lundi 24 juillet 2017

Partie 2: Chapitre 16

            « Ils ne sont vraiment pas croyables, ces gars-là ! » s’écria Wandrille en regardant l message que la Ligue des Inutiles avait adressé à Gepetto. Il était dans un bar, et regardait un match diffusé à la télé quand la retransmission avait été interrompue. Il risqua un regard autour de lui, et il se rendit compte, en voyant le visage des individus autour de lui, que les Inutiles avaient insufflé quelque chose dans leur corps. C’était l’espoir. Et il y aurait probablement moyen de capitaliser dessus.
             « C’était imprudent. Mais nécessaire, déclara Michael aux membres de la Ligue.
— Je suis d’accord. Nous avons passé les derniers jours à réduire le nombre de crimes. Cependant, il se peut que Gepetto essaie de nous piéger, observa Cuistot.
— C’est là-dessus qu’on compte. Si Gepetto n’est pas stupide, il réduira le périmètre de ses attaques pour essayer de nous piéger, expliqua Lumen.
— Et on y gagne quoi ? demanda Rocco.
— Tout d’abord, ça permet d’éviter de se retrouver par les crimes. Ensuite, ça nous permettra de réduire le champ de recherche pour mettre la main sur lui, répondit Lumen.
— On va vraiment faire ça ? Essayer d’attraper Gepetto ? s’exclama Cuistot.
— Si Wandrille était là, il sauterait jusqu’au plafond, déclara Tear en haussant les épaules.
— On s’en fout de la com. C’est arrêter Gepetto, notre priorité, c’est bien ça, Chef ? demanda Textil à Atchoum-Man.
— Ouais. » se contenta-t-il de répondre laconiquement. Il demeurait inquiet. Jusque-là, le plan s’était bien déroulé, mais il ne pouvait s’empêcher de penser que la Ligue n’était pas prête à affronter Gepetto. C’était comme une sorte de pressentiment qui refusait de le lâcher.
            « Mike, tu nous as dit que pour combattre Gepetto, il fallait qu’on apprenne à mieux connaître nos pouvoirs. Tu peux nous donner une piste ? demanda-t-il après un moment de silence.
— Bien sûr. Installez-vous bien, ça pourrait être long.

            Vous savez, aujourd’hui encore, nous ignorons pourquoi l’humanité a développé ces capacités. Nous savons les dépister, nous savons les utiliser, mais nous ignorons d’où ils viennent, nous ne savons pas pourquoi ils diffèrent selon les individus, et nous ignorons ce qui détermine leur puissance. Certaines théories soulignent que ces pouvoirs ne sont autres que la nouvelle étape de notre évolution, et que si les pouvoirs divergent, c’est parce que nous en sommes à nos balbutiements. La théorie dite du « bêta-test » suppose que ces pouvoirs que nous avons permettent de tester ceux qui seront les plus adaptés à l’espèce humaine et à terme, l’humanité devrait conserver les pouvoirs qui se seront révélés les plus utiles.
— C’est une théorie un peu sinistre. Certains supposent que les supers seront voués à s’entredétruire, c’est le pouvoir survivant qui deviendra la norme, intervint Arcimboldo.
— Rien n’étaye cette théorie, bien sûr. Cependant, j’y ai beaucoup réfléchi, et j’ai bien observé vos pouvoirs. J’ai donc émis une hypothèse totalement différente, bien qu’elle puise ses fondations dans la théorie du « bêta-test ». Et si les pouvoirs des super-héros étaient une version 1.0 des pouvoirs qui apparaîtront dans le futur ? Et si ces pouvoirs étaient amenés à évoluer ? Et si les pouvoirs des Inutiles étaient les brouillons de la prochaine étape ?
            Ne me regardez pas comme ça, je vais m’expliquer. Vous savez comme moi que les pouvoirs sont amenés à évoluer avec l’utilisation et l’expérience. C’est ce qui est arrivé à Lumen et même à Tear. A la lumière de ces éléments, cette hypothèse ne parait pas si folle. Parmi les nombreux pouvoirs que nous avons recensés, certains n’existent pas. C’est le cas du pouvoir de contrôle mental et de l’autorégénération par exemple.
— Le pouvoir de Sarramauca est un pouvoir de contrôle mental, non ? demanda Cuistot.
— Non, il s’agit du son de sa voix qui stimule la partie du cerveau qui contrôle les peurs. Quant à sa capacité d’absorber les peurs, il s’agit plutôt d’une sorte d’hallucination qui la pousse à amplifier les effets de son pouvoir, ce qui cause le décès de ses victimes. Son pouvoir reste d’ordre physiologique.
— Et le pouvoir de Tear alors ? s’enquit Cuistot.
— On y arrive. Les pouvoirs respectent également les lois physiques naturelles. Rien ne se créée, rien ne se perd, tout se transforme…
— Lavoisier ! s’exclama Rocco, fier de lui.
— Oui… bien joué… Un bon point. Maintenant, je peux finir mon raisonnement ? Bien. Si vous avez été attentifs, vous devez commencer à comprendre où je veux en venir…
— Je crois comprendre… murmura Textil.
— Textil, ton pouvoir défie toute logique. Il ne devrait pas exister. Tu es capable de créer de la matière à partir de rien, et où tu le désires. Je crois que tu es la première personne au monde à disposer d’un tel pouvoir. Arcimboldo a également un pouvoir dans ce genre, bien qu’il ne crée pas des fruits à partir de rien. Disons plutôt que son pouvoir l’amène à déborder de vitalité. Il est capable de générer des fruits par photosynthèse. Ton pouvoir est moins vivace la nuit, je ne sais pas si tu l’avais remarqué.
— Attends, tu veux dire que nos pouvoirs sont…
— Ce n’est pas tout. Cuistot, tu te rappelles la fois où tes doigts transformés en lames se sont brisés ? Combien de doigts as-tu ? Tu es le premier être humain à avoir un pouvoir régénérateur. Cependant, ta régénération passe par un état intermédiaire. Je ne sais pas pourquoi tes membres se transforment en ustensiles de cuisine, cependant.
            On en vient ensuite à Tear, mais aussi à Atchoum-Man. Tear, ton pouvoir a évolué, au point de pouvoir agir sur le moral de tes adversaires, même légèrement.
— Ce n’est pas si différent de Sarramauca, si ?
— Sarramauca utilise sa voix. Toi, tu utilises ton esprit. C’est là qu’est la différence majeure. Ton pouvoir, Tear, c’est un début de contrôle mental. Quand à Atchoum-Man, il est capable de faire réagir le corps d’autrui rien qu’en y pensant.
— Le pouvoir d’Anima n’entre-t-il pas non plus dans le cadre du contrôle mental ? s’enquit Arcimboldo.
— Non, c’est du transfert spirituel. Elle contrôle effectivement le corps de ses ennemis, mais c’est tout comme Gepetto, une faculté qui tend plus sur le physique que le mental.
— Mike, tu es en train de nous dire qu’en fait, les Inutiles ont des pouvoir ultra pétés en fait ? s’exclama Rocco.
— Oui. Seulement, il semble que le corps humain ne soit pas encore adapté à l’utilisation de ces pouvoirs. C’est pourquoi ils sont peu fonctionnels, ou ridicules. Les gens ont tendance à ne pas utiliser leurs pouvoirs Inutiles, et de fait, ils ne réalisent pas leur potentiel. La pression sociale qui se met en travers de l’évolution.
— Tu es en train de nous dire qu’on peut devenir de vrais dieux en nous entraînant ? demanda Tear avec une pointe d’excitation dans la voix.
— Non. Je ne pense pas qu’il soit aujourd’hui possible de vous permettre de révéler la totalité de votre potentiel. L’évolution est un processus long. Cependant je pense que, si nous laissons les Inutiles utiliser leurs pouvoirs durant peut-être une dizaine de générations, nous verrions des pouvoirs dépassant l’imagination débarquer.
— On dirait un cauchemar pour l’extrême-droite. Si Le Mène t’entendait, il nous crucifierait tous, observa Cuistot.
— Et les pouvoirs comme celui de Raijin ? demanda Lumen.
— Il existe deux catégories de pouvoirs. Ceux qui augmentent les habilités physiques, c’est le cas de Punch, par exemple, et ceux qui favorisent l’affinité avec un élément de l’environnement. Il s’agit de pouvoirs « bruts », plutôt simples quand on y pense.
— Terminacop a un pouvoir similaire au mien, non ?
— Non. Ses membres se transforment en fusils, mais il ne peut pas les régénérer. Contrairement à toi, il a des terminaisons nerveuses dans ses membres transformés. Toi, Cuistot, quand tu transforme tes doigts, ceux-ci sont détruits, puis des lames apparaissent. Quand tu annules ta transformation, tu as de nouveaux doigts. »
            Michael vit que le regard de Cuistot était la définition même du terme dubitatif. Il prit donc un couteau, qui trainait sur la table et d’un geste rapide, il entailla l’index de Cuistot qui poussa un cri de surprise. « Transforme ce doigt » se contenta de dire Michael en ignorant les exclamations de Cuistot. Ce dernier s’exécuta. Son doigt devint un couteau, puis redevint un doigt. Chacun étouffa un cri de surprise. Le doigt de Mehdi ne présentait plus de plaie.
            « Vous devez apprendre à connaître vos pouvoirs. Au train où vont les choses, il est évident que Gepetto mettra la main sur un ou plusieurs d’entre vous, si vous continuez de le gêner. Il est impératif que vous connaissiez mieux vos pouvoirs que lui-même. »

            Cela faisait beaucoup d’informations à digérer, aussi Michael décida-t-il d’ajourner la réunion. Chacun des membres de la Ligue avait eu le tournis. Ils avaient beau retourner dans tous les sens les propos de Michael, ils avaient beaucoup de mal à croire que les pouvoirs qu’ils avaient tant maudits, durant de si nombreuses années étaient des pouvoirs qui en vérité confinaient presque à la divinité.
            « J’aurais dû demander à Mike à quel point mon pouvoir est pété en fait, s’exclama Rocco, une fois qu’ils eurent franchi la porte de l’immeuble.
— Tu… tu n’es pas un Inutile à la base, Fabrice… bredouilla Gaëlle en ouvrant de grands yeux.
— Toi non plus ! » répondit Rocco, un peu vexé. Lumen prit la mouche et les deux se mirent à se disputer.
            Greg laissa échapper un petit sourire. Il semblait que l’engueulade restait l’un des pouvoirs les plus puissants au sein de la Ligue des Inutiles. Il massa son cou endolori. Les derniers jours avaient été fatigants, et il était content de ne pas porter son costume.
            « Gregounet ! s’exclama une voix masculine.
— Gregounet ? demanda Lumen qui oublia un instant qu’elle était occupée à se disputer avec Fabrice.
— Oh merde… lâcha Greg en voyant Wandrille s’approcher de lui. Tous les membres de la Ligue des Inutiles étaient en civil, et il ne souhaitait pas qu’il connaisse leur réelle identité.
— Hey Greg. La forme ? Wandrille regarda autour de lui et dévisagea les amis d’Atchoum-Man.
— Salut Wandrille…
— Oh et salut la Ligue. Je vais faire comme si vous portiez tous vos déguisements.
— C’est qui ce gars ? demanda Gaëlle.
— C’est Wandrille. Il s’occupe de notre com, expliqua Claire.
— C’est vrai qu’on vous a souvent vus à la télé ces derniers temps, observa Gaëlle. Enchanté Wandrille, je suis Lumen.
— Lumen ? Tu reviens au sein de la Ligue ? Oh y a moyen de raconter une super histoire de retour gagnant et de se faire un max de pesos ! »
            Greg haussa les épaules et passa son chemin, talonné par ses amis. Mais alors, Wandrille se précipita vers lui et attrapa son épaule.
            « Greg. Vous allez vraiment provoquer Gepetto ? demanda-t-il.
— Ouais. Quelqu’un doit le faire, répondit Greg.
— Tu sais que vous allez vous faire tuer, dans le meilleur des cas ?
— Ca va être compliqué de se faire des thunes, si on crève, hein ? le provoqua Tear.
— Oui. Vous avez plus de valeur, en vie. »
            Greg reprit sa route. Wandrille l’interpella. Greg se retourna, ressentant une légère irritation.
            « Je crois en vous, bande de nazes, alors n’allez pas vous faire tuer !
— Ferme-là, et fais notre pub ! » répondit Greg sans se retourner. Gaëlle se rendit compte qu’il était en train de sourire. Elle se retourna, et se rendit compte que Wandrille faisait de même. Elle ne connaissait pas ce type, mais il semblait qu’un lien s’était tissé entre lui et ses amis, en son absence.
            Wandrille les regarda s’éloigner. Il les avait méprisés au début. Mais après les avoir côtoyés, il en avait acquis la certitude. Ces gaillards étaient issus de l’étoffe dont on fait les légendes.

            « La Ligue des Inutiles a vraiment sorti le grand jeu. Tu ne crois pas qu’on devrait faire quelque chose ? demanda Anima, qui se trouvait sur le perron de la maison que louait Cyril Marvel.
— Ils n’ont jamais manqué de courage, lui répondit-il.
— Toi non plus. Enfin, jusqu’à aujourd’hui.
— Qu’est ce que tu veux Anima ?
— Faire mon job de super-héros. Mais pour ça, on va avoir besoin de toi.
— On ? »
            Cyril lança un regard dans la rue. Il vit trois silhouettes s’approcher d’Anima. Il eut un regard étonné en les dévisageant. Ondine, Pïerre et Dragon se tenaient à côté d’elle, l’air déterminé.
            « Qu’est-ce que vous foutez ?
— On va mettre une trempe à Gepetto. Tu viens ? demanda Ondine.
— On a besoin de ta force, Raijin, ajouta Dragon.
— Je suis à la retraite.
— Raijin, arrêtes de te mentir à toi-même. Tu n’es pas le genre de gars à tourner le dos aux gens dans le besoin. Et je peux te dire qu’en ce moment, ils sont nombreux. » s’exclama Lumen.

            Raijin poussa un soupir. Ces quatre paires d’yeux braquées sur lui avec cet air déterminé avaient quelque chose d’énervant. C’était peut-être parce qu’il aurait juré qu’il pouvait y voir son image se refléter. Et qu’il n’aimait pas ce à quoi elle ressemblait.

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