lundi 4 juillet 2016

Chapitre 30

            Identifiant : Prométhée
            Mot de passe : FiregivR

Clic sur l’espace réservé au tweet. « Bizarre quand même que Raptor se soit attaqué à la Ligue des Inutiles, si Sarramauca fait pareil, ce sera suspect #conspiration #Krados » Ces 135 caractères allaient allumer un incendie aux conséquences désastreuses. 

            Cassandre poussa un soupir de lassitude quand elle vit Textil dans son bureau. Elle regretta d’avoir laissé sa journée à sa secrétaire qui l’aurait débarrassé efficacement de cette importune. Cassandre décida de l’ignorer, mais Textil semblait ne pas vouloir la laisser en paix.
            « Je ne sais pas ce que tu prépares, mais je ne vais pas te laisser faire.
− Deux questions : premièrement, qui es-tu, deuxièmement, de quoi tu parles ?
− Textil, de la Ligue des Inutiles, et je ne sais pas à quoi tu joues avec Greg, Cuistot et Sarramauca, mais tu ferais bien d’arrêter si tu ne veux pas avoir de gros problèmes.
− Je ne vois absolument pas de quoi tu parles, déclara Fiona en cachant son malaise.
− Tu n’es pas claire, ma belle. Je ne sais pas pour qui tu bosses, ou pour quelle raison tu fais ça, mais tu prépares un sale coup, et pour ça, tu vas utiliser Greg.
− C’est absurde. Je pourrais croire que tu es jalouse, Textil de la Ligue des Inutiles.
− Greg te fréquente, et à ce moment-là, Sarramauca se met à le martyriser. Du jour au lendemain, tu ne donnes plus de nouvelles à Greg, et Sarramauca, qui était en couple avec Cuistot disparait aussi des radars au même moment. Vous préparez quoi ?
− Je ne fraie pas avec Sarramauca, idiote ! Je suis au service des Super héros, pas des criminels ni…
− …ni des Inutiles. C’est ce que tu voulais dire ? Pourquoi tu utilises Greg ? Quel est ton but ? Tu es seule ? Ou c’est un plan que tu as eu avec des amis ?
− Tais-toi et dégage d’ici ! hurla Cassandre.
− Tear m’a dit une chose intéressante. Quand ils combattaient Pierre et Ondine, cette dernière aurait dit à mes amis « C’est pour vous qu’on fait ça ». Avec Lumen, on s’est creusé la cervelle pour savoir ce qu’ils voulaient dire…Tu crois qu’il y a un lien avec le fait que Raijin tenait tant à affronter Kratos ? Qu’est-ce que tu nous caches, Cassandre ?
− Textil…tu es une femme seule. Toujours la cinquième roue du carrosse. Tu essaies péniblement de te faire accepter partout où tu vas, mais tu n’arrives pas à te sociabiliser. Je peux voir ton futur, tu sais…Textil…et aussi loin que je puisse voir, tu seras toujours seule. Oui mes prédictions sont infaillibles, et tu resteras toujours à l’écart, pitoyable… »
            Elle fut interrompue par la violence de la claque que venait de lui coller Textil. Cassandre avait été prise par surprise, et sa joue la brûlait. Elle garda le silence, la main sur sa joue endolorie.
            « Tu as le pouvoir de voir le futur, mais tu ne l’as pas vue venir, celle-là. Extra-lucide en carton, je me fous bien de tes prédictions à deux balles ! déclara Textil avant de reprendre : je vais moi aussi prédire ton futur. Si quoi que ce soit devait arriver à l’un de mes amis, je te ferai souffrir. » Cassandre resta là à trembler comme une feuille. Cette femme, Textil, était bien dangereuse. Elle avait percé à jour son rôle, et elle touchait du doigt le fin mot de l’histoire. Il fallait qu’elle prévienne Kratos de toute urgence.

            Joël Pinker était en pleine réunion avec ses partenaires économiques. Il eut une mine de dépit quand Wandrille pénétra dans la salle de réunion, et l’interrompit en lui annonçant qu’il avait quelque chose de très urgent à lui dire. Joël tira sur le col de soie de sa chemise au prix exorbitant et après s’être excusé auprès de ses associés et actionnaires, emboita le pas à son ami, qui le mena dans une petite pièce vide. Wandrille tira de sa poche son smartphone et après quelques manipulations, le tendit à Joël qui regarda l’écran. Celui-ci affichait Twitter.
            « J’espère que tu ne m’as pas interrompu pour un tweet à la con.
− Lis ce fil de discussion man ! » Wandrille paraissait paniqué. Joël lut le fil avec attention. Il blêmit.

            « J’avoue, c’est quand même bizarre, Raptor a buté plein de gens, mais Kratos n’a rien fait @Prométhée #conspiration »
            « Non mais c’est n’imp’ si Kratos voulait buter la L des Inutiles, il le ferait lui-même @Prométhée #conspiration #marmottepapieralu »
            « Si ca se trouve @Prométhée c’est Raijin qui nous trolle tous mdr #tounéketromperi #norajdemonéclairaj »

            Les tweets étaient partagés mais manifestement, il y avait des gens qui voyaient un lien entre les attaques sur les Inutiles et lui-même. Certains, avec ironie, tout en tournant cette affirmation au ridicule, avaient même mis le doigt sur la conspiration de la Conjuration des Etoiles. Le pire de tout étant qu’il était le seul à être sous le feu des projecteurs. Il n’y avait d’allusion ni à Gravitas, ni à Terminacop ni à aucun autre membre de la Conjuration. Dans l’ensemble, rien n’était sérieux, et la majorité des gens pensaient que ce « Prométhée » était un plaisantin, mais malgré tout, il y avait des internautes qui se demandaient si Kratos n’était pas lié à l’attaque de la Ligue des Inutiles par Raptor.
            « C’est mauvais. C’est putain de mauvais Jojo ! On fait quoi ?
− On reste calme. Je vais communiquer sur ces tweets. Je ferai porter le chapeau à un ennemi, ou à un membre du parti Humanité de Jean-Pierre Le Mène.
− Enfoiré de Prométhée ! C’est qui ce gars ? Et comment il sait ?
− C’est évident mon pote. Prométhée, c’est Gravitas. J’ai fait une erreur en les menaçant. Résultat, elle a dégainé en premier. » Kratos avait les traits tendus. Il avait laissé une semaine à Sarramauca pour attaquer la Ligue des Inutiles, il ne restait qu’un jour dans l’ultimatum qu’il avait laissé à la criminelle. Il devait à tout prix annuler l’attaque. Si Sarramauca lui obéissait, alors il paraîtrait suspect. « La journée va être longue et difficile. Wandrille va t’occuper de finir ma réunion. » au moment où il avait terminé sa phrase, son téléphone sonna, c’était Cassandre. Il hésita avant de répondre. Finalement, il décida de décrocher.
            « Fiona ?
− Joël ! Je viens d’avoir une visite de Textil de la Ligue des Inutiles ! Elle se doute de quelque chose ! Elle a fait le lien entre Sarramauca et moi, et je crois qu’elle est sur le point de comprendre ton implication.
− Elle est vient de partir de chez toi ?
− Oui, à l’instant ! »
            Pas le temps de raccrocher, Kratos sauta par la fenêtre, et s’envola, retirant sa tenue civile en plein air, pour dévoiler son costume de super héros caché dessous.

            Claire était déçue. Oh bien sûr, elle avait eu la satisfaction de coller une tartine sur le museau de Cassandre, et c’était un bon début, mais elle n’avait aucun moyen de prouver sa théorie. Pourtant elle en était sûre, Cassandre et Sarramauca préparaient quelque chose. Elle devait absolument parler à quelqu’un. Greg et Mehdi ne l’écouteraient pas, Gaëlle en revanche serait plus réceptive, mais elle demanderait des preuves solides. Claire décida finalement d’en parler à Michael, peut-être aurait-il quelque chose à dire à ce sujet.
            Elle entendit alors un bruit derrière elle. Le bruit de bottes qui touchent terre, comme si on venait de sauter à pieds joints. Elle se retourna et ouvrit de grands yeux. Devant Textil se tenait Kratos, dans toute sa splendeur, sa virilité et sa classe.
            « Kratos ? parvint-elle à articuler.
− Hé, mais oui, tu es bien cette fille de la Ligue des Inutiles ! Tu as l’air soucieuse, tout va bien ?
− Non Kratos ! J’ai des raisons de croire que Cassandre prépare un sale coup avec l’aide de Sarramauca !
− C’est impossible ! Cassandre est du côté de la justice ! déclara Kratos, soulagé de constater qu’elle ne se méfiait pas de lui.
− Sarramauca va nous attaquer dans peu de temps ! Cassandre a séduit Atchoum-man, probablement pour avoir des informations sur lui, infos qu’elle a livrées à Sarramauca. Cette dernière s’est ensuite rapproché de Cuistot pour en savoir plus sur nous ! Peut-être qu’elle le suivait ! Mais à présent, elles n’ont plus besoin d’eux ! Elles savent où nous trouver et vont probablement nous attaquer. »
            Le regard de Kratos s’alluma. Elle était très perspicace. Avec si peu d’éléments, elle était très proche de la réalité. Elle était dangereuse. Avec un tout petit peu de temps, elle ne manquerait pas de trouver le pot-aux-roses. Dommage, se disait-il en la regardant. Elle portait son costume bariolé, mais il pouvait deviner la beauté de la jeune femme. Ses cheveux blonds, qui brillaient comme de l’or retombaient avec grâce le long de son dos, il pouvait aussi distinguer les formes voluptueuses de son corps qu’il jugeait accueillant à travers son costume d’héroïne, et puis son parfum…mais elle était dangereuse.

            « Il faut prévenir tes amis de la Ligue des Inutiles ! Tiens-toi à moi et accroche-toi bien. » s’exclama Kratos. Textil s’agrippa à lui avec force, se lovant contre le corps d’acier du héros. Puis, elle sentit le sol s’éloigner de ses pieds, alors qu’ils s’étaient tous les deux envolés. Elle ouvrit les yeux et vit le sol, en contrebas, loin de là. La ville s’était transformée en tapis grisâtre, le ciel, bleu azur parsemé de cotonneux nuages semblait être plus près que jamais.
            « Tu es très intelligente, ma jolie, s’exclama Kratos.
− Pas assez pour savoir pour quelle raison Cassandre conspirerait contre nous !
− C’est parce que vous êtes des Inutiles, et que vous marchez sur les plates-bandes de vrais professionnels de l’héroïsme. Ne me regarde pas comme ça. Nous autres, héros, on vous félicite pour votre courage devant les caméras, mais en fait, vous êtes plutôt du genre à nous foutre les glandes. »
            Textil regarda le visage de Kratos. Il souriait, mais son regard était froid. De gouttes de sueur roulèrent le long des tempes de la jeune femme, tandis que son corps se raidit.
            « On fait ça pour vous… − murmura Textil – Kratos ! Pourquoi Raijin voulait-il te combattre ?
− Il est devenu un super-vilain. Tu ne lis pas les journaux, ou quoi ?
− Tous ces départs de la Conjuration des Etoiles…Kratos…non…la voix de Textil était à présent faible, presque éteinte.
− Si. » se contenta de répondre Kratos. Puis décollant Textil de son corps, il la tint par les aisselles, la suspendant au-dessus du vide, puis, il la lâcha.

            Cassandre eut un goût amer dans la bouche quand Kratos l’avait appelée pour lui annoncer que Textil ne serait plus un problème. Mais il n’était pas tranquille pour autant. Elle avait découvert la fuite sur internet, et les rumeurs allaient bon train. Les discussions étaient enflammées. Le parti Humanité avait même décidé d’y mettre son grain de sel, Jean-Pierre le Mène fustigeant le fait qu’un bâtiment officiel et des privilèges aient été octroyés à des Super qui pouvaient bien s’avérer être, selon ses dires, des Al Capone en lycra. Kratos devait à tout prix empêcher Sarramauca d’attaquer la Ligue des Inutiles s’il ne voulait pas donner plus de grain à moudre aux conspirationnistes. Mais celle-ci était introuvable. Au vu des menaces que Kratos avait fait peser sur Cuistot, il n’y avait aucun doute que Sarramauca attaquerait demain. Fiona Lerner se rendit compte qu’elle avait joué à un jeu dangereux, et elle n’était plus sûre du tout que Kratos s’en sortirait indemne.

            « Bon sang c’était chaud ! s’exclama Terminacop.
− Ne t’en fais pas je gère. En tout cas, c’est un coup de chance pour nous, répondit Gravitas.
− Alors on fait quoi ?
− On a toutes les cartes en main, tout ce qu’il reste à faire, c’est la jouer finement. Ne t’en fais pas, mon gars, on va s’en sortir indemne, et même grandis ! »

            La nuit venait de tomber. Mehdi regardait par la fenêtre. Claire n’avait rien dit aux autres de sa relation avec Sarah, mais cela n’allait pas tarder. Il devait en parler pour désamorcer la situation. Peut-être que ses amis le comprendraient et le soutiendraient, ou alors, peut-être qu’ils se laisseraient envahir par la peur, et lui en voudraient d’avoir caché une information aussi capitale que celle-ci. Mehdi sortait avec une criminelle, qu’il veuille l’admettre ou non, c’était bien ce qu’était Sarramauca.
            « Med…siffla une voix derrière lui qui le sortit de sa torpeur.
− Sarah ! » s’écria-t-il joyeusement en la prenant dans ses bras. Celle-ci se blottit contre son torse un long moment et y enfouit son visage. Mehdi de rendit compte qu’elle pleurait. Il caressa le haut de sa tête pour la réconforter, plongeant ses doigts dans la chevelure noire de son amie. Celle-ci finalement releva la tête et le regarda dans les yeux. Ceux-ci étaient gonflés, elle avait beaucoup pleuré, et sa mine était soucieuse. Des poches énormes sous ses yeux trahissaient son manque de sommeil. Mehdi fut désolé de la voir ainsi. Il lui caressa la joue affectueusement.
            Il s’était assis sur le sofa, et elle s’y était allongée, posant sa tête sur ses genoux, comme un chat. Ils avaient gardé le silence, et il la caressait, trop heureux de ce petit moment de tendresse malgré sa coloration mélancolique.
            « Med. Je suis désolée.
− Désolée de quoi ?
− Tu sais…je n’ai jamais aimé personne de toute ma vie. Mes parents, tu vois, je courais après leur affection, mais je ne crois pas que je les ai jamais aimés. Et puis ensuite, comme je faisais peur à tout le monde…Mon pouvoir ne me sert qu’à ça ! à faire le mal autour de moi.
− C’est faux. Avant que tu n’arrives dans ma vie, j’avais peur de mon défunt père. J’avais peur de ne pas être à la hauteur de ce qu’il voulait. Puis, tu es arrivée, et ton pouvoir m’a obligé à me confronter à ma peur. Aujourd’hui, je suis en paix. Sarah, ton pouvoir…il ne sert pas à faire peur aux gens, il sert à les aider à combattre leurs frayeurs. »
            Sarramauca le regarda avec de grands yeux. Elle n’avait jamais vu son pouvoir sous cet angle. Mais pourtant, effectivement, Mehdi n’avait plus peur en sa présence, sa voix ne suscitait plus sa plus grande crainte. Il s’y était habitué, il s’y était accoutumé. Elle ne savait pas s’il avait réussi à la vaincre, sa peur de décevoir son père, mais il avait réussi à trouver un moyen de vivre avec. Si seulement elle avait vu son pouvoir de la sorte plus tôt…une vague de tristesse la submergea.
            « Mehdi…même quand tu me haïras, je continuerai de t’aimer.
− Mais Sarah, jamais je ne pourrai te haïr… » débuta Mehdi. Mais il fut coupé. Sarramauca déposa un baiser sur les lèvres de Mehdi. Celui-ci dura longtemps, mais pas assez à ses yeux. Finalement, elle se leva, et regarda avec regret l’homme qu’elle aimait, avant de partir. Elle jeta un coup d’œil à l’heure. Il était deux heures du matin, c’était officiellement le dernier jour de l’ultimatum de Kratos.



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