lundi 20 février 2017

Partie 2 : Chapitre 2

Sylvain n’a jamais été quelqu’un de bien. Son père le lui répétait sans cesse dans son adolescence. Tout petit déjà, Sylvain aimait faire pleurer ses camarades de classe. Devenu adolescent, il avait profité de sa croissance généreuse pour donner des coups de poings aux autres. Il avait eu des problèmes, n’avait jamais fini sa scolarité, et se trouvait trop bien pour s’insérer dans une société dans laquelle il ne voulait pas se reconnaître. Il se considérait bien meilleur que tous les autres, aussi, il avait décidé qu’il n’avait pas à se fier aux règles qui n’étaient bonne que pour les faibles. « Personne ne peut me juger. » disait-il souvent. Sauf que si, un juge pouvait le juger. Et lorsqu’il fut condamné à de la prison pour vol aggravé, il s’était fait des contacts franchement peu recommandables. Et c’était avec ces gens-là qu’il avait panifié le braquage de la banque, en pleine heure de pointe, auquel il participait, paradant fièrement avec son fusil à pompe et respirant difficilement sous son masque de clown.



            Les gens étaient au sol et attendaient fébrilement que le bandit qui remplissait les sacs de sport de billets finisse sa besogne et donne à ses camarades le signe qu’il était temps de s’en aller. Pour tout le monde présent, braqueurs comme otages, cela paraissait durer une éternité. Chacun des bandits portait un masque grotesque. Masques de cochon, de clown souriant, d’halloween…les braqueurs ressemblaient à des formes monstrueuses issues des cauchemars d’un fou.
            Sylvain éternua sous son masque. Alors, tous les braqueurs se figèrent au même moment, lançant des regards partout. Les huit bandits semblaient sur le qui-vive. « Merde j’ai de la morve plein la tronche… » geint Sylvain avant que l’un de ses amis ne lui conseille en des termes rudes de la fermer. Les armes furent pointées partout. Un autre braqueur éternua, suivi d’un troisième. Finalement, tous se mirent à éternuer.
            « ATCHOUM ! On sait qu’t’es là AtchouATCHOUM-man ! Tu m’as foutu de la morve plein la tronche !
— Comme si c’était la seule chose que tu prendras en pleine face aujourd’hui ! » s’exclama une voix. Sylvain sentit quelque chose de dur s’écraser et éclater contre son visage. Une odeur de pastèque flottait. Il tomba en arrière et s’effondra au sol, sur le dos. Hagard, il s’aperçut qu’il avait face à lui Arcimboldo de la Ligue des Inutiles. Le super-inutile portait sa tenue de catch sombre, avec son masque de luchador. Deux énormes pomelos asiatiques poussaient dans le creux de ses mains. Il en lança un à l’un des braqueurs qui s’apprêtait à faire feu. Sylvain le bandit se releva péniblement, prêt à attaquer Arcimboldo qui lui tournait le dos, mais un son creux et métallique résonna. Il sentit un choc magistral derrière sa tête. Se retournant, il se retrouva face à face avec Cuistot. Ses mains s’étaient transformées en poêles en fonte. La tête de Sylvain bourdonna et il tomba au sol. 
            « Faites gaffe ! C’est la Ligue des Inutiles ! hurla un braqueur dont la voix était étouffée par son masque de Donald Duck.
— J’ai toujours rêvé d’entendre les mots « fais gaffe, c’est la Ligue des Inutiles » dans la bouche d’un voyou, s’exclama Cuistot.
— Oui, ça fait chaud au cœur ! C’est la preuve qu’on commence à être reconnus, répliqua Arcimboldo.
— Le bla-bla, ce sera après le boulot les jeunes ! » gronda Tear qui sortit de l’ombre.
Tout comme Arcimboldo, sa tenue avait légèrement changé. Son masque était toujours blanc et vierge de tout motif si ce n’est des lignes stylisées bleues qui semblaient s’écouler des ouvertures pour les yeux, mais celles-ci étaient devenues plus larges. Sa tenue était d’un bleu plus sombre et des plaques étaient visibles sur le torse, aux chevilles et aux poignets. Ses gants avaient aussi des parties rigides au niveau des jointures.
            Il leva les deux mains et tous les brigands furent aveuglés par des larmes abondantes. Le pouvoir de Tear avait légèrement évolué, et à présent non seulement il pouvait faire couler plus de larmes, mais il avait aussi découvert qu’il pouvait provoquer une baisse de l’enthousiasme chez les gens qu’il ciblait. Michael Perséphone avait émis l’hypothèse qu’à terme, son pouvoir lui permettrait de contrôler les sentiments et l’humeur des gens. Les bandits sentirent que le combat était désespéré et c’était probablement du fait du pouvoir de Tear.
            L’un d’eux pourtant, reprit du poil de la bête et se précipita vers Tear, arme au poing. Mais il chuta violemment : un pantalon s’était matérialisé sur lui, et mais celui-ci paraissait mal enfilé, le bandit avait ses deux jambes prisonnières de l’une du pantalon. Textil se contenta d’entrer par la grande porte. Elle portait toujours son chapeau stylisé à plumes, qu’elle ajusta dans un geste élégant. Un bandit se jeta vers un homme, l’un des otages et, collant son dos à un mur, tout en pointant son revolver sur la tempe du malheureux et toisant les Inutiles, il s’écria :
            « Pas un geste ou je lui troue le crâne, c’est compris ?
— Ce que je comprends, c’est que tu ne vas rien faire, mon coco ! s’exclama Atchoum-Man qui, tout comme Tear, semblait ne venir de nulle part.
— Fais pas le malin Atchoum-Man ! Tu as juste eu de la chance contre Kratos. Mais nous on est…
— Oh la la ! Tout le monde se sent obligé de se comparer à Kratos. Surtout les plus nuls. Mon pote, t’es très loin d’arriver à la cheville de Kratos en termes de menace. Tu le sais, j’espère ?
— Ah ouais ? Et ça c’est suffisamment menaçant pour toi ? » s’écria-t-il, prêt à appuyer sur la détente. Mais il ne finit pas son geste. Il ne put s’empêcher d’éternuer. Il fut pris d’une crise de sternutation qui l’immobilisa. Son captif put se dégager sans problème de son emprise, ce qui encouragea Atchoum-Man à s’approcher de lui et à l’allonger d’un seul coup de poing bien placé.

            Les braqueurs qui étaient encore debout en profitèrent pour tenter de fuir. Ils avaient surpris la Ligue, et, ayant compris qu’ils n’avaient aucune chance contre eux, ils décidèrent qu’il était plus sûr de leur fausser compagnie et de se faire discrets.
            « Oh ben, ils s’en vont déjà ? demanda d’un air sarcastique Tear.
— Ils oublient qu’il reste encore un membre de la Ligue ? renchérit Textil.
— Hep ! Ne t’endors pas, bizuth ! Ils se carapatent par l’entrée principale ! » s’écria Cuistot.
            Les bandits, qui couraient vers la sortie virent avec détresse que ce n’était pas vers leur libération qu’ils se précipitaient : ils virent un poing géant qui fonçait sur eux à toute vitesse. Le poing défonça l’entrée de la banque, fauchant les cinq bandits qui tentaient de fuir et les écrasant contre le mur.
            « Quand Rocco passe, vos fesses trépassent ! » hurla Rocco, la nouvelle recrue de la Ligue des Inutiles, engoncé dans sa tenue en spandex d’un gris très sombre. Il affichait un sourire satisfait que l’on voyait à travers son masque intégral et après avoir rendu à son poing sa taille normale, il se frotta les mains tout en regardant la brochette de voyous qui étaient hors d’état de nuire.
            « Super boulot, Rocco. Même si démolir la porte n’était pas vraiment dans le plan. Je propose qu’on se barre avant de se faire engueuler par quelqu’un, observa Atchoum-Man.
— Faisons ça, les flics vont pouvoir prendre la suite. » ajouta Arcimboldo.
            Et, aussi vite qu’ils étaient apparus, les membres de la Ligie des Inutiles s’en allèrent, laissant là des otages éberlués mais reconnaissants. Les forces de l’ordre vinrent vite appréhender les suspects et assurer la sécurité des otages qui auraient des histoires à raconter à leurs entourages respectifs.

            La télé était allumée dans l’appartement de Michael Perséphone. La Ligue des Inutiles fit son entrée. L’homme était en train de regarder les informations. Il ne prit pas la peine de se retourner quand ses compagnons firent irruption.
            « Beau travail à la banque. La presse n’a pas arrêté d’en parler pendant un moment, déclara-t-il.
— Un moment ? Je pensais que ça ferait les choux gras pour la journée ! Les choses se sont pas mal calmées un peu partout dans le monde…observa Tear en enlevant son masque, révélant son visage, celui de Gilles Chapelier, un homme d’une cinquantaine d’années aux tempes grisonnantes.
— Tout n’est pas si paisible que ça, puisqu’ils ont dû intervenir, répondit Michael d’un air placide.
— Tu parles de l’Egide ? s’enquit Cuistot, alias Mehdi Feyghouz.
— Oh, alors on va la voir à la télé ? demanda Claire Lurcel qui était la véritable identité de Textil.
— Ils donnent une conférence de presse. » se contenta de répondre Michael en haussant les épaules.

            Sur l’écran, entourés de journalistes, et faisant face à une armée de micros, se tenaient les silhouettes des six super-héros qui formaient l’Egide, une association qui regroupait les plus puissants des supers. Certains d’entre eux étaient des transfuges de la Conjuration des Etoiles, association créée par Raijin et Kratos, qui fut démantelée dès le départ de Kratos qui avait été vaincu de nombreux mois plus tôt par Atchoum-Man.
            Gravitas était la cheffe du groupe. Elle l’avait fondé et en était le porte-parole. Elle était assistée par Terminacop. A eux deux, ils constituaient les vétérans de la Conjuration des Etoiles. Une adolescente en faisait aussi partie, elle se faisait appeler Punch et était probablement l’une des plus puissantes personnes au monde en termes de force brute. Son pouvoir s’était éveillé il y a peu, et elle s’était vite fait remarquer par sa puissance. On considérait que son coup de poing était bien plus brutal que celui de Kratos. Mais contrairement à son illustre prédécesseur qui collectionnait les capacités surhumaines, sa super-force était son unique pouvoir. Elle était vêtue d’une combinaison rouge et d’un masque qui dissimulait ses yeux. Ses cheveux de couleur châtain clair étaient coiffés de deux couettes qui retombaient à gauche et à droite de sa tête. Elle portait des gants et des bottes sombres. Elle se tenait droite, à sa gauche se trouvait un grand jeune homme vêtu d’une tenue noire. Il se faisait appeler Le Géant. Son pouvoir était de pouvoir décupler sa taille. Il pouvait donc devenir un véritable géant, la taille maximale qu’il pouvait atteindre étant de six cent mètres, lors des derniers essais. Il portait une tenue faite dans un tissu très élastique et résistant qui pouvait se distendre sans problème. Il était d’un naturel timide et ne prenait que très rarement la parole devant les journalistes. Près de lui se trouvait un super-héros très célèbre, surtout auprès de la gent féminine. On connaissait son prénom, Mohinder, mais c’est sous son alias qu’il était le plus apprécié : Singham. Son pouvoir lui permettait d’adopter des caractéristiques propres aux lions. Il pouvait donc se métamorphoser. Il n’avait pas de tenue particulière et était sûr de ses compétences. Aussi, il n’avait cure de cacher son identité. C’était un très bel homme d’origine indienne, à l’œil vif et au sourire étincelant. Il était considéré comme étant le plus sexy des super-héros existant.
            Enfin, le dernier membre était une femme. Elle avait la peau brune, et de longs cheveux raides et lisses qui tombaient en cascade sur ses épaules. Elle portait une tenue écarlate et un masque entourait ses yeux. Beaucoup la connaissaient car il s’agissait de Lumen, ancienne de la Ligue des Inutiles et première personne de la caste des Inutiles à avoir intégré un vrai groupe de Super-Héros. Son pouvoir avait bien évolué depuis le temps, et si par le passé, elle ne pouvait que produire de la lumière par les yeux, cela avait changé. Elle pouvait à présent tirer des lasers par voie oculaire, et surtout se téléporter en voyageant via le faisceau de lumière qui partait de ses yeux. Son arrivée dans l’Egide avait fait grand bruit à l’époque, car jamais jusqu’alors, on avait vu un Inutile rejoindre de vrais Supers.
            « La menace a été écartée, et c’est grâce à un effort commun, un travail en équipe, c’était par ces mots que Gravitas conclut son monologue.
— Une question pour Lumen ! Maintenant que vous êtes bien intégrée à l’équipe, cela doit vous changer de votre passé aux côtés de la Ligue des Inutiles, non ?
— Tiens, elle va parler de nous ! s’exclama Cédric Martini, alias Arcimboldo.
— Avec la Ligue des Inutiles, je faisais face à des défis à chaque mission. Aujourd’hui, je fais la même chose. Il n’y a pas de différence d’échelle, répondit Lumen après un moment.
— Ouais, dis leur Gaëlle ! s’écria Claire.
— Mon rôle est de montrer que ceux que l’on appelle à tort les Inutiles ont un rôle à jouer, et ce, quelle que soit la nature de leur pouvoir.
— Lumen, un nombre croissant d’initiatives, de groupes d’Inutiles est apparu un peu partout dans le monde. Qu’en pensez-vous ? Est-ce une bonne chose ?
— C’est un signe encourageant qui démontre la bonne volonté de ces gens qui veulent participer, mettre la main à la pâte, et combattre pour la paix sociale. Je recommande cependant à ces gens, la plus grande prudence… » l’image se noircit. La télé s’était éteinte.
            Tout le monde se tourna vers Greg Gorman, qui était Atchoum-Man. Il tenait la télécommande dans sa main et venait d’éteindre la télévision. Tous poussèrent des cris de désapprobation. C’est Rocco, de son vrai nom Mathieu Allen qui exprima le plus fort son mécontentement.
            « Mais tu fais chier Greg ! Je voulais savoir ce qu’elle avait à dire !
— La même chose que tous les Supers, tiens. Gnia gnia gnia merci les Inutiles, mais faites gaffe quand même, vous êtes des branlos comparés à nous ! Crois-moi, ce genre de discours, je l’ai assez entendu, ronchonna Greg.
— T’es jaloux ouais ! T’aurais bien aimé rejoindre cette équipe là je pense, lui lança Claire.
— Tu te plantes. Je suis même plutôt content de ne pas me retrouver dans la même pièce que des anciens de la Conjuration des Etoiles.
— Encore cette histoire ? s’exclama Gilles.
— Quoi, vous pensez vraiment que Kratos était le seul à vouloir notre peau ? Je suis sûr que Gravitas et Terminacop étaient dans le coup aussi. Ils ont juste réussi à retirer leurs billes au bon moment, répliqua Greg en haussant les épaules.
— Encore tes théories bizarres. Très peu pour moi en tout cas les copains. Je dois aller rendre visite à Sarah, déclara Mehdi.
— Oh c’est aujourd’hui…tu la salueras de notre part ? dit Claire.
— Sans faute.
— Ce serait cool de venir avec toi une fois. Je suis prête à risquer des cauchemars s’il le faut, pour m’habituer à sa voix. Après tout, il faudra bien que quelqu’un d’autre que toi puisse discuter avec elle quand elle sortira, à ces mots, la mine de Mehdi s’assombrit.
— Tu sais, Claire, je ne sais pas si elle sortira un jour de prison. On en a déjà parlé, elle et moi…elle m’a dit qu’elle avait fait trop de mal, tué des gens…elle est prête à passer le reste de ses jours en prison. Mais en tout cas, c’est gentil à toi et très courageux de proposer. » sur ces mots, il quitta l’appartement, vêtu de ses habits civils. Ses coéquipiers gardèrent un moment le silence après son départ. Ils compatissaient tous avec lui.

            Mehdi conduisait vers la prison. Il connaissait le chemin par cœur, ayant rendu déjà un grand nombre de visites à celle qu’il aimait mais que le monde redoutait : Sarramauca, la maîtresse des cauchemars. Pourtant, aujourd’hui, quelque chose semblait différent au sujet de la prison située à la périphérie de la ville. Un nombre élevé de véhicules noirs s’y trouvait et une flanquée d’hommes en costumes sombres étaient en faction aux abords du pénitencier. Quand le véhicule de Mehdi s’était approché, l’un des hommes vint vers lui d’une démarche assurée. Il fit signe à Mehdi de baisser la vitre, ce dernier s’exécuta.
            « Je peux savoir ce que vous faites ici ? dit l’homme sans ôter ses lunettes teintées.
— Je suis venu rendre visite à une détenue.
— Je suis désolé monsieur, mais ça ne va pas être possible.
— Et je peux savoir pourquoi ? demanda d’un ton de défi un Mehdi agacé.
— Non. Maintenant, circulez. » répondit l’autre d’un ton froid et cassant.

            Mehdi se retint d’agresser l’agent qui venait de lui parler. Il jeta un regard vers la prison. Il s’était passé quelque chose, c’était sûr mais quoi ? Il pesta. Cela ne présageait rien de bon. Et, réalisant qu’il ne pourrait pas voir Sarah aujourd’hui, il se résolut à faire demi-tour à grands regrets. Mais il se promit qu’il aurait le fin mot de cette histoire.

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