« C'est pourtant une évidence, ces
super-pouvoirs, comme vous les appelez, enfin, pour moi, ce sont
plutôt des handicaps, sont dangereux, et pour ceux qui les
développent, et pour la société ! Rappelons-nous donc de
l'incident du Pont des Arts à Paris qui aurait pu avoir des
conséquences très dramatiques ! Souvenons-nous que les gens
avec des pouvoirs sont tentés de basculer dans la criminalité, et
que s'ils le voulaient, ils pourraient se livrer à des atrocités
contre lesquelles nous ne pourrions rien ! le public applaudit
mollement la tirade de Jean-Pierre Le Mène, homme politique
fondateur du parti anti-capacités Humanité.
– Très bien, merci pour votre
intervention monsieur Le Mène, je vais à présent laisser la parole
à Kratos, le plus grand super-héros de tous les temps. Que
pensez-vous des propos de monsieur Le Mène ? demanda
l'animateur de sa voix énergique tout en redressant des lunettes
dans lesquelles se reflétaient les lumières bleutées du studio.
– Et bien, je peux comprendre les
inquiétudes de monsieur Le Mène, commença Kratos aussi à l'aise
dans son costume de super-héros qu'il l'était sur les plateaux
télé, mais je peux vous assurer, à vous et à tous nos frères
humains, que s'il est vrai que la super-criminalité a vu le jour
avec l'apparition des super-pouvoirs, ceux-ci ont aussi donné le
jour au super-héroïsme ! Et que ce soit moi ou mes confrères,
jamais nous n'auront de repos tant que des menaces pèseront sur
vous.
– Dites-moi Kratos, que pensez-vous de
l'émergence de ce groupe de super-héros qui se fait appeler la
Ligue des Inutiles ? Diriez-vous que c'est un pas dans la bonne
direction ? Soutenez-vous cette initiative ? demanda alors
l'animateur une fois que le tonnerre d'applaudissements dédié à
Kratos se tut.
– Bien sûr, je suis toujours heureux de
voir des citoyens prendre le parti de la Justice, débuta Kratos
après un long silence, mais je tiens tout de même à prévenir ces
braves et courageuses personnes. Vos pouvoirs ne sont pas faits pour
combattre le crime, et parfois, en agissant, vous devez vous poser la
question de votre légitimité à intervenir.
– Il y a donc pour vous des pouvoirs
inutiles ?
– Non voyons, pas inutiles, juste pas
adaptés pour affronter des dangers. On ne va pas au combat avec des
élastiques, là c'est le même cas pour ces gens. Ils sont
courageux, mais s'exposent à des dangers qu'ils ne mesurent
peut-être pas... »
L'écran se noircit, coupant le débit de
parole du super-héros. L'appartement était plongé dans le noir à
présent, Greg Gorman balança nonchalamment la télécommande et se
vautra dans son canapé. « C'est ton ego qui est impossible à
mesurer connard. » persifla-t-il. Greg avait du mal à trouver
le sommeil. Il se leva, ralluma la lumière, passa à coté de
plusieurs journaux empilés qui avaient traité des exploits de ses
anciens compagnons, et dont il avait dévoré les articles à
plusieurs reprises. Il ramassa une pelote de tissu froissé qui
traînait au sol. En le dépliant, il vit que c'était son costume
vert de héros. « Atchoum-Man, hein... » siffla-t-il,
avant de se diriger vers la cuisine et de brandir le costume
au-dessus de la poubelle.
Joel Pinker avait enfilé son costume de
Kratos à la hâte, il avait rendez-vous avec la Conjuration des
Etoiles, l'équipe de super-héros qu'il avait réuni quelques années
avant pour affronter celui qui était alors son ennemi juré,
Gepetto, un super-vilain qui avait le pouvoir de transformer ses
patients en pantins esclaves prêts à tout pour le servir. Il avait
voulu conquérir le monde, notamment en usant de ses pouvoirs pour
aliéner de dangereux super-criminels et de puissants super-héros,
mais il fut arrêté quand Kratos s'allia à d'autres très puissants
super-héros et fonda la Conjuration des Etoiles (le nom Avengers
étant déjà déposé).
La Conjuration était formée de cinq
super-héros : outre Kratos, il y avait aussi Terminacop, un
agent de police dans le civil qui avait le pouvoir de transformer ses
bras en armes à feu, Anima une femme qui avait le pouvoir de
possession, Dragon le dernier venu qui était un jeune homme qui
pouvait cracher le feu et Gravitas, une femme qui pouvait manipuler
la gravité. En plus de ces cinq héros, Cassandre faisait office de
membre honoraire, ses prédictions étant très utiles pour contrer
toute menace. Dans le temps, Raijin avait fait partie des membres
fondateurs de la Conjuration avant de la quitter suite à de nombreux
désaccords avec Kratos.
La Conjuration avait un bâtiment donné
gracieusement par l'état. C'était un bâtiment sécurisé dont le
lieu était tenu secret, et seul le président pouvait joindre les
héros lorsqu'ils se réunissaient au sein du quartier général.
Kratos vola jusqu'au bâtiment. Il aimait bien ce pouvoir de vol qui
lui permettait un peu de souffler, d'éviter les fans et les
journalistes. Le seul moyen pour lui de sortir en étant tranquille,
c'était sous son identité secrète, celle de Joël Pinker. Mais il
n'aimait pas tant que ça cet alter-ego. Joël était riche, c'était
un super entrepreneur qui avait réussi sa vie en devenant le
principal partenaire de Kratos, qui couchait avec une ou plusieurs
jeunes femmes par soir, mais aux yeux de Kratos, Joël Pinker n'était
rien. Un médiocre. Lui Kratos, c'était la puissance incarnée, un
dieu parmi les humains, celui que les gens attendaient de voir
débarquer au moindre danger. Voler, ça lui permettait d'être en
paix tout en étant être celui qu'il aimait être.
Tout le monde était déjà là quand Kratos
se posa sur l'héliport. Il toucha terre avec délicatesse et serra
la main de Terminacop dans son costume stylisé de policier qui
comportait un casque intégral dans lequel il avait installé tout un
tas de dispositifs électroniques d'aide à la visée. Ils furent
rejoints par Anima, jeune femme plantureuse vêtue d'un justaucorps
d'un blanc éclatant sur lequel était posée une cape qui
dissimulait son visage, flanquée de Dragon qui se moquait bien qu'on
le reconnaisse et qui était un jeune asiatique musculeux dont le
torse nu était tatoué de dragons (c'était difficile de faire plus
cliché, se disait souvent Kratos en le voyant). Gravitas les
attendait dans la salle de réunion. Elle portait une combinaison
inspirée des tenues d'astronautes mais en plus fonctionnel. C'était
une femme d'une quarantaine d'années qui était une experte au
combat rapproché, ce qui la rendait absolument redoutable
lorsqu'elle mêlait à sa maîtrise des coups ses pouvoirs
gravitationnels. Cassandre l'Oracle était aussi présente et buvait
un café tout en jetant des regards enflammés à Kratos.
« Maintenant qu'on est tous réunis, tu
vas enfin nous dire ce qu'on fait là, Kratos ? lança sans
cérémonie Terminacop.
– Y a intérêt pour ta gueule qu'on
soit là pour parler de la vision de Cassandre, cracha Gravitas.
– Tu leur en a parlé ? gronda
Kratos à l'attention de Cassandre.
– C'est une vision trop inquiétante
pour être dissimulée, se contenta-t-elle de lui répondre.
– Quelle vision ? demanda Dragon.
– Cassandre a eu une vision de mort. Des
masses de gens sans vie, et elle ne sait pas pourquoi, juste morts
sans raison ni blessures, expliqua Anima.
– C'est qu'un cauchemar qu'elle a fait,
c'est bon...siffla Kratos.
– Je ne sais pas, intervint Terminacop.
J'ai eu accès au rapport d'autopsie d'un certain Thomà Nilic, un
trafiquant. Ce mec est tout simplement mort. Sans aucune explication.
Il était jeune, en bonne santé, mais pourtant, il s'est comme
éteint. Pas de blessures, pas de trace de poison ni quoi que ce
soit...c'est juste comme s'il était passé de vie à trépas sans
raison.
– Y a peut-être aucun rapport avec la
vision de Cassandre, mais ça reste inquiétant, déclara Gravitas.
– J'ai eu cette vision de nombreuses
fois, et à chaque fois, elle était de plus en plus claire. J'ai
vraiment l'impression que quelque chose de terrible se prépare.
– Kratos, j'ai montré la photo de Nilic
à Cassandre et devine quoi...elle l'a reconnu, elle l'a vu dans
cette vision, ajouta Terminacop.
– Super, mais je ne vous ai pas fait
venir pour ça, gronda Kratos qui perdait patience.
– Qu'est ce qui peut être plus
important qu'une menace de mort implacable qui nous tombe sur le coin
du museau ?
– Ces guignols de la putain de Ligue des
Inutiles. »
Un silence un peu confus régna dans la salle.
Les super-héros se regardaient un peu déconcertés, cherchant dans
les regards des uns et des autres ceux qui comprenaient où voulait
en venir leur camarade. C'est Gravitas qui rompit en premier le
silence.
« Quoi la Ligue des Inutiles ?
– Tu parles de ces minables avec leurs
pouvoirs nazes ? C'est qui leur chef, Ananas-man non, ou un truc
comme ça ? demanda Anima.
– Vous avez vu que ces gars ont affronté
Ondine ? Un Super-Criminel ? Ces nullards commencent à
marcher sur nos plates-bandes.
– Nos plates-bandes ? J'ignorais
qu'on occupait un créneau dans le secteur du super-héroïsme,
déclara Dragon.
– C'est pourtant le cas. Depuis que je
suis devenu un super-héros, j'ai tout fait pour qu'on soit reconnus.
J'ai fait admettre notre rang, nous ai permis d'avoir des subventions
qui vous ont permis d'avoir tous ces accessoires ridicules que vous
portez, je nous ai fait avoir ce bâtiment...
– ...Tu te goinfres avec des contrats
pub, ajouta avec cynisme Gravitas.
– Grâce à moi, être un Super-Héros
est devenu un métier ! C'est notre boulot, et ces Inutiles, là,
vont nous le prendre.
– Avec tous les crimes qu'il y a chaque
jour dans le monde, je dirais qu'on a de quoi voir venir, je vois pas
pourquoi ils t'énervent à ce point, observa Terminacop.
– Croyez-moi, je connais assez le
marketing pour savoir comment tout ça va se finir. Les gens aiment
les outsiders. Et ces gars, ce sont des outsiders. À eux seuls, ils
représentent une opération com' tellement puissante qu'elle va nous
balayer nous et nos pouvoirs. Imaginez : le gars qui se
transforme en kitchenette qui devient un modèle à la place de
Terminacop, ou Gravitas remplacée par Jus-de-fruits-man dans le cœur
des gens.
– Bon en admettant qu'ils puissent nous
évincer dans le cœur des gens, quel est le problème ?
– Moins de fric pour nous si les
marketeux s'emparent du phénomène. Si on est pas supportés
économiquement, on pourra rien faire !
– Je crois que tu racontes n'importe
quoi et que nos revenus et notre bien-être, tu t'en bats les reins
royalement. C'est surtout perdre ta précieuse popularité qui te
gêne, n'est ce pas, monsieur Parfait ? cracha Gravitas.
– J'avoue sans problèmes, ouais si je
suis pas aussi populaire, je perds mon gagne-pain. Mais c'est le cas
pour vous tous aussi bande d'hypocrites. Vous êtes tous allés de
votre passage rémunéré à la télé ou de votre sponsoring. Si
vous voulez pas sauver votre croûte, alors au moins dites-vous que
vous ne pouvez pas accepter qu'une bande d'inférieurs nous
supplante. »
De nouveau, un long silence vint s'installer
dans la pièce. Kratos avait du mal à dissimuler un petit sourire.
Tous ceux qui avaient été dotés de super pouvoirs avaient une
certaine répugnance vis-à-vis des Inutiles, cette caste de gens aux
pouvoirs minables. On les voyait comme des gens génétiquement
défavorisés, des blagues de mère nature, alors qu'eux incarnaient
le renouveau de l'espèce humaine. Kratos était satisfait car son
dernier argument avait toutes les chances de faire mouche.
« Quand bien même, tu proposes quoi,
Kratos ? On va quand même pas aller les défoncer, surtout
maintenant qu'il est établi qu'ils sont de notre coté, déclara
finalement Terminacop.
– Non on ne va pas les agresser. Ce
serait très mauvais pour notre image, après tout ils sont sur le
point de devenir la coqueluche du public, acquiesça Kratos.
– Donc...
– Donc ce qu'on va faire, c'est les
laisser continuer à affronter des super-vilains jusqu'à ce qu'ils
s'en prennent à plus fort qu'eux ? Dragon était dubitatif.
– Précisément. Raptor, Sarramauca, et
enfin Gepetto.
– Ouais ils sont tous les trois
dangereux et bien enfermés, ce qui est pas plus mal, pourquoi tu
nous parles d'eux, ils te manquent ? grogna Gravitas.
– On va les libérer et ils vont tuer la
Ligue des Inutiles pour nous, répliqua simplement Kratos, soulevant
la surprise générale.
– Mais tu es complètement taré ?
Ces mecs sont parmi les individus les plus dangereux du monde !
Tu envisages vraiment de libérer Raptor, cet espèce de sadique
cannibale ? Gravitas était sous le choc.
– Vous en faites pas. Ils font le
boulot, ils butent les Inutiles. Après ça, il ne nous restera plus
qu'à les refoutre au trou. On fait d'une pierre deux coups ! On
se débarrasse des minables et en plus la foule nous adulera pour
avoir vengé ses malheureux héros. »
Les discussions furent vives, les héros
hésitaient à suivre ce plan. Il était incroyablement risqué, mais
il garantissait effectivement la disparition de la Ligue des Inutiles
et calmerait toute future initiative allant dans le même sens. Après
avoir bien débattu, la décision fut prise de se laisser une semaine
de réflexion, condition que Kratos accepta bon gré mal gré.
Kratos était sorti un peu déçu de cette
réunion. Il avait espéré que ses compagnons soient à deux cent
pour cent derrière lui, mais ils semblaient tous un peu hésitants.
Il se demandait au fond s'il n'était pas allé loin en proposant son
plan d'action, mais c'était la seule solution se disait-il alors
qu'il prit son envol. Tandis qu'il surplombait la ville de Paris, son
regard d'aigle s'arrêta sur une jolie fille qui faisait des
emplettes dans le quartier latin. Le Super-Héros se dit qu'une
partie de Super-jambes en l'air ne serait pas de refus après tout le
stress de la journée, aussi, il descendit en piqué vers elle et se
posa aussi gracieusement et doucement que possible. La jeune femme
était une petite blonde aux cheveux ondulés, coiffés d'un bonnet,
et vêtue comme une artiste. Elle ouvrit de grands yeux gris clairs
quand Kratos apparut à elle.
« Bonjour mademoiselle, on m'a signalé
qu'un super criminel faisait des siennes dans le coin.
– Vraiment ? s'exclama-t-elle
étonnée.
– En fait ils sont deux. Ah je les
vois...ce sont vos jolis yeux, déclara-t-il d'un ton mielleux,
satisfait de ne pas être tombé dans le piège du lapsus révélateur,
sa concentration étant plus dirigée vers les seins que les yeux de
la belle.
– Oh vous ! Je suis sûre que vous
dites ça à toutes les filles, s'exclama la femme dans un rire
clair.
– Seulement à celles qui me sont
spéciales. Kratos était très fier de ses techniques de drague
digne du plus grand des pick up artist.
– Je pourrais peut-être vous donner mon
numéro, et vous viendriez me sauver...commença la jeune femme.
– C'est vous qui allez me sauver... »
avait commencé Kratos mais il fut interrompu.
Le petit Vivien âgé de sept ans n'en
revenait pas ! Il avait en face de lui le grand Kratos ! Le
plus puissant de tous les héros. Les yeux du gamin s'écarquillèrent
et un grand sourire se peint sur son visage. Il s'élança vers le
Héros en criant son nom. Kratos discutait avec une fille. Elle en a
de la chance se disait-il. Finalement, Kratos se tourna vers lui !
C'était le plus beau moment de sa vie.
« Kratos ! Kratos je peux avoir un
autographe s'il te plaît ? hurlait le mioche que Kratos tentait
d'ignorer.
– Je vais vous laisser avec vos fans,
déclara la belle avant de partir. Kratos se rendit compte qu'elle
avait oublié de lui laisser son numéro de téléphone.
– Kratos s'il te plaît, continuait de
réclamer le gamin en brandissant un papier et un stylo. Sale gosse
qui avait fait fuir la fille...
– Barre-toi ! s'écria Kratos sous
le coup de la frustration, oubliant qu'il devait garder contenance en
public. Le héros voulut reprendre son envol, mais le gamin le tenait
par la cape, fermement, ce qui lui tapa sur les nerfs.
– Juste un autographe s'il te plaît !
Je suis ton plus grand fan !
– J'ai pas de temps à perdre avec toi
minot ! Casse-toi !
– Mais... » complètement hors de
lui, Kratos souleva le gamin par le col, et le mena au niveau de son
visage. L'enfant fut une seconde complètement effrayé, mais à
présent qu'il était aussi prêt du visage de son idole, il était
extatique.
« Lâche ce gamin, fais lui son
autographe et dégage ! »
Kratos s'était retourné d'un coup vers lui.
Son regard était flippant. Greg Gorman regretta aussitôt d'avoir
interpellé Kratos de la sorte. C'était bien sa veine, il était
juste venu se promener, résultat Kratos apparaissait de nulle part
et avait commencé à molester un enfant. Kratos reposa l'enfant qui
était aux anges criant « Il m'a porté ! Kratos m'a
porté, c'est le plus cool des plus cool ! » et avança
vers lui d'un pas décidé. Greg restait immobile et fixa Kratos. Ses
jambes tremblaient et avaient du mal à le porter. Il avait
l'impression que ses genoux étaient faits en guimauve. « Il va
me démolir ! Il va me massacrer ! » se répétait
Greg. S'il pouvait, il fuirait, mais il savait que c'était inutile.
Kratos pouvait voler, avait le pouvoir de super-vitesse, il le
rattraperait en deux secondes et il lui démolirait la face avec avec
ses poings et sa super-force. Greg Gorman n'allait pas s'en tirer
sans des os brisés, au mieux.
« Tu te prends pour qui, à me donner
des ordres, minable ? » gronda Kratos en balançant une
super gifle à l'abruti qui l'avait interpellé. Le corps de l'homme
vrilla dans les airs, avant de s'écraser contre la façade d'un
bâtiment. Kratos savait que c'était une connerie, que c'était une
mauvaise idée de tabasser un simple civil, mais là, il avait besoin
de déstresser, et le hasard avait placé là un punching-ball. Il
allait tenter de contrôler sa force au mieux. Il fit quelques pas
pour lancer le gars. Mais à sa grande surprise, il s'était relevé.
Greg n'avait jamais été aussi secoué de sa
vie. Il était trop choqué pour avoir mal. Il était sonné, mais
avait réussi à se relever. La tête lui tournait, et si avant ses
jambes étaient en guimauve, là c'était du papier. Greg regarda le
gamin qui observait le combat. L'enfant était en train d'encourager
Kratos. « Petit fanboy à la con » se dit Greg, amer. Il
prenait une dérouillée pour lui. Kratos continuait d'avancer vers
lui, et Greg se disait que peut-être s'il s'excusait...Mais il
rejeta cette idée. Lui, Greg Gorman, avait toujours rêvé d'être
un super-héros, mais son pouvoir était trop minable. Il n'avait pas
la chance d'attirer les mêmes regards que Kratos, lui on ne le
regardait pas avec admiration. L'enfant, là, il voulait être comme
Kratos, pas comme lui... Greg ressentit une sorte de second souffle,
il n'était plus sonné du tout et ses jambes se raffermirent. Kratos
continuait d'avancer vers lui, mais il n'avait plus peur.
« Toi, tu as la chance d'être puissant
et admiré ! Et surtout, tu as l'occasion d'être un modèle
pour les autres, pour les gamins... » commença Greg tout en
courant vers Kratos qui le regarda avec surprise. Greg s'approcha de
lui et s'arrêta brièvement à deux pas de lui. Il balança son
poing loin derrière lui, prenant autant d'élan que possible avant
de le relâcher avec toute la violence dont il était capable.
« Les gens comme toi n'ont pas le droit
de les décevoir ! T'as pas le droit de briser les rêves que tu
leurs mets dans la tête ! Quand un petit vient te dire qu'il
t'admire, tu ne le rejette pas ! » avait hurlé Greg tout
en écrasant son poing sur le visage de Kratos.
La douleur explosa en chaîne...dans le bras
Greg. Il avait l'impression d'avoir cogné contre un mur en béton.
Kratos l'attrapa par la tête et l'envoya valdinguer contre une
poubelle. Une foule s'était massée autour des deux adversaires. Le
petit continuait d'encourager Kratos, et bientôt, il fut accompagné
de tous les spectateurs. Quand Greg s'était relevé, à moitié
sonné, c'était hué par tous. Il les entendait, il entendit
parfaitement ce qu'on lui criait « Laisse Kratos tranquille,
minable ! » « Fous-lui la paix, ingrat ! ».
Kratos semblait surpris aussi de voir que la
foule était de son coté. Il était en train de tabasser un type
lambda, et tout le monde l'encourageait. Ils devaient croire que son
adversaire était un agresseur. Il se dit qu'il valait mieux laisser
tomber, ça irait trop loin. Il se retourna vers sa victime et son
regard croisa le sien. Les yeux de l'homme étaient déterminés, il
le regardait de haut. Ce type de rien du tout croyait-il pouvoir lui
montrer comment se conduit un super héros ? Une étrange
pulsion meurtrière s'empara de lui. Il se mit à léviter. Puis,
sans quitter du regard sa victime, il se mit à voler à toute
vitesse vers lui, prêt à l'écraser.
« Il va me tuer. » c'était ce que
se disait Greg en voyant Kratos s'élancer vers lui. Il allait se
faire aplatir, et si ça se trouve, tout le monde allait applaudir.
Il regarda avec peur le héros qui fonçait sur lui. Cette espèce de
taré. Il ne pourrait rien contre lui...rien...
« ATCHOUM ! » l'éternuement
de Kratos fut si violent qu'il perdit l'équilibre et se planta la
face au sol. Il roula et s'écrasa à coté de Greg. Pour ajouter à
l'humiliation, une poubelle se déversa sur lui. Greg en resta coi.
Il se tourna vers son adversaire. Même le puissant Kratos n'avait
rien pu faire contre lui. Greg observa Kratos un moment. Le héros
s'était relevé et avait les yeux injectés de rage. Il leva le
poing pour frapper, mais il éternua de nouveau. Et encore, encore,
encore...Greg pouvait le faire éternuer à l'envie. Quand il
éternuait, Kratos ne pouvait rien faire. Malgré sa toute puissance,
son invincibilité disparaissait à chaque fois qu'il éternuait.
Greg utilisa son pouvoir et en profita pour s'éloigner de Kratos.
« Putain de merde, je ne peux pas être
malade ? Je suis immunisé contre toutes les maladies ! »
se disait Kratos. Chaque fois qu'il voulait frapper l'ennemi, il
éternuait. Et quand il éternuait, il était incapable de bouger. Il
fermait les yeux machinalement à chaque fois...en combat, chaque
seconde passée les yeux fermés était une ouverture pour les
ennemis. S'il ne combattait pas un simple péon, il aurait eu de
lourds ennuis. La foule semblait perplexe alors qu'il éternuait sans
arrêt. Finalement, sa crise se calma. Il renifla, et regarda partout
autour de lui, mais son adversaire en avait profité pour s'enfuir.
On sonnait à la porte de l'appartement de
Michael Perséphone. Celui-ci se demanda bien qui cela pouvait être.
Il était avec les membres de la Ligue des Inutiles au grand complet,
et ensemble, ils étaient en train de discuter de leurs missions. Il
interrompit la réunion et alla ouvrir, sous les regards étonnés de
ses amis qui le suivirent, vêtus en civils.
Quand Michael ouvrit la porte, son visage se
figea dans une attitude d'étonnement, de même que celui de tous les
autres. À la porte se tenait un homme vêtu d'un costume de super
héros vert. Sous la capuche et le masque, les yeux de Greg
brillaient différemment, avec détermination. Et même les gros
pansements sur son visage n'enlevaient rien à l'aura charismatique
qu'il dégageait.
« Vous avez la place d'accueillir de
nouveau Atchoum-Man ? » demanda-t-il simplement.
Le sourire de Mike fut pour lui une réponse
suffisante.
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