleaux aussi éclatèrent. Cuistot tomba alors à genoux, épuisé.

            Kratos regarda avec rage Cuistot. Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas ressenti la douleur. Savoir que deux cafards de la Ligue des Inutiles étaient parvenus à le blesser le mit dans une rage aveugle et noire. Il devait les tuer, et ce, de la façon la plus horrible possible. Poussant des hurlements bestiaux, il avança vers Cuistot. Atchoum-man s’interposa et prit le poing qui était destiné à son ami. Il cracha du sang, mais s’agrippa au poing avec la force du désespoir. Puis au prix d’un effort surhumain, il tordit le bras de Kratos afin que son poing ne soit dirigé contre son propre visage.
            « Ma force ne sera jamais suffisante pour te battre, c’est vrai…mais la tienne par contre…s’écria Atchoum-man.
− Quoi ? Non attends… » s’écria Kratos qui comprit ce qui se tramait. Il éternua et son visage s’écrasa contre son puissant poing. Il eut un goût âcre de sang dans la bouche. Il éternua de nouveau et une fois de plus son visage heurta son propre poing.
            « Arrête de te frapper toi-même…arrête de te frapper toi-même…arrête de te frapper toi-même… » railla Atchoum-man d’une voix plus éreintée que sardonique. Kratos se prenait la puissance de ses coups en pleine face. Au bout d’un moment, il perdit connaissance. Atchoum-man lâcha alors le poing de son puissant ennemi, et cessa de le faire éternuer. Kratos s’affala au sol, au pied d’Atchoum-man. Un journaliste, qui se trouva derrière eux en prit une photo qui devrait devenir légendaire dans un futur proche. Goliath venait de chuter aux pieds de David.

            Quand Kratos reprit connaissance, il vit que toute la Ligue des Inutiles était réunie. Ils le regardaient tous. Le quartier avait été dévasté, les immeubles endommagés semblaient vouloir lui rappeler qu’il était allé trop loin. Dans le regard des membres de la Ligue des Inutiles, Kratos vit beaucoup de mépris. Dans celui d’Atchoum-man, qui l’avait vaincu presque tout seul, il y avait aussi beaucoup de pitié. Kratos, toujours silencieux, ne pouvait supporter d’être regardé de haut par eux. Il détourna son visage tuméfié. Son regard croisa celui de Cassandre. Elle pleurait. Elle était plongée dans la plus grande tristesse du monde « Non…ne pleure pas…Fiona… » murmura-t-il, sentant ses yeux le piquer. Il tendit la main vers elle, celle-ci l’imita. Puis, Kratos vit les journalistes prêts à l’interroger, d’un air inquisiteur.
            « Quelle journée de merde. J’ai ruiné ma carrière et ma réputation…je me suis fait démolir par Atchoum-man…non, pire que tout…j’ai mis des gens en danger et j’ai fait souffrir ceux qui croyaient en moi. Je suis vraiment le pire de tous. » pensa Kratos, en se relevant avec difficultés. Tous les membres de la Ligue, à l’exception d’Atchoum-man prirent une posture défensive.
            « Je ne mérite plus d’être un héros. J’en ai le pouvoir, mais pas la carrure, déclara alors Kratos d’une voix forte. Atchoum-man ! Tu es…ça m’emmerde de le dire. Mais tu es le meilleur super-héros du monde.
− Pas moi. Nous. » répondit Greg en désignant ses amis de la Ligue. Kratos eut un petit sourire. Puis, lentement, il s’éleva dans les airs et disparut. Ainsi venait de s’achever le règne de Kratos. Atchoum-man n’avait jamais pu le supporter au fond. Mais les derniers mots qu’il lui avait adressés l’avaient rendu heureux. Grégory Gorman, sous sa tenue d’Atchoum-man était enfin devenu le héros qu’il avait toujours voulu être.

            Pleurant toujours les larmes de son corps, Fiona le regardait. La tenue verte d’Atchoum-man lui rappela sa vision. Le vert, c’est la couleur de l’espoir. Elle eut un léger sourire, puis elle essuya ses larmes.
            « Greg. Je ne te demanderai pas de me pardonner. Je ne le mérite pas. Je sais que tout est fini entre nous. Mais maintenant, je sais. Tant qu’il y aura du vert dans mes visions, je serai tranquille. Alors…je t’ai trahie, mais je ne veux pas que ça pervertisse ton sens de la justice.
− Aucun risque. Fi, je pense qu’on ne se reverra plus, répondit Greg.
− Je le crains. Adieu. » sur ces mots, Cassandre s’en alla, encore choquée par les événements qui s’étaient produits.

            « Vous ne pouvez pas l’embarquer ! Sarramauca est la victime dans cette affaire ! s’exclama Cuistot à l’encontre des policiers qui avaient menotté Sarramauca à son brancard.
− Elle s’est évadée de prison et est soupçonnée de meurtres. Elle doit purger sa peine et probablement répondre de ses crimes récents.
− Mais… »
            Sarramauca ne pouvait pas parler, sous peine d’enclencher son pouvoir sur son entourage. Elle leva la main vers Cuistot et lui caressa le visage, des larmes coulaient le long de ses joues. Sarramauca lui adressa un sourire. Cuistot n’avait pas besoin de l’entendre pour comprendre ce qu’elle voulait lui dire. Elle voulait prendre ses responsabilités, cesser d’être un danger pour la société.
            « Sarah…Sarah je viendrai te voir souvent ! Et je vais te sortir de là ! C’est compris ? Et d’ici là, je t’attendrai ! Même si ça doit durer mille ans ! Parce que je t’aime ! Tu comprends ? Je t’aime ! » Sarramauca aurait tant voulu être en mesure de lui répondre. Elle voulait tant lui dire « je t’aime aussi » que c’en était devenu douloureux. Cuistot approcha son visage d’elle et l’embrassa. Sarramauca n’avait jusque-là jamais ressenti tant de joie mêlée à tant de tristesse. Elle n’avait jamais autant eu l’impression d’être aimée, mais elle serait éloignée de Mehdi. La vie lui parut avoir un goût amer.
            Mehdi vit avec tristesse l’ambulance embarquer Sarramauca. Il savait qu’une fois remise sur pieds elle serait renvoyée en prison. Ses amis se réunirent autour de lui, et leur présence lui apporta un peu de réconfort.
« J’ai la dalle ! Y a pas un bon resto dans le coin ? demanda Greg.
− Tu nous invites ? demanda Tear.
− Tu te fous de moi ? Je suis le héros, non ? Vous ne devriez pas vous battre pour m’inviter ? grogna Greg.
− Justement, t’es le héros, et je suis à sec ! Tu ne veux pas m’inviter, mon héros ? demanda Textil d’un air moqueur.
− Bonne idée Claire ! Atchoum-man je suis fauchée aussi ! Un héros ne peut pas laisser une gente dame mourir de faim ! Paye-moi un truc cher et bon ! ajouta Lumen.
− Ouais un héros se doit de ne pas être un crevard ! s’exclama Arcimboldo.
− Ta gueule ! Si t’as faim, tu n’as qu’à bouffer tes propres fruits ! rétorqua Greg.
− Greg mon pote ! Paye-moi un truc à grailler aussi. Bon je suis pas fauché, mais tu vois, j’ai le cœur brisé !
− Toi aussi Mehdi ? Bordel, vous n’êtes pas la Ligue des Inutiles, mais la Ligue des Crevards ! »
            Michael regarda s’éloigner ses camarades avec un sourire. Ils avaient bien grandi, tous. Gravitas le rejoint alors. Il ne lui prêta pas attention. Elle semblait pourtant décidée à lui parler.
            « Tu es imprévisible, Perséphone. Quel était ton but en rassemblant cette équipe ?
− Tout le monde n’est pas comme vous autres à la Conjuration des Etoiles. On n’est pas tous des manipulateurs sans scrupules.
− J’imagine.
− Je crois que je voulais prouver que ce ne sont pas les pouvoirs qui font les héros.
− Et tu voulais le prouver à qui ? Eux ? Le monde ? Nous ? Où à toi-même ? » Michael ne répondit rien. Gravitas fit quelque pas titubant, s’éloignant de lui. Elle se retourna et ajouta tout de même. « Tu dois être soulagé de ne pas avoir eu à l’utiliser, ton pouvoir monstrueux, non ? » puis, sans attendre de réponse, elle partit, le laissant seul, à contempler les ruines de son appartement.

            Le jeune gardien fit résonner ses pas jusqu’à la cellule isolée. Il tenait dans ses mains un plateau sur lequel étaient posés un repas bien trop copieux pour être un simple repas de prisonnier ainsi qu’un journal. En une, les gros titres disaient « HEROS DECHU : KRATOS DETRUIT UN QUARTIER ENTIER ». Le gardien prit une profonde inspiration avant de s’approcher de la cellule ultra-sécurisée. A l’intérieur, un individu était assis sur sa banquette et lançait une balle de tennis contre un mur pour tuer l’ennui. Il était grand et robuste, mais était plutôt âgé. Ses tempes étaient grisonnantes, et sa moustache bien taillée virait déjà au blanc neige. Il portait aussi des lunettes rondes posées sur un nez volontaire. Derrière les verres des lunettes luisaient des yeux couleur acier.
            « Le journal m’sieur Gepetto, déclara le gardien après s’être éclairci la voix.
− Les nouvelles sont bonnes ?
− Vous connaissez les procédures… » se contenta de répondre le gardien.
            Gepetto les connaissait en effet. Il alla au fond de la cellule, le plus loin possible du gardien et s’allongea sur le ventre, les mains derrière la tête. Le maton fit passer le plateau par l’ouverture prévue à cet effet, et donna un coup de tonfa contre la vitre blindée de la cellule pour signaler à Gepetto qu’il pouvait récupérer le plateau et le journal. Le vieil homme se jeta sur le journal, attiré par les gros titres. Il chercha l’article parlant de Kratos et le lut en entier, sous les yeux du gardien.
            « On dirait que le monde bouge, là-dehors. Kratos serait un…comment l’appelle cet article ? Ah, Al Capone avec une cape ? Le monde bouge, oh oui…c’est même le chaos dehors.
− Si vous le dites, m’sieur Gepetto.
− Tu aimes le chaos ? Jérémy ?
− Ben non…le chaos, c’est l’bordel ! Je préfère l’ordre.
− Oui…bien sûr. Tu es un malin, toi. Mais tu sais où se trouve l’ordre ?
− Ben…Jérémy n’était pas très à l’aise à l’idée de converser avec un fou dangereux de la trempe de Gepetto.
− L’ordre est dans le contrôle ! » déclara alors Gepetto, répondant à sa propre question. Puis il se mit à éclater de rire. Pâlissant, Jérémy repartit, laissant là le vieil homme, qui savoura sa solitude.


« On dirait que le monde va avoir besoin que j’y remette de l’ordre. »

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire