Identifiant :
Prométhée
Mot de
passe : FiregivR
Clic sur l’espace réservé au tweet. « Bizarre quand
même que Raptor se soit attaqué à la Ligue des Inutiles, si Sarramauca fait pareil,
ce sera suspect #conspiration #Krados » Ces 135 caractères allaient allumer
un incendie aux conséquences désastreuses.
Cassandre
poussa un soupir de lassitude quand elle vit Textil dans son bureau. Elle
regretta d’avoir laissé sa journée à sa secrétaire qui l’aurait débarrassé
efficacement de cette importune. Cassandre décida de l’ignorer, mais Textil
semblait ne pas vouloir la laisser en paix.
« Je
ne sais pas ce que tu prépares, mais je ne vais pas te laisser faire.
− Deux questions : premièrement,
qui es-tu, deuxièmement, de quoi tu parles ?
− Textil, de la Ligue des Inutiles, et
je ne sais pas à quoi tu joues avec Greg, Cuistot et Sarramauca, mais tu ferais
bien d’arrêter si tu ne veux pas avoir de gros problèmes.
− Je ne vois absolument pas de quoi tu
parles, déclara Fiona en cachant son malaise.
− Tu n’es pas claire, ma belle. Je ne
sais pas pour qui tu bosses, ou pour quelle raison tu fais ça, mais tu prépares
un sale coup, et pour ça, tu vas utiliser Greg.
− C’est absurde. Je pourrais croire que
tu es jalouse, Textil de la Ligue des Inutiles.
− Greg te fréquente, et à ce moment-là,
Sarramauca se met à le martyriser. Du jour au lendemain, tu ne donnes plus
de nouvelles à Greg, et Sarramauca, qui était en couple avec Cuistot disparait
aussi des radars au même moment. Vous préparez quoi ?
− Je ne fraie pas avec Sarramauca,
idiote ! Je suis au service des Super héros, pas des criminels ni…
− …ni des Inutiles. C’est ce que tu
voulais dire ? Pourquoi tu utilises Greg ? Quel est ton but ? Tu
es seule ? Ou c’est un plan que tu as eu avec des amis ?
− Tais-toi et dégage d’ici !
hurla Cassandre.
− Tear m’a dit une chose intéressante.
Quand ils combattaient Pierre et Ondine, cette dernière aurait dit à mes amis
« C’est pour vous qu’on fait ça ». Avec Lumen, on s’est creusé la
cervelle pour savoir ce qu’ils voulaient dire…Tu crois qu’il y a un lien avec
le fait que Raijin tenait tant à affronter Kratos ? Qu’est-ce que tu nous
caches, Cassandre ?
− Textil…tu es une femme seule. Toujours
la cinquième roue du carrosse. Tu essaies péniblement de te faire accepter
partout où tu vas, mais tu n’arrives pas à te sociabiliser. Je peux voir ton
futur, tu sais…Textil…et aussi loin que je puisse voir, tu seras toujours
seule. Oui mes prédictions sont infaillibles, et tu resteras toujours à
l’écart, pitoyable… »
Elle fut
interrompue par la violence de la claque que venait de lui coller Textil.
Cassandre avait été prise par surprise, et sa joue la brûlait. Elle garda le
silence, la main sur sa joue endolorie.
« Tu
as le pouvoir de voir le futur, mais tu ne l’as pas vue venir, celle-là.
Extra-lucide en carton, je me fous bien de tes prédictions à deux balles !
déclara Textil avant de reprendre : je vais moi aussi prédire ton futur.
Si quoi que ce soit devait arriver à l’un de mes amis, je te ferai
souffrir. » Cassandre resta là à trembler comme une feuille. Cette femme,
Textil, était bien dangereuse. Elle avait percé à jour son rôle, et elle
touchait du doigt le fin mot de l’histoire. Il fallait qu’elle prévienne Kratos
de toute urgence.
Joël
Pinker était en pleine réunion avec ses partenaires économiques. Il eut une
mine de dépit quand Wandrille pénétra dans la salle de réunion, et
l’interrompit en lui annonçant qu’il avait quelque chose de très urgent à lui
dire. Joël tira sur le col de soie de sa chemise au prix exorbitant et après
s’être excusé auprès de ses associés et actionnaires, emboita le pas à son ami,
qui le mena dans une petite pièce vide. Wandrille tira de sa poche son smartphone
et après quelques manipulations, le tendit à Joël qui regarda l’écran. Celui-ci
affichait Twitter.
« J’espère
que tu ne m’as pas interrompu pour un tweet à la con.
− Lis ce fil de discussion
man ! » Wandrille paraissait paniqué. Joël lut le fil avec attention.
Il blêmit.
« J’avoue,
c’est quand même bizarre, Raptor a buté plein de gens, mais Kratos n’a rien
fait @Prométhée #conspiration »
« Non
mais c’est n’imp’ si Kratos voulait buter la L des Inutiles, il le ferait
lui-même @Prométhée #conspiration #marmottepapieralu »
« Si
ca se trouve @Prométhée c’est Raijin qui nous trolle tous mdr #tounéketromperi
#norajdemonéclairaj »
Les
tweets étaient partagés mais manifestement, il y avait des gens qui voyaient un
lien entre les attaques sur les Inutiles et lui-même. Certains, avec ironie,
tout en tournant cette affirmation au ridicule, avaient même mis le doigt sur
la conspiration de la Conjuration des Etoiles. Le pire de tout étant qu’il
était le seul à être sous le feu des projecteurs. Il n’y avait d’allusion ni à
Gravitas, ni à Terminacop ni à aucun autre membre de la Conjuration. Dans
l’ensemble, rien n’était sérieux, et la majorité des gens pensaient que ce
« Prométhée » était un plaisantin, mais malgré tout, il y avait des
internautes qui se demandaient si Kratos n’était pas lié à l’attaque de la
Ligue des Inutiles par Raptor.
« C’est
mauvais. C’est putain de mauvais Jojo ! On fait quoi ?
− On reste calme. Je vais communiquer
sur ces tweets. Je ferai porter le chapeau à un ennemi, ou à un membre du parti
Humanité de Jean-Pierre Le Mène.
− Enfoiré de Prométhée ! C’est qui
ce gars ? Et comment il sait ?
− C’est évident mon pote. Prométhée,
c’est Gravitas. J’ai fait une erreur en les menaçant. Résultat, elle a dégainé
en premier. » Kratos avait les traits tendus. Il avait laissé une semaine
à Sarramauca pour attaquer la Ligue des Inutiles, il ne restait qu’un jour dans
l’ultimatum qu’il avait laissé à la criminelle. Il devait à tout prix annuler
l’attaque. Si Sarramauca lui obéissait, alors il paraîtrait suspect. « La
journée va être longue et difficile. Wandrille va t’occuper de finir ma
réunion. » au moment où il avait terminé sa phrase, son téléphone sonna,
c’était Cassandre. Il hésita avant de répondre. Finalement, il décida de
décrocher.
« Fiona ?
− Joël ! Je viens d’avoir une
visite de Textil de la Ligue des Inutiles ! Elle se doute de quelque
chose ! Elle a fait le lien entre Sarramauca et moi, et je crois qu’elle
est sur le point de comprendre ton implication.
− Elle est vient de partir de chez toi ?
− Oui, à l’instant ! »
Pas le
temps de raccrocher, Kratos sauta par la fenêtre, et s’envola, retirant sa
tenue civile en plein air, pour dévoiler son costume de super héros caché
dessous.
Claire
était déçue. Oh bien sûr, elle avait eu la satisfaction de coller une tartine
sur le museau de Cassandre, et c’était un bon début, mais elle n’avait aucun
moyen de prouver sa théorie. Pourtant elle en était sûre, Cassandre et
Sarramauca préparaient quelque chose. Elle devait absolument parler à
quelqu’un. Greg et Mehdi ne l’écouteraient pas, Gaëlle en revanche serait plus
réceptive, mais elle demanderait des preuves solides. Claire décida finalement
d’en parler à Michael, peut-être aurait-il quelque chose à dire à ce sujet.
Elle
entendit alors un bruit derrière elle. Le bruit de bottes qui touchent terre,
comme si on venait de sauter à pieds joints. Elle se retourna et ouvrit de
grands yeux. Devant Textil se tenait Kratos, dans toute sa splendeur, sa
virilité et sa classe.
« Kratos ?
parvint-elle à articuler.
− Hé, mais oui, tu es bien cette fille
de la Ligue des Inutiles ! Tu as l’air soucieuse, tout va bien ?
− Non Kratos ! J’ai des raisons de
croire que Cassandre prépare un sale coup avec l’aide de Sarramauca !
− C’est impossible ! Cassandre est
du côté de la justice ! déclara Kratos, soulagé de constater qu’elle ne se
méfiait pas de lui.
− Sarramauca va nous attaquer dans peu
de temps ! Cassandre a séduit Atchoum-man, probablement pour avoir des
informations sur lui, infos qu’elle a livrées à Sarramauca. Cette dernière
s’est ensuite rapproché de Cuistot pour en savoir plus sur nous !
Peut-être qu’elle le suivait ! Mais à présent, elles n’ont plus besoin
d’eux ! Elles savent où nous trouver et vont probablement nous
attaquer. »
Le
regard de Kratos s’alluma. Elle était très perspicace. Avec si peu d’éléments,
elle était très proche de la réalité. Elle était dangereuse. Avec un tout petit
peu de temps, elle ne manquerait pas de trouver le pot-aux-roses. Dommage, se
disait-il en la regardant. Elle portait son costume bariolé, mais il pouvait
deviner la beauté de la jeune femme. Ses cheveux blonds, qui brillaient comme
de l’or retombaient avec grâce le long de son dos, il pouvait aussi distinguer
les formes voluptueuses de son corps qu’il jugeait accueillant à travers son
costume d’héroïne, et puis son parfum…mais elle était dangereuse.
« Il
faut prévenir tes amis de la Ligue des Inutiles ! Tiens-toi à moi et
accroche-toi bien. » s’exclama Kratos. Textil s’agrippa à lui avec force,
se lovant contre le corps d’acier du héros. Puis, elle sentit le sol s’éloigner
de ses pieds, alors qu’ils s’étaient tous les deux envolés. Elle ouvrit les
yeux et vit le sol, en contrebas, loin de là. La ville s’était transformée en
tapis grisâtre, le ciel, bleu azur parsemé de cotonneux nuages semblait être
plus près que jamais.
« Tu
es très intelligente, ma jolie, s’exclama Kratos.
− Pas assez pour savoir pour quelle
raison Cassandre conspirerait contre nous !
− C’est parce que vous êtes des
Inutiles, et que vous marchez sur les plates-bandes de vrais professionnels de
l’héroïsme. Ne me regarde pas comme ça. Nous autres, héros, on vous félicite
pour votre courage devant les caméras, mais en fait, vous êtes plutôt du genre
à nous foutre les glandes. »
Textil
regarda le visage de Kratos. Il souriait, mais son regard était froid. De
gouttes de sueur roulèrent le long des tempes de la jeune femme, tandis que son
corps se raidit.
« On
fait ça pour vous… − murmura Textil – Kratos ! Pourquoi Raijin voulait-il te
combattre ?
− Il est devenu un super-vilain. Tu ne
lis pas les journaux, ou quoi ?
− Tous ces départs de la Conjuration
des Etoiles…Kratos…non…la voix de Textil était à présent faible, presque
éteinte.
− Si. » se contenta de répondre
Kratos. Puis décollant Textil de son corps, il la tint par les aisselles, la
suspendant au-dessus du vide, puis, il la lâcha.
Cassandre
eut un goût amer dans la bouche quand Kratos l’avait appelée pour lui annoncer
que Textil ne serait plus un problème. Mais il n’était pas tranquille pour
autant. Elle avait découvert la fuite sur internet, et les rumeurs allaient bon
train. Les discussions étaient enflammées. Le parti Humanité avait même décidé
d’y mettre son grain de sel, Jean-Pierre le Mène fustigeant le fait qu’un
bâtiment officiel et des privilèges aient été octroyés à des Super qui
pouvaient bien s’avérer être, selon ses dires, des Al Capone en lycra. Kratos
devait à tout prix empêcher Sarramauca d’attaquer la Ligue des Inutiles s’il ne
voulait pas donner plus de grain à moudre aux conspirationnistes. Mais celle-ci
était introuvable. Au vu des menaces que Kratos avait fait peser sur Cuistot,
il n’y avait aucun doute que Sarramauca attaquerait demain. Fiona Lerner se
rendit compte qu’elle avait joué à un jeu dangereux, et elle n’était plus sûre
du tout que Kratos s’en sortirait indemne.
« Bon
sang c’était chaud ! s’exclama Terminacop.
− Ne t’en fais pas je gère. En tout
cas, c’est un coup de chance pour nous, répondit Gravitas.
− Alors on fait quoi ?
− On a toutes les cartes en main, tout
ce qu’il reste à faire, c’est la jouer finement. Ne t’en fais pas, mon gars, on
va s’en sortir indemne, et même grandis ! »
La nuit
venait de tomber. Mehdi regardait par la fenêtre. Claire n’avait rien dit aux
autres de sa relation avec Sarah, mais cela n’allait pas tarder. Il devait en
parler pour désamorcer la situation. Peut-être que ses amis le comprendraient
et le soutiendraient, ou alors, peut-être qu’ils se laisseraient envahir par la
peur, et lui en voudraient d’avoir caché une information aussi capitale que
celle-ci. Mehdi sortait avec une criminelle, qu’il veuille l’admettre ou non,
c’était bien ce qu’était Sarramauca.
« Med…siffla
une voix derrière lui qui le sortit de sa torpeur.
− Sarah ! » s’écria-t-il
joyeusement en la prenant dans ses bras. Celle-ci se blottit contre son torse
un long moment et y enfouit son visage. Mehdi de rendit compte qu’elle
pleurait. Il caressa le haut de sa tête pour la réconforter, plongeant ses
doigts dans la chevelure noire de son amie. Celle-ci finalement releva la tête
et le regarda dans les yeux. Ceux-ci étaient gonflés, elle avait beaucoup
pleuré, et sa mine était soucieuse. Des poches énormes sous ses yeux
trahissaient son manque de sommeil. Mehdi fut désolé de la voir ainsi. Il lui
caressa la joue affectueusement.
Il
s’était assis sur le sofa, et elle s’y était allongée, posant sa tête sur ses
genoux, comme un chat. Ils avaient gardé le silence, et il la caressait, trop
heureux de ce petit moment de tendresse malgré sa coloration mélancolique.
« Med.
Je suis désolée.
− Désolée de quoi ?
− Tu sais…je n’ai jamais aimé personne
de toute ma vie. Mes parents, tu vois, je courais après leur affection, mais je
ne crois pas que je les ai jamais aimés. Et puis ensuite, comme je faisais peur
à tout le monde…Mon pouvoir ne me sert qu’à ça ! à faire le mal autour de
moi.
− C’est faux. Avant que tu n’arrives
dans ma vie, j’avais peur de mon défunt père. J’avais peur de ne pas être à la
hauteur de ce qu’il voulait. Puis, tu es arrivée, et ton pouvoir m’a obligé à
me confronter à ma peur. Aujourd’hui, je suis en paix. Sarah, ton pouvoir…il ne
sert pas à faire peur aux gens, il sert à les aider à combattre leurs
frayeurs. »
Sarramauca
le regarda avec de grands yeux. Elle n’avait jamais vu son pouvoir sous cet
angle. Mais pourtant, effectivement, Mehdi n’avait plus peur en sa présence, sa
voix ne suscitait plus sa plus grande crainte. Il s’y était habitué, il s’y
était accoutumé. Elle ne savait pas s’il avait réussi à la vaincre, sa peur de
décevoir son père, mais il avait réussi à trouver un moyen de vivre avec. Si
seulement elle avait vu son pouvoir de la sorte plus tôt…une vague de tristesse
la submergea.
« Mehdi…même
quand tu me haïras, je continuerai de t’aimer.
− Mais Sarah, jamais je ne pourrai te
haïr… » débuta Mehdi. Mais il fut coupé. Sarramauca déposa un baiser sur
les lèvres de Mehdi. Celui-ci dura longtemps, mais pas assez à ses yeux.
Finalement, elle se leva, et regarda avec regret l’homme qu’elle aimait, avant
de partir. Elle jeta un coup d’œil à l’heure. Il était deux heures du matin,
c’était officiellement le dernier jour de l’ultimatum de Kratos.
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