lundi 10 juillet 2017

Partie 2: Chapitre 15

            Les super-héros étaient au chômage technique. Ils savaient que s’ils intervenaient pour stopper les crimes, ils ne feraient que renforcer l’armée de Gepetto. Et ce dernier en était conscient. Aussi, n’arrêtait-il pas ses attaques. La police était débordée, et n’était pas armée pour lutter contre l’explosion de violence qui avait agité Paris. Gepetto par ailleurs faisait souvent diffuser appels aux supers-criminels qui souhaitaient le rejoindre. Ils étaient nombreux à avoir répondu à son appel. Et des crimes avaient commencé à se multiplier dans les villes voisines, et un peu partout dans le pays. On ne savait pas si Gepetto était encore en ville ou non. Il avait mis la main sur Ubiquita, une super-héroïne qui pouvait se téléporter. Ainsi, il pouvait apparaître n’importe où.
            « C’est complètement hors de contrôle ! On doit pouvoir faire quelque chose ! s’était exclamé Singham.
— Si on agit, il nous contrôlera. On sera désarmés, observa Gravitas.
— On doit pourtant pouvoir faire quelque chose… limiter la casse… » suggéra Textil.
            La Ligue des Inutiles avait été invitée à rejoindre le quartier général de l’Egide afin de discuter des événements. Gravitas rechignait à accueillir la Ligue des Inutiles, elle continuait de se considérer supérieure à ses membres, mais elle devait bien avouer qu’ils étaient devenus une force sur laquelle compter. Tous étaient attablés dans la salle de réunion, hormis Atchoum-Man qui restait debout et regardait par la baie vitrée la ville. Des colonnes de fumée noire s’élevaient de certains endroits.

            « Vous avez entendu la boss. Ce sera trop dangereux d’agir. Si Gepetto met la main sur moi, qui sait ce qui pourrait arriver, grogna Géant.
— Alors le plan, c’est on ne fait rien ? » s’exclama Rocco. Un long silence s’en suivit. Tout le monde regarda ses chaussures, ou sa tasse d café. Rocco dévisagea chacun, puis poussa un ricanement amer. « On porte bien notre nom… » souffla-t-il.
            « Ne rien faire… c’est la politique de l’Egide, déclara la voix d’Atchoum-Man qui n’avait pas quitté des yeux la ville qui s’étendait par -delà la baie vitrée.
— Atchoum-Man, vous allez rester en-dehors de tout ça, déclara Gravitas avec une pointe d’agacement dans la voix.
— On doit limiter la casse. Il ne restera plus rien de la ville…
— C’est trop dangereux !
— Alors on fait quoi, on attend que Gepetto meure de vieillesse ? »
            Punch ne put s’empêcher de sourire. Elle aimait se battre, elle aimait être puissante, et elle ne supportait pas de rester en stand-by alors qu’il y avait tant de criminel à cogner. Elle avait beau mépriser Atchoum-Man pour son pouvoir minable, elle devait avouer qu’il ne manquait pas de courage.
            « On attend et on réfléchit, répondit Gravitas.
— J’ai assez entendu et c’est tout réfléchi. Je ne vais pas laisser des super-criminels se marrer et tout détruire sans rien faire.
— Bien dit Atchoum-Man. Désolé l’Egide, mais on n’est pas du genre à faire de la figuration, s’écria Arcimboldo.
— Et vous ferez quoi quand Gepetto vous aura en son pouvoir ? demanda Singham.
— Il doit bien y avoir au moins un moyen de limiter la casse ! » s’exclama Textil.

            Il y eut un autre long silence. Chacun semblait plongé dans une profonde réflexion. Finalement, c’est Lumen qui brisa le silence.
            « Selon les informations dont on dispose suite à son arrestation, le pouvoir de Gepetto fonctionne sur un rayon déterminé. Entre quatre et six kilomètres selon les estimations.
— Et ? s’enquit Géant.
— Et il ne doit probablement utiliser ses pouvoir que pour commettre des crimes avec des super-héros. Donc, je pense qu’on peut recouper les informations. Si on peut cartographier les crimes, alors on pourrait se concentrer sur ceux dont il est peu probable que Gepetto soit à l’origine.
— Donc, en deux mots, on examine les crimes, et on intervient sur ceux qui n’impliquent que des super-criminels notoires et qui se déroulent à six kilomètres de ceux perpétrés par des super-héros ? Lumen, c’est génial ! s’exclama Textil.
— Vous ne ferez rien ! Même si ce plan fonctionnait, vous oubliez que Gepetto peut se téléporter grâce à Ubiquitas. Je vous ordonne de rester en stand-by et d’observer la situation ! hurla Gravitas hors d’elle.
— Désolé Gravitas, mais tu n’as aucun ordre à nous donner. » sur ces mots, Atchoum-Man se dirigea vers la sortie d’un pas nonchalant. Tear, Arcimboldo, Cuistot, Textil et Rocco se levèrent et le suivirent.
            Gravitas était hors d’elle. Sous son casque, son visage était figé dans une colère froide. Elle fut tirée de ses pensées rageuses par le son d’une chaise qui bougeait. Elle se rendit compte que Lumen venait de se lever.
            « Tu vas où ?
— Je rejoins le combat.
— Si tu passes cette porte, tu ne reviendras plus parmi nous. C’est ce que tu veux ?
— Ça me va. J’ai déjà une équipe. » se contenta-t-elle de répondre avant de quitter l’Egide.

            Michael Perséphone avait accueilli les membres de la Ligue des Inutiles chez lui. Il avait mis à disposition de l’équipe son équipement qui lui permettait d’espionner les communications de la police. Tous avaient été agréablement surpris de voir que Lumen était revenue auprès d’eux.
            « Atchoum-Man va enfin dégager du poste de Leader, maintenant que Lumen est de retour ! s’était exclamé Tear.
— Non, je pense que Greg fait un super Leader pour cette équipe. » avait alors rétorqué Lumen. Une carte avait été déployée et les crimes avaient été répertoriés. Ainsi, comme l’avait prédit Lumen, les crimes commis par les super héros sous le contrôle de Gepetto avaient chacun eu lieu dans un rayon de six kilomètres. Au-delà, ce n’étaient que des crimes commis par des super-criminels qui avaient rejoint le mouvement de Gepetto.
            « On sait donc où se trouve Gepetto. Cela devrait simplifier sa recherche, observa Cuistot.
— Il n’est pas question de le chercher, mais de s’en éloigner. Gravitas avait raison sur un point. Il serait catastrophique que nous tombions dans ses griffes.
— On va se séparer en binômes. Cuistot, tu feras équipe avec Lumen. Si Gepetto débarque, elle pourra te faire fuir avec son pouvoir. Arcimboldo, avec Textil. Rocco et Tear vous faites équipe.
— Et toi ? demanda Textil.
— Il en faut un pour conduire le van. Une fois le criminel mis à terre, il faudra bouger au plus vite, avant que Gepetto ne puisse nous rejoindre. »
            Chacun approuva le plan. Mike décida qu’il serait en communication avec eux, afin de les tenir au courant des mouvements des criminels en direct.

            Les gens hurlaient et courraient en panique. Sataniel, un super-criminel dont le pouvoir était de générer du feu sur tout le corps était en train de dévaster le quartier des abbesses. La scène était absolument apocalyptique. La silhouette enflammée éclatait de rire en touchant tout ce qu’elle pouvait. Un homme trébucha en courant, et se retourna, en pleurs. Il vit le démoniaque criminel s’approcher de lui, prêt à le carboniser. Mais alors, le corps du criminel fut emmitouflé dans une combinaison intégral à la matière ignifugée. Surpris, Sataniel tourna la tête de tous côtés. Finalement, une noix de coco vola jusqu’à sa tête. Il fit une chute spectaculaire, et demeura au sol, inanimé. Une camisole apparut alors, restreignant ses mouvements.
            L’homme tourna la tête, et reconnut les silhouettes de Textil et Arcimboldo, les deux Inutiles qu’il avait déjà vus à la télé. Se levant, il les regarda avec reconnaissance et articula un « Merci. » qui ne franchit pas la barrière de ses dents. Sa voix était étouffée par l’émotion et le choc.

            Shiva était une dangereuse criminelle. Cette femme d’une quarantaine d’année au physique robuste était une braqueuse, mue par des pulsion violentes. Ses pouvoirs lui permettaient de se faire pousser de nombreux autres bras dont elle se servaient pour tabasser les gens. Elle semblait en furie, et s’était mise à agresser les gens dans la rue Barbès. Et elle prenait un malin plaisir à ne laisser derrière elle que des masses sanguinolentes et gémissantes. Soudain, alors qu’elle décida de passer ses nerfs sur une femme enceinte, elle eut une étrange attaque émotionnelle. Sans savoir pourquoi, elle s’était sentie triste. Vide. Des millions de questions lui traversèrent l’esprit, et elle en vint à se demander quelle était sa place dans la vie. Peut-être qu’elle devait se reconsidérer, que ses choix avaient tous été mauvais, que…
            Un poing géant vint s’abattre sur elle et l’écrasa contre un mur. Shiva fut sonnée un moment, se demandant d’où vint le coup. Elle vit alors la silhouette d’un homme dans une tenue de lycra noire avancer vers elle. C’était Rocco. Elle se remit les idées en place, et adoptant une posture de combat, quatre autres bras apparurent le long de ses côtes. Elle courut vers son adversaire. Le poing gauche de celui-ci s’étendit et fonça comme une fusée vers elle. Elle l’esquiva et évita le poing droit de la même manière. Rocco était désarmé. Elle sourit. Soudain, sa vision se troubla. Des larmes venaient de remplir ses yeux.
            Elle ne vit pas les deux mains de Rocco, réunies derrière elle, revenir comme un élastique relâché après l’avoir trop tendu. Les deux mains de Rocco attrapèrent l’arrière de la tête de Shiva et l’avança vers la tête de Rocco qui la mit au tapis en un coup de boule. A Peine Shiva mise à terre, Tear lui attacha les mains et les pieds. Les sirènes de police retentirent, et le van de la Ligue des Inutiles arriva en trombe. La porte s’ouvrit, ils sautèrent à l’intérieur, et Atchoum-Man mit les gaz.

            La police recevait tout un tas d’appels. Un peu partout, des criminels étaient appréhendés. Il ne leur restait qu’à les recueillir. Selon les témoins, la Ligue des Inutiles était derrière ces arrestations, et les autorités étaient partagées entre l’agacement de voir leurs consignes ignorées et le soulagement. La Ligue des Inutiles travailla toute la journée, et il semblait qu’ils étaient parvenus à éviter Gepetto. Les informations se mirent à pleuvoir sur toutes les chaînes de télévision.

            Le soir venait de tomber, et Gepetto était assis dans le luxueux appartement qu’il avait investi illégalement après avoir éliminé son propriétaire. Il était assis sur un fauteuil luxueux. Dans la cuisine, Skate-Man et un autre super-héros étaient en train de cuisiner contre leur volonté. Assise au sol, aux pieds de Gepetto, Ubiquitas pleurait silencieusement. Elle aurait voulu pouvoir se téléporter, mais Gepetto la maintenait sous son contrôle. Le marionnettiste regardait avec attention les informations.
            « Ils ne sont pas mauvais ces Inutiles. Ils ont parfaitement su discerner une de mes failles. C’est sûrement parce qu’ils sont faibles eux-mêmes. » Il semblait prendre peu ombrage que la Ligue des Inutiles ait pu proposer une résistance à son plan. Il souriait même, et ses yeux étaient ceux d’un chien fou.

            Le présentateur du journal annonça qu’un message de la Ligue des Inutiles avait été transmis à toutes les chaînes de télévision et avait été diffusé sur Internet. Aussitôt après apparurent à l’écran sept silhouettes face à un mur. Il s’agissait des membres de la Ligue des Inutiles, et Lumen semblait les avoir rejoints de nouveau.
            « Nous sommes la Ligue des Inutiles, et nous avons une annonce importante à faire ! Alors nous demandons toute votre attention ! commença Tear.
— Nous ne pouvons pas rester les bras croisés alors qu’un fou est en train de saccager la ville et de mettre en péril la paix entre les citoyens, ajouta Cuistot.
— Nous parlons de toi Gepetto. J’imagine qu’on t’a laissé faire le malin suffisamment longtemps ! grogna Rocco.
— Nous savons que tu es puissant. Peut-être même que tu es hors de notre portée. Mais cela ne signifie pas que nous fermerons les yeux sur tes crimes et ceux de tes amis, ajouta Textil.
— Aussi, nous refusons tout simplement d’obéir à la consigne nous ordonnant de ne pas intervenir en cas de crimes, déclara Arcimboldo.
— Gepetto, rien ne nous est impossible. Et nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour redonner espoir à la population annonça Lumen.
— La récré est terminée. Prépare tes fesses Gepetto, parce qu’on arrive ! » conclut Atchoum-Man. La vidéo laissa alors place au présentateur qui se mit à la commenter inutilement avec un expert choisi au hasard.
            Gepetto avait pâlit, ses yeux étaient rivés sur l’écran. Puis, il se mit à rire, de plus en plus fort. Ubiquitas lui lança un regard inquiet. Il était rare qu’il soit si expressif.
            « Quelle époque ! Mais que je suis heureux de vivre à cette époque ! » répétait-il.



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