lundi 25 janvier 2016

Chapitre 7

    « C'est pourtant une évidence, ces super-pouvoirs, comme vous les appelez, enfin, pour moi, ce sont plutôt des handicaps, sont dangereux, et pour ceux qui les développent, et pour la société ! Rappelons-nous donc de l'incident du Pont des Arts à Paris qui aurait pu avoir des conséquences très dramatiques ! Souvenons-nous que les gens avec des pouvoirs sont tentés de basculer dans la criminalité, et que s'ils le voulaient, ils pourraient se livrer à des atrocités contre lesquelles nous ne pourrions rien ! le public applaudit mollement la tirade de Jean-Pierre Le Mène, homme politique fondateur du parti anti-capacités Humanité.



– Très bien, merci pour votre intervention monsieur Le Mène, je vais à présent laisser la parole à Kratos, le plus grand super-héros de tous les temps. Que pensez-vous des propos de monsieur Le Mène ? demanda l'animateur de sa voix énergique tout en redressant des lunettes dans lesquelles se reflétaient les lumières bleutées du studio.
– Et bien, je peux comprendre les inquiétudes de monsieur Le Mène, commença Kratos aussi à l'aise dans son costume de super-héros qu'il l'était sur les plateaux télé, mais je peux vous assurer, à vous et à tous nos frères humains, que s'il est vrai que la super-criminalité a vu le jour avec l'apparition des super-pouvoirs, ceux-ci ont aussi donné le jour au super-héroïsme ! Et que ce soit moi ou mes confrères, jamais nous n'auront de repos tant que des menaces pèseront sur vous.
– Dites-moi Kratos, que pensez-vous de l'émergence de ce groupe de super-héros qui se fait appeler la Ligue des Inutiles ? Diriez-vous que c'est un pas dans la bonne direction ? Soutenez-vous cette initiative ? demanda alors l'animateur une fois que le tonnerre d'applaudissements dédié à Kratos se tut.
– Bien sûr, je suis toujours heureux de voir des citoyens prendre le parti de la Justice, débuta Kratos après un long silence, mais je tiens tout de même à prévenir ces braves et courageuses personnes. Vos pouvoirs ne sont pas faits pour combattre le crime, et parfois, en agissant, vous devez vous poser la question de votre légitimité à intervenir.
– Il y a donc pour vous des pouvoirs inutiles ?
– Non voyons, pas inutiles, juste pas adaptés pour affronter des dangers. On ne va pas au combat avec des élastiques, là c'est le même cas pour ces gens. Ils sont courageux, mais s'exposent à des dangers qu'ils ne mesurent peut-être pas... »
L'écran se noircit, coupant le débit de parole du super-héros. L'appartement était plongé dans le noir à présent, Greg Gorman balança nonchalamment la télécommande et se vautra dans son canapé. « C'est ton ego qui est impossible à mesurer connard. » persifla-t-il. Greg avait du mal à trouver le sommeil. Il se leva, ralluma la lumière, passa à coté de plusieurs journaux empilés qui avaient traité des exploits de ses anciens compagnons, et dont il avait dévoré les articles à plusieurs reprises. Il ramassa une pelote de tissu froissé qui traînait au sol. En le dépliant, il vit que c'était son costume vert de héros. « Atchoum-Man, hein... » siffla-t-il, avant de se diriger vers la cuisine et de brandir le costume au-dessus de la poubelle.

   Joel Pinker avait enfilé son costume de Kratos à la hâte, il avait rendez-vous avec la Conjuration des Etoiles, l'équipe de super-héros qu'il avait réuni quelques années avant pour affronter celui qui était alors son ennemi juré, Gepetto, un super-vilain qui avait le pouvoir de transformer ses patients en pantins esclaves prêts à tout pour le servir. Il avait voulu conquérir le monde, notamment en usant de ses pouvoirs pour aliéner de dangereux super-criminels et de puissants super-héros, mais il fut arrêté quand Kratos s'allia à d'autres très puissants super-héros et fonda la Conjuration des Etoiles (le nom Avengers étant déjà déposé).
   La Conjuration était formée de cinq super-héros : outre Kratos, il y avait aussi Terminacop, un agent de police dans le civil qui avait le pouvoir de transformer ses bras en armes à feu, Anima une femme qui avait le pouvoir de possession, Dragon le dernier venu qui était un jeune homme qui pouvait cracher le feu et Gravitas, une femme qui pouvait manipuler la gravité. En plus de ces cinq héros, Cassandre faisait office de membre honoraire, ses prédictions étant très utiles pour contrer toute menace. Dans le temps, Raijin avait fait partie des membres fondateurs de la Conjuration avant de la quitter suite à de nombreux désaccords avec Kratos.

   La Conjuration avait un bâtiment donné gracieusement par l'état. C'était un bâtiment sécurisé dont le lieu était tenu secret, et seul le président pouvait joindre les héros lorsqu'ils se réunissaient au sein du quartier général. Kratos vola jusqu'au bâtiment. Il aimait bien ce pouvoir de vol qui lui permettait un peu de souffler, d'éviter les fans et les journalistes. Le seul moyen pour lui de sortir en étant tranquille, c'était sous son identité secrète, celle de Joël Pinker. Mais il n'aimait pas tant que ça cet alter-ego. Joël était riche, c'était un super entrepreneur qui avait réussi sa vie en devenant le principal partenaire de Kratos, qui couchait avec une ou plusieurs jeunes femmes par soir, mais aux yeux de Kratos, Joël Pinker n'était rien. Un médiocre. Lui Kratos, c'était la puissance incarnée, un dieu parmi les humains, celui que les gens attendaient de voir débarquer au moindre danger. Voler, ça lui permettait d'être en paix tout en étant être celui qu'il aimait être.

   Tout le monde était déjà là quand Kratos se posa sur l'héliport. Il toucha terre avec délicatesse et serra la main de Terminacop dans son costume stylisé de policier qui comportait un casque intégral dans lequel il avait installé tout un tas de dispositifs électroniques d'aide à la visée. Ils furent rejoints par Anima, jeune femme plantureuse vêtue d'un justaucorps d'un blanc éclatant sur lequel était posée une cape qui dissimulait son visage, flanquée de Dragon qui se moquait bien qu'on le reconnaisse et qui était un jeune asiatique musculeux dont le torse nu était tatoué de dragons (c'était difficile de faire plus cliché, se disait souvent Kratos en le voyant). Gravitas les attendait dans la salle de réunion. Elle portait une combinaison inspirée des tenues d'astronautes mais en plus fonctionnel. C'était une femme d'une quarantaine d'années qui était une experte au combat rapproché, ce qui la rendait absolument redoutable lorsqu'elle mêlait à sa maîtrise des coups ses pouvoirs gravitationnels. Cassandre l'Oracle était aussi présente et buvait un café tout en jetant des regards enflammés à Kratos.
 « Maintenant qu'on est tous réunis, tu vas enfin nous dire ce qu'on fait là, Kratos ? lança sans cérémonie Terminacop.
– Y a intérêt pour ta gueule qu'on soit là pour parler de la vision de Cassandre, cracha Gravitas.
– Tu leur en a parlé ? gronda Kratos à l'attention de Cassandre.
– C'est une vision trop inquiétante pour être dissimulée, se contenta-t-elle de lui répondre.
– Quelle vision ? demanda Dragon.
– Cassandre a eu une vision de mort. Des masses de gens sans vie, et elle ne sait pas pourquoi, juste morts sans raison ni blessures, expliqua Anima.
– C'est qu'un cauchemar qu'elle a fait, c'est bon...siffla Kratos.
– Je ne sais pas, intervint Terminacop. J'ai eu accès au rapport d'autopsie d'un certain Thomà Nilic, un trafiquant. Ce mec est tout simplement mort. Sans aucune explication. Il était jeune, en bonne santé, mais pourtant, il s'est comme éteint. Pas de blessures, pas de trace de poison ni quoi que ce soit...c'est juste comme s'il était passé de vie à trépas sans raison.
– Y a peut-être aucun rapport avec la vision de Cassandre, mais ça reste inquiétant, déclara Gravitas.
– J'ai eu cette vision de nombreuses fois, et à chaque fois, elle était de plus en plus claire. J'ai vraiment l'impression que quelque chose de terrible se prépare.
– Kratos, j'ai montré la photo de Nilic à Cassandre et devine quoi...elle l'a reconnu, elle l'a vu dans cette vision, ajouta Terminacop.
– Super, mais je ne vous ai pas fait venir pour ça, gronda Kratos qui perdait patience.
– Qu'est ce qui peut être plus important qu'une menace de mort implacable qui nous tombe sur le coin du museau ?
– Ces guignols de la putain de Ligue des Inutiles. »
Un silence un peu confus régna dans la salle. Les super-héros se regardaient un peu déconcertés, cherchant dans les regards des uns et des autres ceux qui comprenaient où voulait en venir leur camarade. C'est Gravitas qui rompit en premier le silence.
« Quoi la Ligue des Inutiles ?
– Tu parles de ces minables avec leurs pouvoirs nazes ? C'est qui leur chef, Ananas-man non, ou un truc comme ça ? demanda Anima.
– Vous avez vu que ces gars ont affronté Ondine ? Un Super-Criminel ? Ces nullards commencent à marcher sur nos plates-bandes.
– Nos plates-bandes ? J'ignorais qu'on occupait un créneau dans le secteur du super-héroïsme, déclara Dragon.
– C'est pourtant le cas. Depuis que je suis devenu un super-héros, j'ai tout fait pour qu'on soit reconnus. J'ai fait admettre notre rang, nous ai permis d'avoir des subventions qui vous ont permis d'avoir tous ces accessoires ridicules que vous portez, je nous ai fait avoir ce bâtiment...
– ...Tu te goinfres avec des contrats pub, ajouta avec cynisme Gravitas.
– Grâce à moi, être un Super-Héros est devenu un métier ! C'est notre boulot, et ces Inutiles, là, vont nous le prendre.
– Avec tous les crimes qu'il y a chaque jour dans le monde, je dirais qu'on a de quoi voir venir, je vois pas pourquoi ils t'énervent à ce point, observa Terminacop.
– Croyez-moi, je connais assez le marketing pour savoir comment tout ça va se finir. Les gens aiment les outsiders. Et ces gars, ce sont des outsiders. À eux seuls, ils représentent une opération com' tellement puissante qu'elle va nous balayer nous et nos pouvoirs. Imaginez : le gars qui se transforme en kitchenette qui devient un modèle à la place de Terminacop, ou Gravitas remplacée par Jus-de-fruits-man dans le cœur des gens.
– Bon en admettant qu'ils puissent nous évincer dans le cœur des gens, quel est le problème ?
– Moins de fric pour nous si les marketeux s'emparent du phénomène. Si on est pas supportés économiquement, on pourra rien faire !
– Je crois que tu racontes n'importe quoi et que nos revenus et notre bien-être, tu t'en bats les reins royalement. C'est surtout perdre ta précieuse popularité qui te gêne, n'est ce pas, monsieur Parfait ? cracha Gravitas.
– J'avoue sans problèmes, ouais si je suis pas aussi populaire, je perds mon gagne-pain. Mais c'est le cas pour vous tous aussi bande d'hypocrites. Vous êtes tous allés de votre passage rémunéré à la télé ou de votre sponsoring. Si vous voulez pas sauver votre croûte, alors au moins dites-vous que vous ne pouvez pas accepter qu'une bande d'inférieurs nous supplante. »
De nouveau, un long silence vint s'installer dans la pièce. Kratos avait du mal à dissimuler un petit sourire. Tous ceux qui avaient été dotés de super pouvoirs avaient une certaine répugnance vis-à-vis des Inutiles, cette caste de gens aux pouvoirs minables. On les voyait comme des gens génétiquement défavorisés, des blagues de mère nature, alors qu'eux incarnaient le renouveau de l'espèce humaine. Kratos était satisfait car son dernier argument avait toutes les chances de faire mouche.

   « Quand bien même, tu proposes quoi, Kratos ? On va quand même pas aller les défoncer, surtout maintenant qu'il est établi qu'ils sont de notre coté, déclara finalement Terminacop.
– Non on ne va pas les agresser. Ce serait très mauvais pour notre image, après tout ils sont sur le point de devenir la coqueluche du public, acquiesça Kratos.
– Donc...
– Donc ce qu'on va faire, c'est les laisser continuer à affronter des super-vilains jusqu'à ce qu'ils s'en prennent à plus fort qu'eux ? Dragon était dubitatif.
– Précisément. Raptor, Sarramauca, et enfin Gepetto.
– Ouais ils sont tous les trois dangereux et bien enfermés, ce qui est pas plus mal, pourquoi tu nous parles d'eux, ils te manquent ? grogna Gravitas.
– On va les libérer et ils vont tuer la Ligue des Inutiles pour nous, répliqua simplement Kratos, soulevant la surprise générale.
– Mais tu es complètement taré ? Ces mecs sont parmi les individus les plus dangereux du monde ! Tu envisages vraiment de libérer Raptor, cet espèce de sadique cannibale ? Gravitas était sous le choc.
– Vous en faites pas. Ils font le boulot, ils butent les Inutiles. Après ça, il ne nous restera plus qu'à les refoutre au trou. On fait d'une pierre deux coups ! On se débarrasse des minables et en plus la foule nous adulera pour avoir vengé ses malheureux héros. »
Les discussions furent vives, les héros hésitaient à suivre ce plan. Il était incroyablement risqué, mais il garantissait effectivement la disparition de la Ligue des Inutiles et calmerait toute future initiative allant dans le même sens. Après avoir bien débattu, la décision fut prise de se laisser une semaine de réflexion, condition que Kratos accepta bon gré mal gré.

   Kratos était sorti un peu déçu de cette réunion. Il avait espéré que ses compagnons soient à deux cent pour cent derrière lui, mais ils semblaient tous un peu hésitants. Il se demandait au fond s'il n'était pas allé loin en proposant son plan d'action, mais c'était la seule solution se disait-il alors qu'il prit son envol. Tandis qu'il surplombait la ville de Paris, son regard d'aigle s'arrêta sur une jolie fille qui faisait des emplettes dans le quartier latin. Le Super-Héros se dit qu'une partie de Super-jambes en l'air ne serait pas de refus après tout le stress de la journée, aussi, il descendit en piqué vers elle et se posa aussi gracieusement et doucement que possible. La jeune femme était une petite blonde aux cheveux ondulés, coiffés d'un bonnet, et vêtue comme une artiste. Elle ouvrit de grands yeux gris clairs quand Kratos apparut à elle.
  « Bonjour mademoiselle, on m'a signalé qu'un super criminel faisait des siennes dans le coin.
– Vraiment ? s'exclama-t-elle étonnée.
– En fait ils sont deux. Ah je les vois...ce sont vos jolis yeux, déclara-t-il d'un ton mielleux, satisfait de ne pas être tombé dans le piège du lapsus révélateur, sa concentration étant plus dirigée vers les seins que les yeux de la belle.
– Oh vous ! Je suis sûre que vous dites ça à toutes les filles, s'exclama la femme dans un rire clair.
– Seulement à celles qui me sont spéciales. Kratos était très fier de ses techniques de drague digne du plus grand des pick up artist.
– Je pourrais peut-être vous donner mon numéro, et vous viendriez me sauver...commença la jeune femme.
– C'est vous qui allez me sauver... » avait commencé Kratos mais il fut interrompu.

   Le petit Vivien âgé de sept ans n'en revenait pas ! Il avait en face de lui le grand Kratos ! Le plus puissant de tous les héros. Les yeux du gamin s'écarquillèrent et un grand sourire se peint sur son visage. Il s'élança vers le Héros en criant son nom. Kratos discutait avec une fille. Elle en a de la chance se disait-il. Finalement, Kratos se tourna vers lui ! C'était le plus beau moment de sa vie.

   « Kratos ! Kratos je peux avoir un autographe s'il te plaît ? hurlait le mioche que Kratos tentait d'ignorer.
– Je vais vous laisser avec vos fans, déclara la belle avant de partir. Kratos se rendit compte qu'elle avait oublié de lui laisser son numéro de téléphone.
– Kratos s'il te plaît, continuait de réclamer le gamin en brandissant un papier et un stylo. Sale gosse qui avait fait fuir la fille...
– Barre-toi ! s'écria Kratos sous le coup de la frustration, oubliant qu'il devait garder contenance en public. Le héros voulut reprendre son envol, mais le gamin le tenait par la cape, fermement, ce qui lui tapa sur les nerfs.
– Juste un autographe s'il te plaît ! Je suis ton plus grand fan !
– J'ai pas de temps à perdre avec toi minot ! Casse-toi !
– Mais... » complètement hors de lui, Kratos souleva le gamin par le col, et le mena au niveau de son visage. L'enfant fut une seconde complètement effrayé, mais à présent qu'il était aussi prêt du visage de son idole, il était extatique.

« Lâche ce gamin, fais lui son autographe et dégage ! »

   Kratos s'était retourné d'un coup vers lui. Son regard était flippant. Greg Gorman regretta aussitôt d'avoir interpellé Kratos de la sorte. C'était bien sa veine, il était juste venu se promener, résultat Kratos apparaissait de nulle part et avait commencé à molester un enfant. Kratos reposa l'enfant qui était aux anges criant « Il m'a porté ! Kratos m'a porté, c'est le plus cool des plus cool ! » et avança vers lui d'un pas décidé. Greg restait immobile et fixa Kratos. Ses jambes tremblaient et avaient du mal à le porter. Il avait l'impression que ses genoux étaient faits en guimauve. « Il va me démolir ! Il va me massacrer ! » se répétait Greg. S'il pouvait, il fuirait, mais il savait que c'était inutile. Kratos pouvait voler, avait le pouvoir de super-vitesse, il le rattraperait en deux secondes et il lui démolirait la face avec avec ses poings et sa super-force. Greg Gorman n'allait pas s'en tirer sans des os brisés, au mieux.

   « Tu te prends pour qui, à me donner des ordres, minable ? » gronda Kratos en balançant une super gifle à l'abruti qui l'avait interpellé. Le corps de l'homme vrilla dans les airs, avant de s'écraser contre la façade d'un bâtiment. Kratos savait que c'était une connerie, que c'était une mauvaise idée de tabasser un simple civil, mais là, il avait besoin de déstresser, et le hasard avait placé là un punching-ball. Il allait tenter de contrôler sa force au mieux. Il fit quelques pas pour lancer le gars. Mais à sa grande surprise, il s'était relevé.
Greg n'avait jamais été aussi secoué de sa vie. Il était trop choqué pour avoir mal. Il était sonné, mais avait réussi à se relever. La tête lui tournait, et si avant ses jambes étaient en guimauve, là c'était du papier. Greg regarda le gamin qui observait le combat. L'enfant était en train d'encourager Kratos. « Petit fanboy à la con » se dit Greg, amer. Il prenait une dérouillée pour lui. Kratos continuait d'avancer vers lui, et Greg se disait que peut-être s'il s'excusait...Mais il rejeta cette idée. Lui, Greg Gorman, avait toujours rêvé d'être un super-héros, mais son pouvoir était trop minable. Il n'avait pas la chance d'attirer les mêmes regards que Kratos, lui on ne le regardait pas avec admiration. L'enfant, là, il voulait être comme Kratos, pas comme lui... Greg ressentit une sorte de second souffle, il n'était plus sonné du tout et ses jambes se raffermirent. Kratos continuait d'avancer vers lui, mais il n'avait plus peur.
  « Toi, tu as la chance d'être puissant et admiré ! Et surtout, tu as l'occasion d'être un modèle pour les autres, pour les gamins... » commença Greg tout en courant vers Kratos qui le regarda avec surprise. Greg s'approcha de lui et s'arrêta brièvement à deux pas de lui. Il balança son poing loin derrière lui, prenant autant d'élan que possible avant de le relâcher avec toute la violence dont il était capable.
« Les gens comme toi n'ont pas le droit de les décevoir ! T'as pas le droit de briser les rêves que tu leurs mets dans la tête ! Quand un petit vient te dire qu'il t'admire, tu ne le rejette pas ! » avait hurlé Greg tout en écrasant son poing sur le visage de Kratos.

   La douleur explosa en chaîne...dans le bras Greg. Il avait l'impression d'avoir cogné contre un mur en béton. Kratos l'attrapa par la tête et l'envoya valdinguer contre une poubelle. Une foule s'était massée autour des deux adversaires. Le petit continuait d'encourager Kratos, et bientôt, il fut accompagné de tous les spectateurs. Quand Greg s'était relevé, à moitié sonné, c'était hué par tous. Il les entendait, il entendit parfaitement ce qu'on lui criait « Laisse Kratos tranquille, minable ! » « Fous-lui la paix, ingrat ! ».
   Kratos semblait surpris aussi de voir que la foule était de son coté. Il était en train de tabasser un type lambda, et tout le monde l'encourageait. Ils devaient croire que son adversaire était un agresseur. Il se dit qu'il valait mieux laisser tomber, ça irait trop loin. Il se retourna vers sa victime et son regard croisa le sien. Les yeux de l'homme étaient déterminés, il le regardait de haut. Ce type de rien du tout croyait-il pouvoir lui montrer comment se conduit un super héros ? Une étrange pulsion meurtrière s'empara de lui. Il se mit à léviter. Puis, sans quitter du regard sa victime, il se mit à voler à toute vitesse vers lui, prêt à l'écraser.
« Il va me tuer. » c'était ce que se disait Greg en voyant Kratos s'élancer vers lui. Il allait se faire aplatir, et si ça se trouve, tout le monde allait applaudir. Il regarda avec peur le héros qui fonçait sur lui. Cette espèce de taré. Il ne pourrait rien contre lui...rien...

   « ATCHOUM ! » l'éternuement de Kratos fut si violent qu'il perdit l'équilibre et se planta la face au sol. Il roula et s'écrasa à coté de Greg. Pour ajouter à l'humiliation, une poubelle se déversa sur lui. Greg en resta coi. Il se tourna vers son adversaire. Même le puissant Kratos n'avait rien pu faire contre lui. Greg observa Kratos un moment. Le héros s'était relevé et avait les yeux injectés de rage. Il leva le poing pour frapper, mais il éternua de nouveau. Et encore, encore, encore...Greg pouvait le faire éternuer à l'envie. Quand il éternuait, Kratos ne pouvait rien faire. Malgré sa toute puissance, son invincibilité disparaissait à chaque fois qu'il éternuait. Greg utilisa son pouvoir et en profita pour s'éloigner de Kratos.
   « Putain de merde, je ne peux pas être malade ? Je suis immunisé contre toutes les maladies ! » se disait Kratos. Chaque fois qu'il voulait frapper l'ennemi, il éternuait. Et quand il éternuait, il était incapable de bouger. Il fermait les yeux machinalement à chaque fois...en combat, chaque seconde passée les yeux fermés était une ouverture pour les ennemis. S'il ne combattait pas un simple péon, il aurait eu de lourds ennuis. La foule semblait perplexe alors qu'il éternuait sans arrêt. Finalement, sa crise se calma. Il renifla, et regarda partout autour de lui, mais son adversaire en avait profité pour s'enfuir.

   On sonnait à la porte de l'appartement de Michael Perséphone. Celui-ci se demanda bien qui cela pouvait être. Il était avec les membres de la Ligue des Inutiles au grand complet, et ensemble, ils étaient en train de discuter de leurs missions. Il interrompit la réunion et alla ouvrir, sous les regards étonnés de ses amis qui le suivirent, vêtus en civils.
   Quand Michael ouvrit la porte, son visage se figea dans une attitude d'étonnement, de même que celui de tous les autres. À la porte se tenait un homme vêtu d'un costume de super héros vert. Sous la capuche et le masque, les yeux de Greg brillaient différemment, avec détermination. Et même les gros pansements sur son visage n'enlevaient rien à l'aura charismatique qu'il dégageait.
« Vous avez la place d'accueillir de nouveau Atchoum-Man ? » demanda-t-il simplement.


Le sourire de Mike fut pour lui une réponse suffisante.

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