Angelure ne savait pas pourquoi elle
devait attaquer une épicerie, mais tout ce qui pourrait la libérer de l’emprise
de Gepetto était bon à prendre. Elle fit son entrée dans les lieux et remarqua
le regard concupiscent que lui avait lancé l’épicier. C’était un jeune homme
qu’elle trouvait assez repoussant, avec son teint de cadavre, et cette
moustache fine de pervers. Il lui lança un petit sourire et passa une langue
scabreuse sur ses lèvres. Angelure répondit par un sourire éclatant. Elle
allait prendre un grand plaisir à le tuer.
« Je
peux faire quelque chose pour toi, bébé ? lui demanda-t-il d’une voix
nasillarde.
— Oui. Est-ce que tu peux mourir pour moi,
s’il te plaît ? » lui demanda-t-elle d’une voix mielleuse. L’expression
de surprise de l’épicier resta figée sur son visage, alors que la criminelle,
posant une main sur chaque joue, lui gela la tête. Il resta debout, tentant de
marcher d’un pas titubant, et lançant ses mains dans toutes les directions.
Pendant ce temps, Angelure alla vers l’étagère qui contenait les bouteilles de
vin et en prit une. Elle la déboucha, en sentit le contenu et grimaça. Puis,
elle lança d’un geste rapide et précis la bouteille dans la tête du vendeur.
Un
bruit brutal et cristallin se fit entendre. Le corps s’affala, et la tâche
rouge qui était éclaboussée contre le mur mêlait sang et vin, dégoulinant
mollement le long de la paroi comme des larmes écarlates. Elle était
satisfaite, et se prépara à aller faire son rapport à Gepetto, quand elle
aperçut une silhouette dont l’ombre se découpait à l’entrée. Cette silhouette,
reconnaissable entre mille était celle de Terminacop.
Il
aurait dû intervenir plus tôt, se maudit-il. Elle avait déjà commis un carnage.
Quand il avait fait son entrée dans la boutique, la tête du vendeur avait déjà
éclaté comme une pastèque. Il leva le bras vers Angelure qui se tenait immobile
et ses doigts se transformèrent en canons de mitrailleuse. Le réticule de visée
installé dans son casque indiquait les points non vitaux qu’il pourrait toucher
afin d’immobiliser Angelure, chaque cible était agrémentée d’un pourcentage qui
indiquait les chances de survie d’Angelure en cas d’impact. Il avait besoin
d’elle en vie s’il voulait espérer retrouver la trace de Gepetto.
« Tu
es venu jeter un froid, Robotor ? demanda Angelure dans un sourire
malsain.
— C’est Terminacop. Tu vas me suivre et
répondre à mes questions, et tu vas retourner gentiment en cellule.
— Je ne crois pas, Terminacop. Tu ne
t’imagines pas ce qui va s’abattre sur le monde.
— Oh que si, j’imagine. Tu vas me dire où
trouver Gepetto. »
Angelure
ouvrit de grands yeux étonnés. Ainsi il était au courant. Ce serait mauvais
pour elle de se retrouver prise entre deux feux, si Terminacop et ses
partenaires décidaient de s’attaquer à Gepetto. Elle avait accompli sa mission,
à présent, elle n’aspirait qu’à faire son rapport à Gepetto avant de s’en
aller. Et ce ne serait pas Terminacop qui se mettrait en travers de sa route.
Alors pour réponse, elle tendit sa main vers lui, et de ses doigts jaillirent
des grains de poussière de glace. Terminacop esquiva l’attaque en se jetant sur
le côté. Le mur se couvrit de givre et la température chuta dramatiquement dans
la boutique.
Terminacop,
qui s’était planqué derrière un présentoir, bondit et fit feu de tout bois.
Mais Angelure matérialisa un mur de glace qui lui fit office de bouclier.
Cachée derrière, elle fit apparaître dans sa main une lance de glace qu’elle
lança en direction de Terminacop qui la fit éclater en transformant son
avant-bras en canon. Le mur de glace qu’Angelure avait dressé pour la protéger
vola aussi en éclats. Elle parvint à s’éloigner du danger en glissant au sol au
moyen d’un tapis de glace qu’elle faisait apparaître sous ses pieds. Elle tenta
de faire émerger une stalagmite sous les pieds de Terminacop qui l’évita au
dernier moment, se prémunissant de tout risque d’empalement.
Angelure
profita de ce moment pour glisser jusqu’à la sortie, espérant s’échapper. Mais
une détonation éclata, et un petit obus explosa un peu devant elle, donnant
naissance à un nid de poule qu’elle ne put esquiver. Elle trébucha et tomba sur
le bitume en roulant. Elle parvint pourtant rapidement à se remettre, et fit
volte-face pour se retrouver face à Terminacop qui avançait sur elle, affichant
un air implacable. Angelure lança des rafales gelées sur Terminacop qui les
esquiva et courut vers elle. Il avait transformé son bras droit en fusil à
pompe et tira une décharge de chevrotine qu’elle para avec un autre mur de
glace. Mais, si elle avait échappé au tir, elle dut se couvrir les yeux pour
éviter les particules de givre qui flottèrent dans les airs. C’est l’occasion
que saisit Terminacop pour la frapper au visage avec son bras canon.
Il
pointa son canon sur elle alors qu’elle était au sol. Terminacop, sous son
casque, affichait un sourire arrogant. Bien entendu qu’il n’allait pas perdre
face à une criminelle du calibre d’Angelure. Il était bien trop puissant pour
elle. C’était cependant regrettable qu’elle ait eu le temps de faire une
victime.
« Tu
vas maintenant me dire où je peux trouver Gepetto, lui demanda-t-il, baissant
tout de même la voix, bien que la rue fût déserte.
— Je ne suis pas sûre que tu aies
réellement envie de le retrouver ! » ricana-t-elle dans un air de défi.
Pour toute réponse, il tira une balle à deux centimètres de son oreille.
Angelure ne put s’empêcher de sursauter en poussant un petit cri de surprise.
Terminacop n’allait pas réitérer sa demande une fois de plus. Mais Angelure
avait bien plus peur de ce que lui ferait Gepetto si elle le dénonçait.
Terminacop ne pourrait pas l’abattre si elle restait au sol ainsi, ne serait-ce
que pour des questions d’image, elle en était bien consciente.
Terminacop
s’était rendu compte du petiot manège d’Angelure, et il n’apprécia pas le fait
que celle-ci puisse croire qu’elle pouvait se jouer de lui de la sorte. Il
était vrai qu’il n’avait aucun intérêt à la tuer, surtout s’il voulait qu’elle
parle, mais il pourrait probablement la torturer. Il songea à lui tirer une
balle dans la main, après tout, son pouvoir venait de là… il pourrait toujours
dire qu’elle avait eu un mouvement brusque…
Il
s’apprêta à tirer sur elle, le bras tendu, quand il se rendit compte qu’il
avait du mal à bouger. Son cerveau avait beau ordonner à son bras de tirer,
celui-ci refusait d’obéir. Et ce n’était pas que son bras, se rendit-il soudain
compte. Son bras, ses jambes, même sa tête, rien ne bougeait, il paraissait
être immobilisé. Angelure s’en rendit compte, et, un sourire diabolique aux lèvres,
elle matérialisa un pic de glace dans sa main droite, toisant d’un air menaçant
Terminacop.
« Non,
Angelure, je vais avoir besoin de notre ami ! » s’exclama une voix
masculine qui prit Terminacop par surprise. Il y avait dans cette voix quelque
chose d’effrayant, dans la façon avec laquelle celle-ci paraissait chaleureuse
sans l’être réellement. Cette voix, c’était comme une lumière faite avec des
ténèbres. Il y avait quelque chose de faux dans cette voix, ou plutôt dans le
ton de celle-ci, qui faisait que les poils se hérissaient et qu’un sentiment de
malaise s’installait. C’était la voix d’une personnalité diabolique qui tentait
de feindre la gentillesse. Il ne pouvait pas bouger, mais il se doutait de
l’identité du possesseur de cette voix. Ce n’est qu’à ce moment qu’il se rendit
compte de ce qi avait causé son apparente paralysie, et cette idée lui fit
froid dans le dos.
« Terminacop,
c’est un grand plaisir de te voir. Je ne pensais pas que tu serais le premier à
tomber dans mes filets ! » sourit Gepetto. Terminacop força sur son
corps, refusant de croire qu’il soit réellement sous l’emprise de Gepetto. Mais
comme pour lui prouver que ce qu’il vivait est réel, Gepetto bougea les doigts
comme un marionnettiste et le corps de Terminacop se mit à se mouvoir, en dépit
de toute volonté. Le super-héros se mit alors à faire des gestes ridicules, et
son corps prit des positions grotesques.
« Tu
voulais que je l’attire ici ? lui demanda Angelure.
— Lui ou un autre. Il me fallait un
Super-Héros, alors je me disais que j’allais en attirer un en t’envoyant en
mission. Je suis très fier du résultat.
— Très bien. Donc, je suis libre, c’est
bien ça ? Tu m’avais dit que tu me laisserais partir si j’attaquais cette
épicerie ! » déclara Angelure d’une voix mal assurée. Un éclair
mauvais passa, l’espace d’un instant, dans le regard de Gepetto. Mais, aussitôt
après, il reprit sa composition, et son sourire revint sur son visage.
« Bien
entendu, je n’ai pas oublié Angelure. Mais, avant, il y a juste une toute
dernière chose que j’aimerais que tu fasses pour moi !
— Une… une dernière chose ? Angelure
n’aimait pas trop la tournure qu’avait pris la conversation. Elle se demanda si
Gepetto avait réellement l’intention de la libérer de son emprise.
— Une toute dernière. Promis, après ça, tu
n’auras plus jamais affaire à moi. » elle acquiesça cependant, peu
rassurée. Terminacop, entre rage et désespoir, avait gardé le silence. Il était
entièrement à la merci du pire psychopathe de tous les temps. Il pouvait tout
aussi bien se considérer comme mort. Il suffisait simplement que Gepetto le
décide. Ses pieds s’activèrent sans son accord, et son corps suivit le vieil
homme, faisant fi de sa propre volonté.
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